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Les dérives islamo-gauchistes ou libertaires vont dégrader l’image des instituts de sciences politiques et le marché risque de leur couper les vivres.
©Philippe DESMAZES / AFP

Atlantico Business

Que des écoles de Sciences po organisent des débats idéologiques, c’est leur rôle, mais si elles se laissent aller à encourager l’islamo-gauchisme ou les dérives libertaires, elles risquent d’entamer leur crédit, leur image et leur équilibre financier.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Tout se passe comme si les dirigeants des instituts d’études politiques étaient complètement irresponsables. Parce que si certains à Sciences Po se laissent aller à accepter, et parfois à encourager l’islamo gauchisme et les tentations terroristes, l’opinion va certes s’émouvoir mais surtout, le marché va les sanctionner en les privant de ressources financières

Pourquoi ? Parce que l’enseignement supérieur ne vit pas que des subsides publics. Il vit surtout des contributions d’entreprises qui ont le choix et la liberté de faire jouer la concurrence. Une concurrence internationale dont les étudiants, qui se sont souvent endettés pour financer leurs études, seraient les premières victimes. 

L‘islamophobie n’est pas illégale en France. Et encore moins quand elle s’exerce à l'université. Encore moins dans les établissements d’études supérieures comme les instituts de sciences politiques. Depuis les attentats terroristes de Charlie Hebdo, ces débats se sont durcis certes, mais personne ne doit être empêché de critiquer une religion, son expression et sa pratique. On peut émettre un jugement critique contre la religion catholique, ses rituels, ses textes ; on peut tout aussi bien critiquer les religions protestante, orthodoxe, bouddhiste, juive mais pour l’Islam, cela poserait problème ?  Étonnant !

Cette liberté n’est pas interdite. Elle est même très encouragée notamment dans les enceintes universitaires. Cette liberté contribue à la formation de l’esprit, fondée sur la confrontation des idées, l’analyse des faits et des chiffres. 

Ce qui s’est passé à l’institut de Sciences politiques de Grenoble est absolument intolérable. Qualifier deux professeurs d’islamophobie et les accuser de fascistes est non seulement ridicule et absurde mais hyper dangereux, dans la mesure où cela les désigne comme cibles aux islamistes radicaux et aux candidats au terrorisme. Samuel Paty est mort décapité pour moins que cela, à l'issue d’un processus complètement hallucinant de bêtises, fondé sur le mensonge épouvantable. 

A Grenoble, le syndicat étudiant UNEF, qui a revendiqué et assumé cette accusation, sera sans doute jugée par les tribunaux pour incitation au meurtre. Mais parallèlement, le silence du syndicat UNEF au niveau national, tout comme les déclarations très ambiguës de la direction de l’école, s’avèrent très coupables. Comment ne pas condamner sans l’ombre d’une hésitation de tels actes ? 

Tout cela revient à cautionner et à encourager des actes d’islamo-gauchisme et donc à dégager la voie au terrorisme le plus sanglant. 

Cette affaire, comme beaucoup d’autres, alimente aujourd’hui un débat dans la classe politique et médiatique française piégée par son histoire, sa génétique Sartrienne et son inculture. Au point d’ailleurs où une majorité du corps professoral s’offusque quand la ministre de l’enseignement supérieur demande un état des recherches entreprises dans l’Université pour les rendre publiques. Ces débats sont évidemment moins graves mais leur seule existence prouve bien qu‘il y a un problème sur le champ de la liberté de penser, mais pose aussi les conditions d’avenir de l’université. 

Parce que si l‘islamophobie engendre un islamo-gauchisme qui encourage le crime terroriste ou le justifie, c’est toute l’université qui va s’autodétruire. 

Les étudiants seront les premiers touchés. En se livrant à de telles délations de certains de leurs professeurs, les étudiants ne se rendent pas compte qu‘ils se tirent une balle dans le pied. 

Quand la direction d’une grande école ou d’une organisation universitaire fait preuve d’un tel laxisme en ne protestant pas violemment contre ce type de comportement, elle ne se rend pas compte qu‘elle dégrade l‘image de son établissement et dévalue l’enseignement et par conséquent, les diplômes que l’école délivre. 

L’image d’une école dépend de sa capacité à défendre les valeurs universelles, à diffuser la culture et à protéger les expertises dans tous les domaines. Si l’un de ces axes de la formation est déréglé, l’école se dégrade. Son image et son crédit se dévaluent. 

Qu’on le veuille ou non, les universités et les grandes écoles sont en concurrence les unes avec les autres au niveau mondial. La France n’est pas si bien placée que cela dans les classements internationaux pour qu‘elle puisse se permettre n’importe quoi. 

Ajoutons que ces écoles, ces formations sont chères

Elles coutent cher au contribuable qui n’a pas le choix de payer ou non les impôts qui vont servir à leur financement. 

Et elles coutent cher aux entreprises qui sont invitées à cofinancer les investissements et le fonctionnement. Les entreprises ont, elles, le choix de verser les dons et mêmes les taxes d’apprentissage ou de formation aux écoles qu‘elles veulent. Les écoles de commerce, qui se sont créées en masse depuis 20 ans et qui inculquent une formation supérieure utilisable sur le marché du travail, vivent principalement des subsides « du marché ». 

Quand les écoles de sciences politiques se sont aperçues que leurs élèves ne trouveraient plus dans l’administration publique les débouchés nécessaires, elles ont changé leur enseignement et leur recrutement pour satisfaire les besoins de l’économie de marché. Toute la stratégie de Richard Descoings, l’ancien directeur de Sciences Po Paris, avait été de comprendre que Science Po allait se retrouver en concurrence avec les grandes écoles de commerce. Il lui fallait donc répondre à la demande des entreprises. Tous les instituts d’études politiques ont engagé cette mutation et ont trouvé de ressources financières auprès des acteurs de l‘économie privée internationale et ont adapté leur formation.  

Mais ça n’est pas tout, ces écoles coutent cher aux étudiants qui, pour payer les frais de scolarité (jusqu’à 10 000 euros par an pour certains Masters) ont emprunté de l'argent pour financer les 5 années d’études, avec l’obligation de rembourser les crédits le jour où ils entreraient dans la vie active.  

A l’UNEF comme dans les autres syndicats, on sait très bien que les prêts étudiants sont devenus une part incontournable du financement. 

Le raisonnement paraitra très trivial, mais si les écoles de science politiques ne parviennent pas à assainir leur fonctionnement et leur programme d’enseignement et de recherche, la concurrence se chargera de les éliminer. 

Après l’affaire Duhamel, il y a de fortes chances que le nouveau conseil de Sciences Po Paris ait du mal à boucler son budget s’il ne sait pas reconnaître ses faiblesses et ses dérives, qu‘elles soient libertaires ou islamo-gauchistes. La même crainte va peser sur le management de Sciences Po Grenoble. Le marché - pour utiliser une expression que le monde universitaire va trouver évidemment très vulgaire - peut parfaitement faire jouer la concurrence et se détourner de ces formations. 

Le plus grave dans cette affaire, c’est que les étudiants eux-mêmes,  vont se retrouver victimes de cette dégradation d’image et de crédit quand il s’agira de monétiser leur diplôme. Ils n’y retrouveront pas leur compte. La concurrence ne jouera pas en faveur de leur formation. 

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