Les députés du Front de gauche ne voteront pas le budget : un psychodrame sans grande conséquence<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Jean-Luc Mélenchon.
Jean-Luc Mélenchon.
©Reuters

Même pas peur

Après s'être abstenus en 2013, les députés du Front de gauche voteront contre le budget du gouvernement socialiste pour 2014.

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé

Thomas Guénolé est politologue et maître de conférence à Sciences Po. Son dernier livre, Islamopsychose, est paru aux éditions Fayard. 

Pour en savoir plus, visitez son site Internet : thomas-guenole.fr

Voir la bio »

Les députés Front de gauche, qui s'étaient abstenus l'année dernière, ont annoncé qu'ils voteraient contre le projet de budget 2014, débattu à partir de mardi à l'Assemblée. Peut-on considérer qu'ils sont ouvertement sortis de la majorité ?

Thomas Guénolé :Oui. Traditionnellement, le critère nécessaire et suffisant pour être membre de la majorité parlementaire, c'est de voter pour le budget, aussi bien ses recettes que ses dépenses. Puisque les députés du Front de gauche ont annoncé qu'ils voteraient contre, ils seront officiellement en dehors de la majorité parlementaire s'ils passent à l'acte.

Une telle situation est-elle inédite ? Un groupe peut-il voter contre un texte aussi important et continuer à faire partie de la majorité ?

De mémoire, non. Valéry Giscard d'Estaing rappelait encore ce critère unique d'appartenance à la majorité lorsqu'il était chef de l'Etat, pour signifier au RPR de Jacques Chirac qu'il y avait une ligne rouge à ne pas franchir lorsque Raymond Barre dirigeait le gouvernement. Plus près de nous, les communistes ne votaient pas systématiquement le budget du temps de Michel Rocard, et donc, à ce titre, ils ne faisaient pas partie de la majorité.

Dans ces conditions, une alliance entre le Front de gauche et le PS est-elle toujours envisageable lors des prochaines municipales ?

À l'échelle des municipales, la situation est différente : les survivances du jadis puissant "communisme municipal" luttent pour continuer à exister, cependant que l'appétit de candidats de droite ou d'extrême droite pour "faire tomber" des mairies communistes de longue date est plus qu'aiguisé.

De fait, il y a pour les élections municipales les intérêts des élus locaux du Parti communiste, et la stratégie nationale du Parti de gauche déclinée au niveau local. Ce sont deux choses bien différentes qui, pour converger, font l'objet de négociations. On a souvent dit que ces deux partis avaient du mal à s'entendre : c'est inexact. En réalité, le Front de gauche a en fait reproduit à l'extrême gauche le même genre de cartel électoral, de type "fédération de partis", que l'UDF de centre-droit de jadis. Jean-Luc Mélenchon a opté pour une ligne d'indépendance face au PS, mais n'en tire pour l'instant aucun bénéfice dans les sondages.

Sa stratégie de radicalisation est-elle contre-productive ?

Il est faux de dire que sa ligne serait contre-productive dans les sondages, car elle lui a permis de réunifier l'électorat d'extrême gauche et de lui donner son seuil le plus élevé depuis plus de trente ans. En outre, lors du premier tour de l'élection présidentielle de 2012, selon OpinionWay, 10 points d'électorat ont hésité jusqu'à la dernière semaine entre voter Hollande et voter Mélenchon : le potentiel de croissance du score présidentiel de Jean-Luc Mélenchon dépasse donc 20% des voix. Par parenthèse, il est amusant de constater que le 7 octobre dernier, sur France Inter, le candidat du Front de gauche à la dernière présidentielle a nié être d'extrême gauche, sans aller toutefois comme l'extrême droite jusqu'à menacer de poursuites judiciaires quiconque le contredirait sur ce point. Or, bien évidemment, Jean-Luc Mélenchon est d'extrême gauche : il est même doctrinalement conforme au marxisme-léninisme le plus classique, hormis quelques points comme le fait qu'il n'accepte que la révolution par les urnes. Sa dénégation nous rappelle qu'au bout du compte, quand on est d'extrême gauche, l'on considère souvent qu'on est soi-même de gauche et que tout le reste du paysage est à droite.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

A lire également, de Thomas Guénolé : "Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ?" (First éditions), 2013, 16,90 euros. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !