Les députés bouclent définitivement le budget 2014 : ce qu’on apprend en le comparant à sa première version (et ça fait peur)<!-- --> | Atlantico.fr
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Les députés bouclent définitivement le budget 2014.
Les députés bouclent définitivement le budget 2014.
©Reuters

Tout ça pour ça

Les députés votent définitivement ce jeudi 18 décembre le budget rectificatif de l'Etat. Après plusieurs allers-retours entre le Sénat et l'Assemblée, le déficit 2014 (toutes administrations publiques confondues) qui était prévu à -2% atterrit finalement à -4,4%.

Charles de Courson

Charles de Courson

Charles de Courson est député UDI de la 5e circonsription de la Marne, maire de Vanault-les-Dames et vice-président du Conseil général de la Marne.

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Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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  • Sur le budget 2014, on a observé une perte de 12 milliards d’euros par rapport aux prévisions. 

  • Le déficit initial était prévu à 3,6% du PIB et le PLF prévoit un atterrissage à 4,4%, soit 22% de plus, notamment du fait d’une croissance économique et donc de recettes fiscales inférieures aux prévisions.

  • Pour le seul Etat (hors sécurité sociale et collectivités locales), le déficit est passé de 82,6 à 89mds€.

  • L’effort n’a pu être mené que sur quelques centaines de millions d’euros sur un total de 360 milliards de dépenses.

  • Les deux lois de finances rectificatives (été et automne) constatent des minorations significatives de baisses de recettes : face aux 325 milliards d’euros de recettes brutes prévu en PLF, les deux lois constatent des minorations de recettes respectivement pour 9 et 8 milliards, notamment sur l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.

  • Pour ce qui est des dépenses, l’essentiel d'entre-elles est constitué par les prestations sociales (pour la plupart hors du budget de l’Etat) et les dépenses de personnel des fonctionnaires. La seule maîtrise possible de ces dépenses est une maîtrise de moyen terme via la transformation de la dynamique de ces dépenses et les fameuses ou honnies "réformes structurelles". 

Atlantico : Le vote définitif des députés sur le Budget rectificatif de l'Etat se déroule ce jeudi 18 décembre. L'Assemblée nationale avait déjà adopté mardi soir, le budget rectificatif 2014, en rétablissant plusieurs taxes supprimées au Sénat, avant que celui-ci ne fasse une ultime navette mercredi 17 décembre. Ce projet de loi de finances constitue notamment un gage à la Commission européenne sur la volonté de réduire le déficit afin de compenser des rentrées fiscales plus faibles qu'attendues et l'augmentation de certaines dépenses. Au final, quel est l'écart entre le Budget initialement annoncé et celui qui sera voté ce jeudi ?  

Charles de Courson : Le moins que l’on puisse dire, c’est que tous ces allers-retours ont été rock’n’roll, si l’on peut se permettre l’expression. Face à la pression européenne, le gouvernement craignait de voir son budget retoqué. C’est pourquoi le ministère des Finances a pris des mesures qui ont représenté près de 3,6 milliards d’euros de réduction de déficit. Alors que François Hollande affirmait ne pas vouloir d’impôts nouveaux, des amendements sont apparus afin d’augmenter les recettes. Cela a par exemple été le cas avec l’augmentation de 20% de la taxe d’habitation des résidences de tourisme. Elle devait être obligatoire mais sera finalement facultative, à l’appréciation des conseils municipaux et communautaires. Tout cela donne le sentiment que le gouvernement avance à l’aveuglette sous la pression des circonstances. Sur le budget 2014, on a observé une perte de 12 milliards d’euros par rapport aux prévisions, surtout en matière d’impôt sur le revenu et les sociétés. Le gouvernement a finalement reconnu que le phénomène était lié à une moins-value sur les revenus des capitaux mobiliers. On commence à avoir la vérité sur deux ans de dérive. Au total, la loi de finances rectificative ne fait que poursuivre la dégradation des déficits publics essentiellement à cause de l’effondrement des recettes.

Pierre-François Gouiffès : La réponse à votre question dépend du point de départ que l’on prend en référence par rapport au point d’arrivée qui est le vote final de cette seconde loi de finances rectificative.

Si l’on prend comme point de départ le projet de 2nde loi de finances rectificatives présenté en conseil des ministres par Michel Sapin & Christian Eckert le 12 novembre dernier, le débat a plutôt porté sur les dimensions fiscales du texte : les ministres ont dû jongler avec l’engagement de François Hollande de ne plus augmenter les impôts d’ici la fin de son mandat alors que le texte embarquait quelques nouveaux impôts, par exemple la surtaxe sur les résidences secondaires.

Si l’on prend comme point de départ la PLF 2014 de septembre 2013, il faut se rappeler que le déficit initial était prévu à 3,6% du PIB et dont que le PLF prévoit un atterrissage à 4,4%, soit 22% de plus, notamment du fait d’une croissance économique et donc de recettes fiscales inférieures aux prévisions. Le PLFR conclut une séquence de glissage qui a inclus un recalage en avril/juin à -3,8 et l’annonce du 4,4% dès le 10 septembre par Michel Sapin. Pour le seul Etat (hors sécurité sociale et collectivités locales), le déficit est passé de 82,6 à 89mds€.

On peut même remonter beaucoup plus loin que le PLF 2014 présenté en septembre 2013, puisque la France a l’obligation de transmettre à la commission européenne dans le cadre du pacte de stabilité budgétaire puis du traité budgétaire européen : la première fois que le déficit 2014 est évoqué, c’était pour la prévision faite par le gouvernement Fillon en septembre 2010 concernant la période 2011-2014 : le déficit 2014 (toutes administrations publiques confondues) était prévu à -2% et on atterrit finalement à -4,4%...

Quel aura été l'impact de la navette parlementaire sur le budget rectificatif 2014 ? Cette navette parlementaire aura-t-elle permis de réelles améliorations ? 

Charles de Courson L’Union européenne avait sommé le gouvernement de réduire son déficit structurel de 0,5 point de PIB, soit 10 milliards d’euros par an. Mais grosso modo seulement les deux-tiers de la demande de la Commission européenne ont été atteints… D’où la demande de la Commission de réduire le déficit de 3,6 milliards d’euros supplémentaires. Le gouvernement est parvenu à trouver les milliards nécessaires, mais il ne s’agit que d’économies de constatation, rien de structurel. Le gouvernement a par exemple bénéficié de rentrées liées à la régularisation des comptes français non-déclarés ouverts à l’étranger, notamment en Suisse et au Luxembourg. Mais c’est une mesure exceptionnelle, il n’y a rien de structurel dedans ! Au total, la situation va être encore plus difficile en 2015, parce que les déficits vont continuer à se creuser, pas seulement au niveau de l’Etat, mais pour l’ensemble des finances publiques. On va voir comment le gouvernement va s’y prendre pour échapper à une pression beaucoup plus forte que celle à laquelle il est actuellement soumis. Il faut de vraies réformes, comme le réclame à juste titre la Commission européenne réclame, et non pas un patchwork de mesures comme l’est le texte Macron.

Pierre-François Gouiffès : A la base, le fait de voter ou de ne pas voter le budget est le déterminant principal d’appartenance d’un parlementaire à la majorité ou à l’opposition. Donc apparemment les "frondeurs" PS appartiennent à la majorité, à la différence de l’UMP, de l’UDI et du Front de Gauche et d’une certaine manière EELV qui s’est majoritairement abstenu. En fin de compte le gouvernement a démontré qu’il avait sur ce texte une majorité claire à l’Assemblée Nationale, majorité qu’il a tout aussi clairement perdu au Sénat.

Quels sont les postes de dépenses dans la loi de finances qui sont reconductibles automatiquement et donc sur lesquels les députés n'ont pas de réelle marge manœuvre ? 

Charles de Courson  Quand on fait l’analyse rétrospective du rôle du Parlement, on constate que l’effort n’a pu être mené que sur quelques centaines de millions d’euros. Le gouvernement s’accroche pour perdre le moins de recettes possibles puisqu’il ne veut pas augmenter les dépenses. Quoi qu’il en soit, chaque année de septembre à décembre on entre dans un débat qui est à la marge de la marge. La loi de finances rectificative est un patchwork de mesures qui sont mises bout à bout pour soulager la loi de finances initiale. Ce sont beaucoup de petites mesures. Et quant à la loi de finances initiales de 2015, elle ne prévoit pas grand-chose si ce n’est la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu pour calmer la montée de l’exaspération fiscale en France.

Pierre-François Gouffiès : L’effort n’a pu être mené que sur quelques centaines de millions d’euros sur un total de 360 milliards de dépenses. Pour ce qui est des recettes, les deux lois de finances rectificatives (été et automne) constatent des minorations significatives de baisses de recettes : face aux 325 milliards d’euros de recettes brutes prévu en PLF, les deux lois constatent des minorations de recettes respectivement pour 9 et 8 milliards, notamment sur l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. 

Concernant les dépenses, on sait bien que désormais l’essentiel des dépenses est constitué par les prestations sociales (pour la plupart hors du budget de l’Etat) et les dépenses de personnel des fonctionnaires. La seule maîtrise possible de ces dépenses est une maîtrise de moyen terme via la transformation de la dynamique de ces dépenses et les fameuses ou honnies « réformes structurelles »

A court terme, les dépenses arbitrables sont les dépenses courantes et les dépenses d’investissement, mais leur poids ne permet pas en aucune manière une solution globale au problème budgétaire.

Il faut enfin prendre en compte la conjoncture et les aléas : concernant la reprévision liée à l’atterrissage 2014, on constate des dépassements de certaines dépenses (militaires et sociales) normalement compensés par des économies dans d’autres secteurs.

Au regard des éléments sur lesquels les députés avaient un réel pouvoir, quelle a été leur action ? Qu'ont-ils réellement fait pour diminuer les dépenses ? 

Pierre-François Gouffiès :  Selon Otton von Bismarck, « les lois sont comme les saucisses. C'est mieux de ne pas voir leur préparation » et il n’est pas exclu que cet adage s’applique aux textes budgétaires. La capacité du gouvernement à obtenir une majorité sur son texte n’a pas exclu  c’est la nature même du débat parlementaire budgétaire – des modifications lors du débat, par exemple l’augmentation du versement transport en Ile de France pour financer le pass NAVIGO unique à 70€ sur l’ensemble du territoire francilien ou les allers retours avec le Sénat qui a changé de majorité il y a quelques semaines

Dans quelle mesure le loi de finances est-elle en réalité contrainte par les exigences de Bruxelles ?

Pierre-François Gouffiès :  Le gouvernement français a dû tenir une ligne de crête entre la gestion de sa majorité parlementaire et les attentes de la Commission européenne et, derrière elle, des partenaires de la France de la zone euro. L’ombre de la Commission n’a pas cessé de peser sur les débats budgétaires de l’automne, avec comme principal enjeu la crédibilité budgétaire de la France qui a décidé de revenir sur son engagement antérieur vis-à-vis de la Commission en reportant une nouvelle fois (au-delà de 2015) le respect de la norme de 3% de déficits.

Le 28 novembre dernier, la Commission a rendu son avis sur le projet de 2015 sans émettre de sanction sur la France mais la France est clairement au centre de l’attention et de l’inquiétude de la Commission qui a dans les faits redonné rendez-vous à la France en mars 2015 pour juger tant de l’exécution définitive du budget 2014 que du texte final du budget 2015, avec éventuellement des sanctions à la clef. Christian Eckert a de son côté récemment indiqué que la France devait « de sortir de la spirale des objectifs qui ne sont pas respectés. »

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