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Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping se serrent la main après leur entretien au Kremlin à Moscou, le 5 juin 2019.
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping se serrent la main après leur entretien au Kremlin à Moscou, le 5 juin 2019.
©ALEXEY DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Survie de la démocratie

Les démocraties ne doivent jamais faire confiance aux pays dirigés par des systèmes totalitaires. Il faut se donner les moyens de leur résister de manière coordonnée sous peine d’être définitivement emportés.

Jean-François Cervel

Jean-François Cervel

Jean-François Cervel est inspecteur général de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR) honoraire.

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Les pays à régimes totalitaires sont nos ennemis.

Ils le sont à double titre, en tant que puissances et en tant que porteurs d’un système. Comme tout au long de l’histoire, ils sont nos concurrents dans une logique classique de puissance. C’est la compétition historique entre Etats-Nations qui caractérise de longue date les évènements du monde. Mais cet affrontement traditionnel se double d’un affrontement de système. Les régimes autoritaires installés à la tête de ces pays ont pour objectif de détruire le système de démocratie libérale et toutes les valeurs qu’il porte pour installer la domination de leur oligarchie. Nos démocraties ont déjà connu cette situation au long de la période contemporaine en devant combattre le totalitarisme fasciste puis le totalitarisme communiste. Ils se retrouvent aujourd’hui affrontés à une situation similaire avec l’apparition d’un nouvel axe des totalitarismes qui est clairement notre ennemi.

L’actualité nous montre tous les jours l’agressivité de tous les régimes totalitaires à travers le monde. Leurs dirigeants ont pour objectif d’une part de pérenniser leur pouvoir et d’autre part d’augmenter leur puissance par tous les moyens et dans tous les domaines possibles. A l’intérieur de chacun de leurs pays, ils le font en imposant un régime autoritaire qui ne tolère aucune opposition, interdit toute liberté à leurs habitants qui ne sont plus des citoyens mais des sujets et fait disparaitre les concepts d’état de droit et de pouvoir judiciaire autonome. A l’extérieur ils utilisent tous les moyens pour accroitre leur influence dans la double logique d’affrontement de puissances classique et de volonté d’affaiblir et si possible de détruire les démocraties libérales porteuses du redoutable virus de la liberté.

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Les actions conduites par le régime nationaliste de Vladimir Poutine en Russie, par le régime communiste en Chine et par les principales puissances du monde arabo-islamique s’inscrivent clairement dans ce programme.

Le régime poutinien poursuit, en premier lieu, son travail de reconstitution de l’empire tsariste puis soviétique, dans le Caucase, en Biélorussie, en Ukraine, en Moldavie, dans l’océan arctique. Il prolonge cet impérialisme territorial par une présence sur tous les terrains susceptibles de lui permettre d’accroitre son influence au détriment des pays occidentaux notamment au Proche-Orient et en Afrique.

Le parti communiste chinois affiche clairement son objectif idéologique anti-libéral et anti-démocratique. Les récentes résolutions de la dernière réunion du plénum du comité central du PCC en témoignent à nouveau très clairement. La dictature du parti communiste ne peut souffrir aucune restriction ni aucune contestation et elle doit permettre à la Chine d’assurer sa domination sur l’ensemble du monde. Cet objectif de domination mondiale se poursuit tous les jours directement ( mer de Chine, océan pacifique ) ou indirectement par une présence sur tous les champs d’influences possibles. C’est notamment le cas pour les organisations internationales ( comme en témoignent récemment les péripéties de la direction d’Interpol qui voit un tortionnaire du monde arabo-islamique succéder à un ministre chinois enlevé et mis au secret par son propre pays qui l’avait précédemment fait nommer !), pour l’ensemble des activités économiques et pour le cyber espace.

Quant aux régimes autoritaires de tous les pays du monde arabo-islamique ils développent leurs réseaux d’influence et leurs alliances en utilisant les énormes moyens financiers que leur donne l’exploitation des richesses pétrolières et gazières et en se rapprochant des deux grandes puissances totalitaires avec lesquelles ils partagent l’hostilité à la liberté et à la démocratie.  La nouvelle victoire des talibans en Afghanistan en est évidemment le plus net témoignage. Mais elle rejoint le basculement de l’Iran dans l’alliance avec la Chine, le rapprochement de la Turquie avec la Russie, le confortement de la dictature syrienne, la déstabilisation du Liban et l’écrasement des printemps arabes.

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Tous participent, chacun à son échelle, à une nouvelle course aux armements. Il ne se passe guère de semaine sans que la Russie ou la Chine n’annoncent un nouveau missile hypersonique plus sophistiqué, plus rapide et plus imparable  et ne développent leurs ventes d’armes à travers le monde. Cette expansion militaire est clairement projetée dans l’espace. L’Occident semble le découvrir aujourd’hui alors que cette guerre de l’espace est préparée de très longue date par les deux protagonistes désormais alliés pour installer leur station commune autour de la terre ou leur base lunaire. La destruction récente d’un satellite par un missile russe n’est que le dernier épisode de cette préparation de longue haleine.

Par-delà cette militarisation accélérée tous les moyens sont bons pour attaquer et affaiblir l’Occident. Aux cyber attaques systématisées viennent s’ajouter le soutien à tous les régimes autoritaires opposés aux démocraties occidentales partout dans le monde, la manipulation des migrants générés par ces mêmes régimes et l’utilisation des états vassaux provocateurs qu’il s’agisse de la Corée du nord pour ce qui concerne la Chine ou de la Biélorussie pour ce qui concerne la Russie. Tous les terrains d’affrontements sont utilisés, Afghanistan, Proche et Moyen Orient, Afrique centrale et sahélienne, frontières de l’Europe…...

Certes cet axe des totalitarismes est très loin d’être homogène. Il est parcouru de multiples tensions et contradictions. Les frontières entre les territoires respectifs sont susceptibles de confrontations ( Asie centrale, Caucase….) de même que les zones d’influence ( Afrique subsaharienne, Libye,…..), les relations entre les différentes familles de l’Islam et avec leurs divers mouvements extrémistes. Mais les régimes de cet axe totalitaire se retrouvent dans la volonté de combattre les pays occidentaux et d’empêcher la mise en œuvre des valeurs démocratiques et libérales.

Ces constats montrent de manière aveuglante que deux camps s’opposent désormais l’axe totalitaire d’un côté et le camp des démocraties libérales de l’autre.

Un grand nombre de pays n’ont pas encore choisi lequel des deux ils vont suivre et beaucoup restent dans une prudente expectative mais la cristallisation est en train de se réaliser et on en voit tous les jours les manifestations.

Face à cette situation, il est clair qu’il faut renforcer la détermination et l’unité du camp des démocraties libérales dans un contexte singulièrement complexe.

La situation est en effet bien plus difficile qu’à l’époque de l’affrontement Est-Ouest entre système communiste et système libéral. Le développement économique mondialisé de ces quarante dernières années a créé une forte interdépendance qui aboutit à cette situation paradoxale dans laquelle nos ennemis sont nos fournisseurs et peuvent se développer dans nos pays en toute liberté. Cette situation pourrait être interprétée comme une garantie, permettant d’éviter les dérapages risqués parce qu’ils seraient dommageables pour tous. Mais elle est surtout un signe de grande faiblesse pour les pays libéraux car il n’y a pas de réciprocité réelle dans les pays à régime totalitaire qui ne jouent jamais honnêtement le jeu d’une économie ouverte mais utilisent notre ouverture à leur profit exclusif.     

Pour affronter cette menace stratégique fondamentale il est indispensable de renforcer par tous les moyens la puissance européenne qui est l’échelle appropriée tant en matière économique qu’en matière de défense. A un moment où on parle beaucoup de réindustrialisation et de relocalisation, l’espace européen est la bonne échelle de référence tant en matière d’offre que de demande, avec un marché permettant de se mesurer à ceux de l’Asie ou de l’Amérique. C’est à cette échelle qu’il faut conforter la capacité des entreprises comme a commencé à le faire l’Union européenne en développant une vraie politique de recherche, d’innovation et de formation de haut niveau et des actions de protection contre toutes les concurrences déloyales. C’est à cette échelle que doit être pensée et conduite une politique internationale et de défense couvrant tous les champs d’actions investis par nos ennemis.

Cette puissance européenne doit renforcer son alliance avec le bloc anglo-saxon qui se reconstitue comme on l’a vu avec la création de l’AUKUS. Une rupture de cette alliance serait une catastrophe qui sonnerait le glas du modèle occidental de liberté régulée qui donne tous les jours la preuve de son efficacité. C’est ainsi que le bloc des démocraties pourra peser dans l’organisation de la gouvernance mondiale indispensable dans tous les domaines d’intérêt général de la planète. Il ne pourra y avoir de lutte efficace contre le changement climatique ou pour la sauvegarde de la bio-diversité si le camp occidental n’est pas en capacité de peser sur la définition des règles collectives planétaires en présentant un front uni.

Ce sujet devrait être le thème majeur de la campagne française pour l’élection du président de la République. Comment s’organiser avec nos partenaires et amis européens pour développer notre puissance collective au service de la défense des valeurs qui nous sont communes celles de la liberté, de la solidarité, de la raison et du progrès qui sont des valeurs universelles revendiquées par tous les citoyens du monde ?

On fait mine de s’étonner de la censure brutale de la presse et de la population à Hong Kong ou de la disparition de tel ou tel personnage en Chine comme si ces faits n’étaient pas inhérents à tout système dictatorial ! Prenons exemple sur les décideurs lituaniens qui n’ont pas hésité à réaffirmer clairement leur attachement à nos valeurs fondamentales en dépit des pressions.

Comme l’histoire nous l’a montré tout au long du XXeme siècle, les démocraties ne doivent jamais faire confiance aux pays dirigés par des systèmes totalitaires. Il faut se donner les moyens de leur résister de manière coordonnée sous peine d’être définitivement emportés.

Jean-François CERVEL

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