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Les constructeurs automobiles à la veille d’une mutation qui ressemble bien à une nouvelle révolution industrielle
©FADEL SENNA / AFP

Atlantico Business

Jamais, depuis un demi-siècle, les constructeurs automobiles n’ont eu d’aussi bons résultats. Mais jamais ils n'ont été confrontés à une mutation aussi nécessaire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Entre la saturation des marchés, le changement de mode de vie des clients, la nécessité de trouver des énergies moins polluantes et les technologies du digital, les constructeurs automobiles sont obligés de préparer la prochaine révolution s’ils veulent survivre comme industriels dans les 20 ans qui viennent. 

Ils préparent cette révolution seuls entre les managers et les actionnaires, leurs salariés et leurs fournisseurs. L’époque où les Louis Renault ou André Citroën, seuls, bricolaient leur premier véhicule dans une cabane de jardin à Boulogne est complètement révolue. 

Aujourd’hui, les constructeurs sont parties prenantes d’une chaine de valeur composée de fournisseurs, partenaires, sous-traitants sans lesquels ils n’existeraient pas, auxquels ils doivent rendre des comptes mais surtout, à qui ils doivent offrir un horizon et une stratégie claire. 

Ils ne peuvent pas se tromper. C’est la première fois dans l’Histoire qu’ils doivent se sentir aussi responsables de leur avenir. 

Jusqu’alors, les constructeurs automobiles ont évolué mais contraints et forcés par des vents extérieurs. 

Après la guerre, Renault sera nationalisé pour mauvaise conduite et intelligence avec l’ennemi pendant l’Occupation. Renault sera donné en cogestion à la CGT et au parti communiste. 

Citroën, ruiné par la guerre mais aussi par l’addiction de son fondateur aux jeux, sera repris en échange de dettes par Michelin. Quelques années plus tard, à bout de souffle, il sera marié de force ou presque à Peugeot qui recevra quelques subsides de l’État français, alors giscardien, pour arrimer Citroën à son giron. 

Plus tard, beaucoup plus tard, les constructeurs automobiles tomberont dans le piège de la crise des subprimes. Ils auraient pu périr corps et âmes dans l’assèchement du crédit interbancaire à la fin de l’année 2008 s’il n’y avait pas eu l’aide de l’État pour venir au secours de PSA Peugeot-Citroën et de Renault.  

Une fois assainis avec des fonds propres encore plus propres, les managements de ces deux groupes ont repris la marche forcée vers un développement mondialisé qui leur a donné des résultats record. 

Cette évolution dont on voit bien qu’elle a été plus souvent imposée par des éléments extérieurs qu’assumée et définie en interne, a été celle de tous les constructeurs mondiaux. L’État allemand a toujours été présent pour sortir de la guerre, pour gérer les effets de l’effondrement du mur, et pour organiser les délocalisations. L’État allemand et les constructeurs automobiles allemands ont toujours appartenu à la même famille qui se retrouvait à l’église pour célébrer le plus souvent possible les mérites de la compétitivité. Et ça a marché. 

Seulement voilà, aujourd’hui, les constructeurs automobiles sont confrontés à une évolution à laquelle ils doivent s’adapter. 

1° Les marchés sont en voie de ralentissement dans le monde entier. Les chiffres d’affaires sont en baisse régulière depuis 6 mois. Alors, il y a la Chine qui s’enrhume, il y a l'Iran qui est bloquée, il y a l’Afrique qui ne décolle pas. Il y a des clients en pleine réflexion sur les outils de la mobilité, qui s’interrogent en permanence sur le moyen de transport le plus adéquat à leur besoin et le plus économe en émission de CO2. 

2° L’effet de taille recherché par beaucoup de constructeurs n’est peut-être pas aussi impératif qu’on le disait. Il y a encore moins de dix ans, les stratèges de cette industrie affirmaient le plus sérieusement du monde que, pour survivre, il fallait que les groupes puissent produire et vendre plus de 10 millions de véhicules, d‘où les Allemands qui ont mis en commun des plateformes techniques et beaucoup de réseaux commerciaux, d’où le rapprochement Renault-Nissan, d’où les Italiens de Fiat qui se sont mariés avec Chrysler, d‘où le passage des Britanniques sous la houlette des Chinois ou des Allemands.

L’effet de taille épousé par tout le monde avait pour but de faire baisser le prix des voitures pour élargir son marché ; la baisse des prix n’était que le résultat de la mise en commun des achats pour pouvoir peser sur les fournisseurs et particulièrement ceux du digital pour une meilleure gestion des effectifs humains. 

C’est encore cette stratégie ambitieuse qui pousse Fiat à se trouver un nouveau partenaire en Europe, pour grossir encore et s'assurer une présence mondiale. 

3° L’ensemble de l‘industrie et son écosystème réfléchissent aux moyens de mobiliser pour répondre à la demande écologique. Les constructeurs sont extrêmement embarrassés par ce problème. 

Leur réaction première est de répondre par le développement des motorisations électriques. D'où la course poursuite à laquelle participent tous les constructeurs mondiaux pour gagner le marché de la voiture électrique. Si ce marché existe, parce que tout le monde se rend compte que dans ce cas-là, il y aura forcément un problème de batteries qui ne sont pas capables de répondre aux besoins (avec une production chinoise pour l’essentiel et en qualité, la pile au lithium appelle forcément des formules alternatives pour stocker l’électricité). 

Ces formules miracles n’existent pas. Par ailleurs, les études les plus pointues sur la transition écologique mettent l'accent sur les coûts en carbone qui sont liés au mode de production électrique comparé aux progrès considérables faits par les constructeurs dans les technologies classiques de carburation. 

Le diesel qui pollue plus que l’essence mais dont les moteurs consomment deux fois moins pour une même performance ou distance parcourue, ce diesel qu’on a très vite condamné, mériterait sans doute une séance de rattrapage pour sauver son rang dans l’offre de moyens pour faire tourner un moteur. 

4° Ajoutons à cela la question de savoir où les usines de fabrication et de montage doivent être situées. Au plus près des marchés de consommation, comme on disait en pleine période de mondialisation heureuse ? Ce n’est plus forcément vrai. 

D’abord, parce que les chaines de valeur d’une voiture sont très éclatées. Une voiture n’est que l’assemblage de composants qui viennent souvent des quatre coins de la planète. Les pneus, les ordinateurs de bord, les moteurs, les boites de vitesse, la sellerie etc. n’ont jamais été fabriqués dans la même usine ni dans un même pays. La localisation des productions a perdu de son importance avec la mondialisation effrénée. 

Ensuite, la robotisation va encore modifier la donne. On a délocalisé beaucoup d’industries pour profiter des couts en main d‘œuvre plus bas. Les robots vont remplacer cette main d’œuvre bassement qualifiée. 

Enfin, l’harmonisation fiscale et sociale qui va se faire, quoi qu’on dise, va rendre les délocalisations moins intéressantes. 

Le seul facteur susceptible de protéger les délocalisations va être le coût du transport. Tout va dépendre en fait du prix du gasoil et des taxes. 

Mais tout cela (pollution, délocalisation, changement d’habitudes etc…) plonge les constructeurs dans un abîme de réflexion stratégique auquel ils doivent répondre. 

Ce qui est intéressant, c’est que la plupart des constructeurs ont tous les moyens de mener cette réflexion stratégique grâce aux surplus emmagasinés depuis la sortie de crise en 2009/10. Les chiffres d’affaires ralentissent certes, mais les profits augmentent et pas forcément chez les plus gros. 

Quand on regarde le match entre Renault et Peugeot-Citroën, on s’aperçoit que la taille du groupe Renault-Nissan est deux fois celle de PSA Peugeot Citroën, mais les profits dégagés sont plus importants chez PSA Peugeot Citroën que chez Renault. 

Le constructeur français de Boulogne Billancourt a revu en baisse son objectif de chiffres d’affaires pour 2019 après avoir publié un bénéfice divisé par deux au premier semestre à 970 millions d’euros ; la marge opérationnelle qui mesure la rentabilité de l‘activité a chuté de 13,6% à 1,65 milliards d’euros. 

Chez PSA, Peugeot-Citroën, le chiffre d’affaires du Groupe s’établit à 18 milliards d’euros au 1ersemestre de 2019, en baisse de 0,7% par rapport au 1er semestre de 2018. Le chiffre d’affaires de la division Automobile s’établit à 14 milliards d’euros, en baisse de 1,1% par rapport au 1er semestre 2018. Cette baisse est moindre que celle du marché. 

Mais le résultat opérationnel courant du Groupe s’élève à 3 milliards €, en hausse de 10,6%. Le résultat opérationnel courant de la division Automobile progresse de 12,6% par rapport au 1er semestre 2018, à 2,657 milliards €. 

Il est évident que le nerf de la guerre qui s’annonce se fera moins sur le terrain de la taille que sur celui des moyens d’investissement. Investissement pour financer la recherche sur l’électrique et notamment la batterie, nécessaire aussi pour l’autonomie via les équipements digitaux. 

L’enjeu est considérable parce qu‘il dépend aussi du choix des actionnaires. 

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