Les chiens pourraient bien avoir une plus grande conscience d’eux-mêmes que les experts ne le pensaient jusqu'à présent<!-- --> | Atlantico.fr
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Des chiens ont montré qu’ils mesuraient la manière dont leur corps occupe l'espace et se déplace.
Des chiens ont montré qu’ils mesuraient la manière dont leur corps occupe l'espace et se déplace.
©Angela Weiss / AFP

Auto-représentation

Dans une nouvelle étude de l'université Eötvös Loránd de Budapest, les chiens ont montré qu’ils mesuraient la manière dont leur corps occupe l'espace et se déplace pour accomplir une tâche.

Rita Lenkei

Rita Lenkei

Rita Lenkei est étudiante en doctorat au département d'éthologie de l'université Eötvös Loránd, à Budapest, en Hongrie. Elle travaille dans le domaine de l'éthologie canine depuis plus de 7 ans et a mené des projets de recherche en éthologie appliquée et en éthologie cognitive comparative. Ses travaux de licence et de maîtrise portent sur le domaine des problèmes liés à la séparation des chiens. Elle dirige également un projet de recherche individuel financé par le nouveau programme national d'excellence du Ministère des capacités humaines.

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Atlantico : Votre étude publiée la semaine dernière dans la revue Scientific Reports souligne le fait que les chiens reconnaissent la façon dont leur corps prend de l'espace et comprennent qu'ils doivent se déplacer pour accomplir une tâche. Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion et comment fonctionne le paradigme du "propre corps comme obstacle" ?

Rita Lenkei : Cette méthode est à l'origine basée sur les travaux déjà existants pour les humains. On demandait aux tout-petits de remettre une couverture sur laquelle ils étaient assis. L'astuce est qu'ils doivent comprendre qu'ils doivent d'abord se retirer de la couverture pour résoudre la tâche. Les nourrissons passent ce test vers 18-24 mois, l’âge où ils sont capables de se reconnaître dans un miroir. Plus tard, ce paradigme a été converti de manière créative pour tester les éléphants et ils y sont également parvenus avec succès. Puis, dernièrement, nous l'avons modifié pour tester les chiens. Nous avons utilisé un petit tapis, mais comme les chiens ne comprennent généralement pas qu'un tapis peut être tenu, nous y avons attaché un jouet pour chien. Ensuite, nous avons demandé aux propriétaires d'ordonner à leurs chiens de s'asseoir sur le tapis et de passer l'objet. Outre la condition principale (lorsque le jouet était attaché au tapis), nous avons également inclus plusieurs conditions de contrôle. La plus importante était que le jouet soit attaché au sol. Cette condition nous permettait de faire la différence entre "il y a un obstacle" et "je suis" l'obstacle. Il est apparu que les chiens quittaient le tapis plus tôt et plus probablement lorsqu'il était vraiment nécessaire de résoudre le problème (lorsque leur propre corps était l'obstacle) que dans les autres conditions.

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Votre travail est-il le premier à mettre réellement en évidence les preuves de la conscience corporelle chez les chiens ? Comment expliquez-vous cela ?

A l'Université Eötvös Loránd de Budapest, nous avons commencé à étudier l'auto-représentation chez les chiens il y a quelques années. Nous avons proposé que les formes d'autoreprésentation se développent en fonction de pressions sélectives, c'est-à-dire en fonction de l'écologie de l'espèce concernée. Le chien est un excellent sujet pour étudier ces capacités, car il a évolué et vit dans l'environnement humain complexe. En ce qui concerne la conscience corporelle en particulier, il est raisonnable de supposer que dans le cas d'un animal terrestre de grande taille et se déplaçant rapidement, une sorte de capacité à détenir des informations sur son propre corps pourrait se développer. En fait, c'est notre deuxième article sur la conscience corporelle des chiens. Le premier était un test de choix de porte où nous avons découvert que les chiens décident si une ouverture sera assez grande pour passer ou non, avant de l'essayer réellement, ce qui indique une conscience de la taille. L'étude récente nous apprend quelque chose sur la façon dont les chiens sont capables de comprendre la relation entre l'environnement et leur propre corps pendant une action.

D'après vos résultats, y a-t-il des indices d'une prise de conscience ou d'une représentation de soi chez les chiens ?

Personnellement, je n'aime pas l'expression "conscience de soi". Dans ce cas, nous essayons de développer une approche plus parcimonieuse, c'est pourquoi nous utilisons le terme "auto-représentation", c'est-à-dire la capacité à détenir des informations sur soi dans le modèle mental. Si nous utilisons ce cadre, il pourrait y avoir plusieurs contextes où certaines informations sont effectivement nécessaires, tant dans l'environnement social que physique. De nos jours, il est admis qu'au moins une forme de base de perception de soi devrait être présente chez la plupart des animaux non humains. Nous avons réalisé que si nous voulons vraiment décrire ces capacités chez une espèce, nous devons formuler des hypothèses claires et utiliser des méthodes aussi diverses que possible. Nous avons déjà constaté que les chiens peuvent se souvenir et répéter leurs propres actions et qu'ils disposent de certaines informations sur leur propre corps, comme sa taille ou son étendue. Ce sont les petites pièces d'un puzzle et nous espérons que nous pourrons en décrire d'autres.

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Votre étude devrait-elle nous obliger à réévaluer notre compréhension des chiens en fonction de ces capacités ?

J'essaie d'éviter de tirer des conclusions trop ambitieuses, mais ces études ont en effet un aspect important de bien-être. Le problème est que jusqu'à récemment, l'auto-représentation (ou dans ce cas nous pouvons utiliser le terme de conscience de soi) était traitée comme quelque chose de très spécial et les chercheurs ont essayé de trouver ses formes les plus complexes chez les animaux non humains, comme l'auto-reconnaissance dans un miroir. Nous sommes des biologistes, nos études ont un solide bagage écologique et nous pensons que ces capacités ne sont pas du tout uniques mais qu'il faut prendre en considération l'évolution et l'écologie de l'espèce concernée.

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