Les banques espagnoles liquident leurs actifs immobiliers dans l'urgence : les bad banks menacent-elles de nouveau la zone euro ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'assainissement du système bancaire espagnol est encore loin d'être achevé.
L'assainissement du système bancaire espagnol est encore loin d'être achevé.
©Reuters

Mauvais retour

L'assainissement du système bancaire espagnol est loin d'être achevé. Certaines banques essaient de se séparer d'actifs toxiques, notamment immobiliers, mais avec difficulté.

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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Nous voici maintenant en Espagne avec 4 acteurs bancaires importants

  • Le couple Banque Centrale d’Espagne-BCE qui impulse des stratégies d’assainissement par la liquidité, et des stratégies de recapitalisation conditionnées à un business plan précis. De la politique monétaire parfois (via les taux directeurs principalement).

  • Les banques espagnoles elles-mêmes dont certaines sont coopératives d’autres non, certaines sont publiques (Bankia) d’autres non. C’est ici que sont logés les actifs toxiques immobiliers.

  • Le FROB ou Fonds de Restructuration Ordonnée Bancaire est un organisme d’Etat chargé de recapitaliser les banques éventuellement par l’argent de la BCE. Lorsque les banques sont publiques, elles doivent recevoir de l’argent du FROB. Autrement la BCE (ou le Mécanisme Européen de la Stabilité) peut directement verser de l’argent aux banques privées via le rachat de titres (BCE) ou via la recapitalisation directe (MES).

  • Et puis la SAREB depuis peu. C’est la future banque toxique qui prendra en charge l’ensemble des actifs toxiques. Il s’agit de la Société de Gestion des Actifs liée à la Restructuration Bancaire. On l’appelle aussi bad bank. Cette Bad bank aura des actifs évalués à 70 milliards d’euros au maximum selon Antonio Carrasco, directeur général du FROB dépendant de la banque d’Espagne. La SAREB en outre sera une entité bancaire contrôlée par l’Etat.


Encore une fois, à quand la bad bank des bad banks, le fonds de supervision des bad banks secondaires etc.…Si le monde économique est compliqué, ne faut-il pas le simplifier ?

Le problème est que les transferts d’actifs de Bankia par exemple vers la SAREB ont pris du retard. Les banques privées avec ou sans décote devaient déjà avoir cédé une partie de leurs actifs d’une valeur supérieure à 100 000 euros l’unité à la bad bank. Dans un contexte de marasme économique avec encore une baisse de 9,5% de la construction de logements au dernier trimestre de l’année 2012, les banques privées ou publiques seraient bien satisfaites de se débarrasser au plus vite de ces actifs. Car le temps presse et le projet de transfert des actifs pourris et sa gestion vers la Bad bank tardent. C’est dommage car c’est peut être le bon moment en ce début d’année du fait de la détente sur les marchés financiers vis-à-vis des pays du Sud. Détente bien passagère généralement. Concernant la Bad bank, et selon un communiqué du Ministère espagnol de l’économie « la réforme du secteur bancaire menée par les autorités espagnoles semblent suffisamment avancée pour permettre une mise en œuvre des actions prévues par le programme d'aide selon le calendrier prévu».

Que se passe t-il alors ? La SAREB aura quand même déjà cédé 13 000 actifs et pris 37 milliards d’euros d’actifs pourris. Pourtant Bankia continue de gérer des actifs pourris. Et les investisseurs tardent aussi à apporter de l’argent frais à la SAREB. Le FROB commence même à émettre un doute sur le business plan de la SAREB. Les actionnaires comme Banco Santander et d’autres banques espagnoles étaient pourtant sur le point de capitaliser la SAREB (supposée être détenue par l’Etat pour moins de 50%). Et que fait le couple BCE-Banque d’Espagne ? La BCE a récemment insisté sur l’aspect cohérence à long terme du business plan de la SAREB.

Il y a en réalité une cacophonie latente dans cette affaire ! Un monumental conflit d’intérêt qui aurait pu être résolu en supprimant le FROB et la SAREB et en laissant tout simplement la BCE ou le MES agir librement vers le secteur bancaire espagnol. D’une certaine façon, la zone euro a à s’inquiéter des usines à gaz structurées autour de conflits d’intérêts.

En effet, le FROB vit grâce au programme espagnol de restructuration du secteur bancaire. Mais il ne doit pas contribuer à augmenter l’endettement public de l’Etat espagnol. D’un autre coté, la SAREP vit d’actifs pourris issus d’un principe historique stratégique de segmentation sélection des actifs. Il a pour fonction de rassurer les investisseurs de la zone euro sur la capacité de cette usine à gaz à faire disparaître les actifs toxiques. Le FROB et la SAREP font un peu cause commune autour du sauvetage des banques les plus démunies ou les plus contaminées. Mais l’Etat surveille ses ratios d’endettement. Aussi, le FROB et la SAREP sont ils d’accord sur tout ?

D’un autre coté la BCE et la Banque d’Espagne « vivent » de la santé réelle du secteur bancaire. Sous le couvert d’un principe de segmentation sélection, elles souhaitent des bilans propres neufs et sains. Dans le premier cas, les structures-comportements-performances du couple FROB-SAREP doivent assainir les actifs du subprime espagnol, de l’autre les structures-comportements-performances du couple BCE-Banque centrale d’Espagne doivent rassurer les investisseurs européens. Ces deux objectifs peuvent être parfaitement antinomiques.

Aujourd’hui, c’est loin d’être gagné avec cette cacophonie ambiante pour s’entendre sur un business plan qui concilie les intérêts de l’Etat espagnol, la SAREP, le FROB, la BCE et la Banque d’Espagne, les banques publiques et privées d’un autre coté. De plus, les banques privées ou publiques doivent aussi rassurer les marchés. Collaborer avec le FROB ou la SAREP n’est pas très porteur pour l’image de la banque. Faut-il cacher les actifs toxiques, est-ce là que le bas blesse ? Les multiples conflits d’intérêts possibles expliquent-ils le retard du programme ? Une chose est certaine : ce principe de la segmentation-sélection historique aurait pu laisser place à un principe de la mutualisation au sein d’une banque en supprimant la SAREP et le FROB. On y verrait beaucoup plus clair avec une simple BCE ou un MES en face des banques publiques ou privées espagnoles comme cela s’est produit avec succès au Portugal ou en Grèce.

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