Les bactéries multi-résistantes aux antibiotiques : l’autre menace mortelle qu’il nous faudra vaincre après le Covid-19<!-- --> | Atlantico.fr
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Des boîtes d'antibiotiques.
Des boîtes d'antibiotiques.
©MYCHELE DANIAU / AFP

Effet secondaire indésirable

La pandémie de Covid-19 a entraîné une augmentation de la prescription antibiotique pour lutter contre les surinfections bactériennes pulmonaires engendrées par les infections virales. Et avec elle, une augmentation des résistances à ces antibiotiques.

Patrice Courvalin

Patrice Courvalin

Patrice Courvalin est professeur émérite à l’Institut Pasteur, au sein du Département de Microbiologie. Lui et ses collaborateurs sont des experts de la génétique et de la biochimie de la résistance aux antibiotiques.

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Atlantico : La pandémie de Covid-19 a fait exploser l’administration d’antibiotiques en milieu hospitalier. Y-a-t-il le risque d'un développement d’une résistance des bactéries contre ces médicaments ? 

Patrice Courvalin : Il faut rappeler que les antibiotiques ne sont pas actifs sur les virus. Ils sont utilisés pour prévenir ou traiter des infections bactériennes secondaires chez les malades du Covid-19. Une infection virale entraîne en général une immunodépression qui fait que l’organisme se défend moins bien contre les bactéries pathogènes. Par exemple, dans le cas de la grippe espagnole, une étude rétrospective a montré que les malades n'étaient pas morts du virus de la grippe (influenza) mais des suites d’une surinfection à pneumocoque. Quand une personne fait une infection virale, elle est donc plus sujette à être infectée par des bactéries opportunistes et les médecins ont donc tendance à prescrire des antibiotiques en prévention. En résulte une augmentation de la prescription antibiotique pour lutter contre les surinfections bactériennes pulmonaires des infections virales.

Comme les malades sévères du Covid-19 sont hospitalisés, l’augmentation de la prescription antibiotique s’observe essentiellement à l'hôpital. Par contre, dans la population générale (en médecine de ville), il y a eu moins de prescription antibiotique que d'habitude car les gens ont appliqué des gestes barrières très efficaces. Habituellement la ville représente au moins 80% des prescriptions antibiotiques.

Il y a une corrélation étroite entre prescription d'antibiotique et sélection de la résistance ; plusieurs études ont montré que plus on prescrit d'antibiotiques plus on sélectionne des bactéries résistantes, ce qui explique l’augmentation des résistances en secteur hospitalier.

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Les médicaments développés actuellement pourraient-ils traiter ces nouvelles bactéries ? 

Il n’y a rien de nouveau avec le Covid en ce qui concerne la recherche antibiotique. C’est une recherche difficile et cela prend 10 à 12 ans pour trouver un nouvel antibiotique. Il y a peu de recherches dans ce domaine car il n’est pas très profitable, les prescriptions d'antibiotiques étant très courtes (7 à 10 jours) et le prix des antibiotiques étant très bas.  C’est bien différent du Sida ou des hépatites où les prescriptions sont faites pour 30 à 40 ans ou dans les maladies chroniques.

La résistance aux antibiotiques est un phénomène très important en santé publique. Non seulement elle rend les infections bactériennes plus difficiles et onéreuses à traiter mais elle abolit tous les progrès qu'on a pu faire ces 30 dernières années en médecine et en chirurgie en particulier. Les transplantations d'organes ou le traitement des leucémies et des cancers, par exemple, entraînent des dépressions immunologiques chez les malades. Il arrive souvent que ces patients fassent des infections à bactérie multirésistante et en meurent. On met donc en place des actes très lourds pour qu’au final que les gens meurent de bactéries multirésistantes.

À terme, ces bactéries résistantes pourraient-elles créer une nouvelle pandémie ?

Pas vraiment. Quand on considère le passé, la peste ou le choléra n’étaient pas des pandémies mais plutôt de grandes épidémies. Au Moyen Age, les gens ne savaient pas que les bactéries existaient et n'avaient aucune notion d'hygiène ou de prévention. Avec les progrès en santé publique et la découverte des antibiotiques, les épidémies sont limitées comme récemment en Haïti.

La résistance aux antibiotiques est devenue très « médiatique». Elle n'a pas tendance à régresser même lorsque vous arrêtez de prescrire des antibiotiques, elle est très lentement réversible . C'est un problème majeur de santé publique. Une étude anglaise a fait des prédictions très inquiétantes, au rythme auquel on va, elle va tuer dans le futur plus que le cancer.

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