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Les animaux officiellement doués de sensibilité : comment le couple infernal interdit/pas interdit asphyxie notre notion du bon sens et de la décence
©Reuters

Bien ! Pas bien !

Sans réel débat, le Parlement a adopté la reconnaissance de la sensibilité des animaux. La loi a une tendance de plus en plus intrusive à définir le Bien et le Mal, le permis et l'interdit, sans même que la société puisse s'interroger sur ses valeurs et ses aspirations profondes. Un phénomène nuisible qui peut nuire en bout de chaîne à la notion même de citoyenneté.

Emmanuel D'Hombres

Emmanuel D'Hombres

Emmanuel D'Hombres est enseignant-chercheur à la Faculté de philosophie de l'Université catholique de Lyon. 

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Atlantico :  Le Parlement vient de légiférer sur la reconnaissance de la sensibilité des animaux. Cela ouvre la voie à des contenus législatifs, et donc à des interdits sur une question finalement peu débattue. Pourquoi cette tendance de la loi de trancher rapidement en prenant la place d'un vrai débat éthique et moral dont les conclusions pourraient se passer de loi ?

Emmanuel D'Hombres : On voit en effet se substituer à l'interpellation éthique personnelle des formes légales, nous amenant à faire l'économie du discernement et de cette interpellation. Il faut bien mesurer donc l'importance des raisons ayant aboutit à ce procéduralisme, et à cet excès de réglementations prenant la place du jugement personnel dans de nombreuses expériences de la vie quotidienne. Sur le plan idéologique, c'est lié à l'hyper-problématicité des valeurs, à la perte du fondement transcendental sur laquelle elles reposaient, à la pluralité des codes de valeurs et des justifications que l'on accorde à ces valeurs. Tout cela rend plus complexe l'interpellation éthique. On peut rajouter aussi les conséquences d'une économie faite par l'individu face à l'effort qui lui serait demandé de délibérer et de choisir en conscience entre deux situations. Il faut replacer cela dans le contexte d'une perte des fondements spirituels. Cela est issu de raisons diverses : les avancées scientifiques, l'émergence de systèmes de valeurs concurrents et argumentés... Mais il existe aussi des raisons plus fonctionnelles et économiques : les institutions issues du capitalisme fonctionnent plus facilement sur la base de réglementations et de lois que sur la base d'une délibération, qui implique toujours une part d'arbitraire et de risque. 

Pourquoi l'homme a-t-il évolué vers un modèle où il ne peut se réguler qu'en usant de la loi, et plus de la coutume ou d'une décence partagée ?

On est dans un processus très diffus, depuis la Révolution industrielle, l'avènement du capitalisme, la complexification de la vie économique et institutionnelle. Ce phénomène accompagne d'ailleurs de l'évolution idéologique, plus lointaine, issue des Lumières, de détraditionnalisation de la Morale via le progrès technologique et les critiques propres à cette époque. 
L'inflation législative semble une spécialité française loin d'être partagée par la totalité du monde. Y a-t-il une "spécificité occidentale" pour la régulation systématique par la loi ? 
Je ne pense pas. Il y a un caractère mondial de l'économie capitaliste. Après, le phénomène atteint son maximum dans les démocraties libérales occidentales. Mais il s'agit d'un mouvement global qui touchera l'ensemble du monde à plus ou moins long terme, si ce n'est déjà fait. 

L'inflation législative est un problème qui inquiète. Comment enrayer – sans faire de loi ! – cette mentalité ? Vers quoi devons aller ou retourner pour inverser la tendance ?

C'est la question la plus complexe car les raisons qui poussent au développement de la législation diminuent l'interpellation éthique au niveau de la citoyenneté, et posent un problème grave pour la démocratie. Mais, en même temps, il me paraît difficile de se reposer sur une réponse individuelle, ou du moins une réponse qui ne soit pas institutionnelle. Pourtant, l'espoir existe car les choses ne sont pas monolithiques de partout. Dans le management par exemple, mais surtout dans le droit social, il existe des écoles ou des approches qui poussent à une diminution de la législation et de la procédure, en favorisant l'examen des consciences. Les dés ne sont pas complètement jetés. Cependant, les forces qui poussent au développement de la législation sont puissantes. Il ne peut y avoir qu'une réponse collective qui devra se traduire par une réponse inscrite au niveau des institutions.

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