Les 4 problèmes clés de l'UE : qui en dit quoi parmi les listes en lice pour les européennes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le parlement européen.
Le parlement européen.
©Reuters

A chacun son remède

Les élections européennes approchent mais suscitent toujours peu d'engouement. Les partis eux-mêmes peinent à se mettre en ordre de bataille sur les problèmes auxquels l'UE est aujourd'hui confrontée. Atlantico a dégagé les quatre principaux enjeux dont les candidats auraient tout intérêt à s'emparer.

1 - Structure de l'euro

Atlantico : D'après l'économiste américain Dani Rodrick, pour que l'euro continue d'exister, les Etats n'ont d'autre choix que d'abandonner leur souveraineté. Autrement dit, opter pour un fédéralisme à l'américaine. Comment les différents partis français se positionnent-ils par rapport à cette problématique ?

Jean-Sébastien Lefebvre : On remarque peu de fédéralistes parmi les formations politiques françaises. Les Verts le sont ouvertement,  et l'UDI aussi, mais dans une moindre mesure. Leur discours est un peu moins franc, ce qui n’est pas sans lien avec le fait qu’ils siègent au Parlement avec l’UMP qui elle, n’est pas du tout fédéraliste. On le voit bien, des gens comme Henri Guaino, Laurent Wauquiez, ou même Bruno Le Maire, qui est tout de même assez pro-européen, n’ont pas un tel discours. Sans parler d’Alain Lamassoure, qui lui se définit comme souverainiste.

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Le Modem a une fibre européenne tout de même plus affirmée, Mme de Sarnez siège au Parlement aux côtés de Guy Verhofstad, ancien Premier ministre belge, parmi les députés les plus fédéralistes. Selon lui, c’est par cette voie que l’on pourrait résoudre une grande partie des problèmes de l’Europe.

Pour le FN, qui est totalement souverainiste, la chose est hors de question.

Le PS est très ambiguë, il est souvent question dans son discours d’intégration et de gouvernance, sans que le mot ne soit jamais vraiment prononcé.

A l’extrême gauche, le fédéralisme n’est pas évoqué très souvent. A quelques exceptions près, ses membres se prononcent contre. Comme une bonne partie de ce qu’ils souhaitent repose sur l’Etat providence, et considérant l’orientation libérale de l’Europe, ils ne peuvent pas adhérer. A ce sujet, Mélenchon me disait en 2012 qu’il était pour le moment hors de question d’accepter tout transfert de souveraineté.

Bruno Cautrès : La crise économique que le monde connaît depuis 2008 n’a pas entraîné en France de chute spectaculaire du soutien des Français et des partis politiques (hors FN) à l’euro et à l’appartenance de la France à la zone euro. Dans l’opinion on constate, selon les moments et selon les enquêtes, qu’un segment compris entre un quart et un tiers maximum des Français souhaiterait revenir au Franc. Une partie de la classe politique française soutient par ailleurs le renforcement du gouvernement économique de la zone euro et voient dans les réponses européenne au "sauvetage" de certains systèmes bancaires ou de certains pays l’affirmation d’une intégration économique encore plus forte.

2 - Politique monétaire

La politique de l'offre s'est progressivement imposée au fil des siècles, au point qu'elle semble aujourd'hui indiscutable au niveau européen. Si elle s'impose assez logiquement en temps normal, il n'est pas interdit en période de crise de s'interroger sur la possibilité d'une relance par la voie monétaire. Problème, il est difficile d'intéresser l'opinion aux questions relatives à la Banque centrale.

Jean-Sébastien Lefebvre : Le Parlement européen n’a pas de pouvoir sur la question monétaire, ou très peu. La gestion de l’euro, les leviers économiques, sont principalement du ressort des chefs d’Etat et de gouvernement. Le débat monétaire existe au Parlement européen, mais en l'état actuel des choses, les candidats qui seront élus ne peuvent faire que de très vagues promesses.

Les Verts portent l’idée d’une croissance verte, voire d’une décroissance. Le Parti de Gauche parle d’écosocialisme, qui est une autre façon de produire, mais il reste lié au PC, qui est dans une approche productiviste. Tout comme le FN, d’ailleurs, selon lequel il faut sortir de l’euro pour relancer l’industrie française. Mais plus globalement, la question reste floue.

Bruno Cautrès : Le pilier de la politique monétaire de l’UE c’est la BCE et son indépendance. Compte tenu des pouvoirs très importants de la BCE, les traités européens ont récemment reconnu au Parlement européen un rôle, modeste, de contrôle. Ainsi, la BCE adresse un rapport annuel sur les activités de ce que l’on appelle le "SEBC" (système européen des banques centrales, composé de la BCE  et des 28 banques centrales nationales) qui détermine la politique monétaire de la zone euro. Ce rapport porte également sur la politique monétaire de l'année précédente et de l'année en cours. Le président de la BCE présente ce rapport au Parlement européen (mais aussi au Conseil européen), qui peut tenir un débat général. Le président de la BCE et les autres membres de son directoire peuvent être entendus par les commissions du Parlement européen. Néanmoins, le Parlement européen exprime régulièrement et de longue date des demandes pour plus de transparence des décisions et orientations de la BCE (par exemple via la publication des comptes-rendus des réunions du directoire). Le Parlement européen a également demandé que les pouvoirs de la BCE qui lui ont été reconnus par les traités soient "compensés" par un "dialogue sur la politique monétaire" : régulièrement, le président de la BCE, ou un autre membre du Conseil des gouverneurs, est invité à répondre aux questions de la commission économique et monétaire du Parlement européen. De même, le Parlement européen prend régulièrement position sur le rapport annuel de la BCE.

Si ces mécanismes sont assez éloignés des préoccupations des électeurs européens, on voit néanmoins bien que plus le Parlement est "mal élu" (abstention élevée), plus cela affaiblit ses demandes de renforcement de son contrôle sur la politique monétaire. Si les débats qui pourraient s’en suivre ne peuvent que rester dans le cadre des limites fixées par l’UE (pour la politique monétaire, la stabilité des prix dans la zone euro, et sans compromettre cet objectif, assurer une croissance dite "durable et équilibrée"), ils ne pourraient également que renforcer le sentiment des citoyens que leur voix comptent davantage.

Ces questions s’inscrivent par ailleurs dans le contexte de la crise des dettes publiques. Depuis 2009, les déficits budgétaires des Etats européens ont explosé, dépassant fortement le critère de convergence du Pacte de stabilité et de croissance (3% du PIB) que doivent respecter les membres de la zone euro. La dette publique a fortement augmenté et dépasse elle aussi dans la plupart des Etats la limite de 60% du PIB définie dans ce même pacte. Fin 2013, 14 États membres ont connu un ratio de dette publique supérieur à 60% du PIB parmi lesquels la France (92,7%).

3 - Démocratie

Les citoyens voient leur quotidien déterminé par énormément de décisions prises au niveau européen, pourtant ils n'en ont pas forcément conscience, ou bien ont l'impression de ne pas pouvoir peser dessus. Quel est le discours des partis sur la place du citoyen dans l'Union ?

Jean-Sébastien Lefebvre : Tous les partis soutiennent l’idée selon laquelle il faut remettre le citoyen au cœur de l’Union. Mais si tout le monde partage le même constat, la question des moyens n'est pas tranchée.

Toute la question est de savoir ce que fait, ou ne fait pas, l’UE. Le dossier du "Roaming" est assez parlant : les députés avaient dit qu’ils avaient fait supprimer les frais d’itinérance pour les téléphones portables. Dans les faits, le Parlement s’est contenté de voter sa position, de dire qu’il soutenait l’idée que l’on puisse appeler pour le même prix d’un pays à un autre. Dans les faits, l’accord des Etats est nécessaire. Le citoyen, constatant que la chose ne se fait pas, finit par se poser des questions. Un problème de communication, donc.

Le Parlement est souvent accusé de gérer des dossiers extrêmement techniques, et de produire des normes inutiles. Le PPE (UMP) et le PSE (PS) jouent sur l’idée selon laquelle il est nécessaire que l’Europe ne s’occupe que de l’indispensable, pour laisser aux citoyens l’impression qu’elle se concentre sur les grands problèmes que sont la croissance, l’emploi ou la protection des données numériques. Donc exit les rapports sur les économies d’eau et les réglementations sur les bouteilles d’huile d’olive...

Les Verts ne s’inscrivent pas dans cette tendance, car ils veulent davantage de normes environnementales. Les dérégulations leur font peur. Le Front de Gauche voit l’Europe comme un moyen de luter contre les dérives de la finance. Marine Le Pen, elle, a déclaré mardi 22 avril que le rôle des futurs députés du FN serait de bloquer toute régulation européenne qui nuirait à la France.

Bruno Cautrès :Les partis politiques disent tous qu’il faut rendre l’Europe plus démocratique et qu’il faut que les citoyens européens soient placés au cœur de l’intégration européenne. La question du "déficit démocratique" européen est omniprésente dans les débats publics et les prises de positions des partis depuis la fin des années 1990. Mais que cela signifie t’il ? Cet objectif démocratique est un idéal, mais la taille et la diversité de l’UE le rendent difficile à mettre en œuvre. Le problème le plus important pour les citoyens, c’est celui de comprendre ce que l’Europe fait par rapport à ce que font déjà les Etats membres. Mais aussi de comprendre quelle est la direction prise par l’Europe et où sont ses frontières. Par ailleurs, la relative complexité des institutions et mécanismes de décision européens, la relativement faible présence des thèmes européens dans la vie politique nationale des Etats membres, rendent le travail de décryptage de l’Europe difficile pour les citoyens. Certains auteurs pensent que la seule façon de limiter ces problèmes est de "politiser" l’Europe, c’est-à-dire que les partis politiques proposent de véritables alternatives sur la question des domaines de compétence de l’UE et des moyens à mettre en œuvre : alternatives de gauche et de droite par exemple.

4 - Identité européenne, quel projet ?

Après 50 ans d'existence, l'Union est en quête de projets fédérateurs derrière lesquels se rassembler. Immigration, libre-échange, héritage culturel, autant de questions qui doivent être mieux définies.

Jean-Sébastien Lefebvre : L’UMP a du mal à clarifier sa ligne, elle parle d’une union d’États-nations qui gérerait sa monnaie unique, sans toutefois parler de fédéralisme, et met l’accent sur l’immigration, avec une réforme de l’espace Schengen. Leur campagne va surtout porter sur la nécessité de réformer la France, de suivre les orientations de l’UE.

Le PS, lui, veut une Europe sociale, même si on ne sait pas vraiment ce qui se cache derrière. Ils misent sur la relance, la politique de croissance… Mais les ressources manquent dans le budget européen. Il s’agit surtout d’incantations.  

Les Verts voient l’UE comme le moyen de porter leurs deux grands chevaux de bataille que sont l’environnement et le numérique. En la matière, la législation française émane principalement des réglementations européennes.

A l’UDI/Modem, ils se présentent comme les plus pro-euroépens, mais ils peinent encore à trouver un angle précis.

Le Front de gauche, lui veut une Europe qui permette de lutter contre le capitalisme. C’est pourquoi le grand sujet qui les occupe est l’accord UE-USA (tout comme les Verts, d’ailleurs).

Le FN, de son côté, inverse la logique de l'identité européennes. Il estime que l'UE actuelle met les peuples en concurrence, créant de facto une guerre économique entre eux, ce qui pourrait amener à un conflit.

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