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Législatives en Espagne : victoire surprise pour le parti conservateur mais incertitude sur le futur gouvernement
©Reuters

Ay, caramba !

La droite est sortie renforcée de ce scrutin mais n'obtient pas la majorité pour gouverner. De nouvelles tractations vont débuter.

Christophe Barret

Christophe Barret

Christophe Barret est attaché d’administration aux Archives nationales. Historien de formation, il est en charge de projets éducatifs interculturels, notamment entre la France et l'Espagne, et est l'auteur de Podemos. Pour une autre Europe ? aux éditions du Cerf (2015).

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Atlantico : Après des mois d'instabilité politique suite aux dernières élections qui n'ont pas permis de désigner un gouvernement stable, les Espagnols étaient de nouveau appelés aux urnes ce dimanche. Dans quel contexte cette élection et cette campagne électorale se sont déroulées ?

Christophe Barret : Du côté des électeurs, on pouvait noter une grande lassitude qui s'est traduite par une baisse de 7 % du taux de participation par rapport au scrutin de décembre. À la surprise générale, c'est donc Podemos qui fait les frais de la tenue de nouvelles élections législatives. Ses électeurs, comme le pensaient certains analystes politiques ont été ceux qui se sont le plus facilement démobilisés. Il est possible, aussi, que son alliance avec Izquierda Unida (IU), parti traditionnel de la gauche de la gauche, ait fait peur aux émecteurs les plus modérés. Nouvel arrivant dans le jeu politique, le parti de Pablo Iglesias réussit moins bien que ses concurrents à fidéliser.

Surprise générale, car certains pensaient que le Brexit donnerait des ailes à un parti qui conteste lui-aussi l'ordre européen. Mais, contrairement à ce qui est écrit ici ou là, Podemos n'est pas un parti europhobe. Ils a envoyé plusieurs de ses membres au Royaume Uni pour soutenir la campagne de Jérémy Corbin et de l'aile du Labour Party qui lui est la plus proche en faveur du remain. C'est qu'en Espagne, tous les partis se doivent d'être « européistes ». Dans l’imaginaire collectif du pays, l'adhésion à la communauté européennes, en 1986, a marqué l'entrée du pays dans la modernité. Les quatre grands candidats défendent l'euro et les institutions actuelles. Uns petite incohérence, toutefois, dans la stratégie de Podemos : son alliance avec IU, fédération au sein de laquelle le Parti Communiste Espagnol (PCE) prône, lui, une rupture avec les traités et la monnaie unique. Comme je l'explique dans mon livre - Podemos. Pour une autre Europe, paru aux éditions du Cerf – Pablo Iglesias voulait offrir une revanche historique à la gauche de la gauche espagnole. Alors que c'est elle qui avait le plus combattu le franquisme, elle avait été exclue du pouvoir au moment de la transition à la démocratie.

Le Parti Populaire est arrivé une nouvelle fois en tête lors de cette élection. Mais alors qu'on s'attendait à ce que Podemos puisse devancer le Parti socialiste et s'installer comme la deuxième force politique du pays, le PSOE a maintenu sa place de leader de la gauche. Doit-on s'attendre à voir le PP et le PSOE former une coalition pour gouverner ? Une telle alliance est-elle vraiment possible ?

Le PP sort du scrutin avec 14 sièges de plus qu'en décembre ! Depuis le début, il veut imposer une grande coalition à l'allemande dans une culture politique qui, comme la nôtre, est généralement hostile au mariage de la carpe avec le lapin. Il a dû possuer à de nouvelles élections car le PSOE ne pouvait pas se livrer pieds et poings liés aussi facilement. Podemos, on le sait, visait le « sorpasso » : le dépassement du parti socialiste. Comme on le disait, hier soir, à la télévision espagnole : il n'y a pas eu de « sorpasso » mais un « sorpresito », une petite surprise. Le PP, dont la constance a finalement séduit des électeurs, sort renforcé du scrutin. 

Tout n'est pas joué, cependant. La question est effectivement de savoir s'il réussit à convaincre le PSOE de former une coalition stable, avec lui. Mariano Rajoy qui, emporté par la joie et peut-être le vent du soir venu adoucir une chaude journée madrilène, a plus ou moins improvisé son discours sur le balcon du siège du PP. Mais, se ressaisissant soudain, il a rappelé le fait que ce sont « les partis constitutionnalistes », ceux qui en remettent pas en cause la monarchie constitutionnelle et, surtout, l'intégrité territoriale du pays disposent bien d'une majorité absolue. Un accord serait, par exemple facile à trouver en matière de politique européenne. Podemos, qui réclame une réforme des statuts de la banque centrale européenne pour lui fixer comme objectif « un niveau adéquat d'activité économique et la création d'emplois » des activités industrielles » ou encore une conférence européenne de la dette – comme le gouvernement Tsipras –, aurait été un partenaire bien peu maniable. Le PP est bien-sûr dans une ligne libérale plus orthodoxe, à laquelle s'était naguère rallié le PSOE de José Luis Zapatero.

Pedro Sánchez a toutefois affirmé, quelques jours avant le scrutin, que soutenir un gouvernement PP reviendrait à « trahir les électeurs ». On peut avoir du mal imaginer, aujourd'hui, la constitution d'une grande coalition. Aussi le PP pourrait-il gouverner seul ou avec Ciudadanos. Dans ce cas, il n'est pas sûr de  voir un tel exécutif tenir quatre ans. Nous pourrions bien nous diriger, à nouveau, vers de nouvelles élections. Trois élections générale de suite avaient déjà eu lieu… entre 1918 et 1920. Ce serait, je vous l'accorde, confirmer d'une curieuse manière sa normalité démocratique.

Alors que la formation de centre-droit Ciudadanos avait fait une percée remarquée lors des dernières élections, ses résultats aujourd'hui ne permettent toujours pas d'envisager une alliance avec le PP pour gouverner. Alors que ni la droite ni la gauche ne semblent capables de réunir plus de 50% des sièges, les petits partis, notamment régionalistes, peuvent-ils faire la différence ?

Ciudadanos ne peut plus jouer ce rôle de parti charnière, car il perd huit sièges. Jusqu'aux élections, il réclamait la tête de Rajoy, en préalable à toute négociation. Cet objectif éminemment symbolique est aujourd'hui hors de portée, pour lui. C'est qu'il avait fait, comme Podemos, le pari du rajeunissement de la classe politique. Pour être juste avec Ciudadanos, il faut dire aussi que ce parti pâtit d'une loi électorale qui désavantage les partis se situant du seuil de la représentation.

Mais surtout, le PP a siphonné son électorat suite à une habile campagne auprès des électeurs de droite en faveur du "vote utile". Quoi qu'il en soit, une chose est sûre : Ciudadanos s'est fait ravir le rôle de « faiseur de roi » par le PSOE !

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