Législatives 2022 : Si vous avez envie de comprendre pourquoi les Français s’abstiennent, l’examen des candidatures de la 2e circonscription de la Marne vous éclairera…<!-- --> | Atlantico.fr
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De nombreuses situations au coeur de la campagne des législatives ont soulevé des questions sur la clarté politique.
De nombreuses situations au coeur de la campagne des législatives ont soulevé des questions sur la clarté politique.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Clarté politique

Le cas de la deuxième circonscription de la Marne pour les législatives peut laisser les électeurs perplexes au regard des évolutions des étiquettes affichées par les candidats. Ce cas témoigne d’un manque de clarté politique plus général qui pourrait favoriser l’abstention.

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy est politiologue, spécialiste de l'opinion. Il s'exprime sous pseudonyme.

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Atlantico : La situation dans la deuxième circonscription de la Marne pour l’élection législative, avec neuf candidats, est particulièrement intéressante mais les étiquettes affichées auraient pu être bien différentes. Que s’est-il passé ?

Xavier Dupuy : Dans la deuxième circonscription de la Marne, LR a hésité concernant l’investiture à donner. Plusieurs candidats étaient en lice. Il y avait évidemment, le candidat qui a été investi, Stéphane Lang, adjoint au maire de Reims et conseiller départemental dans la circonscription concernée. Mais il y avait aussi une autre candidate à l’investiture, également adjointe au maire de Reims et conseillère départementale, mais dans une autre circonscription : Laure Miller. Dès le lendemain de la décision en faveur de Stéphane Lang, Laure Miller a fait savoir qu’elle se présenterait quand même. Ce n’est déjà pas très loyal.

Mais le 8 mai dernier, la député sortante, Aina Kuric, élue sous l’étiquette LREM, ayant rejoint Agir au Parlement et membre du parti Horizons, apprend que c’est Laure Miller qui serait investie par Ensemble ! pour représenter la majorité présidentielle. On a appris plus tard qu’il y a eu une intervention de Catherine Vautrin, ancienne députée de la circonscription et pressentie pour être Première ministre, afin que Laure Miller ait l’investiture. Catherine Vautrin avait d’abord essayé de la faire investir par LR avant de le faire auprès d’Ensemble/Renaissance. A cela s’ajoute que le maire de Reims, adhérent d’Horizons a récemment fait savoir qu’il ne soutenait personne dans la circonscription.

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Et si on veut en rajouter une couche, le candidat officiel de LR, Stéphane Lang, a été élu en binôme aux départementales avec l’épouse du maire de Reims, Arnaud Robinet, qui est chez Horizons. La député sortante de la majorité, Aina Kuric, avait elle-même rejoint Horizons à sa suite, pensant qu’elle protégeait sa place. C’est sans compter sur Catherine Vautrin qui a voulu se venger d’elle, puisqu’elle s’était fait battre en 2017 dans cette circonscription.

Mais il y a aussi un problème de bulletin de vote pour cette candidate ?

On a découvert ce jeudi que Laure Miller a fait un bulletin de vote illégal. Sur le bulletin figurent en effet trois noms : le sien, celui de son suppléant et celui du président de la République. Cela est contraire à l’article L52-3 du code électoral selon lequel : « Les bulletins de vote ne peuvent pas comporter : 1° D'autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels, à l'exception, pour la Ville de Paris et les communes de Marseille et de Lyon, du candidat désigné comme devant présider l'organe délibérant concerné par le scrutin ; »

Cela signifie que normalement, la commission de recensement des votes, dimanche soir, va probablement considérer comme nuls ces bulletins de vote. La situation est donc ubuesque. Ajoutez à cela que sur les panneaux électoraux, la candidate investie par Ensemble et la député sortante sont cote à cote (à cause du tirage au sort) et c’est la cerise sur le gâteau d’une confusion maximale. D’autant que la député sortante a inscrit sur son bulletin de vote « députée de la majorité présidentielle », ce qu’elle est de facto. Cela pose aussi la question du travail que font les commissions de propagande dans les préfectures. La confusion poussée à son paroxysme devient un problème juridique. Nous sommes en Absurdie.

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Cette situation pose en effet des vraies questions de clarté politique…

Absolument et cette situation va clairement favoriser l’abstention. En effet, la situation est politiquement très embrouillée. D’autant qu’il y a encore deux mois, Laure Miller tractait sur les marchés pour Valérie Pécresse, en répétant qu’il ne fallait pas Macron 5 ans de plus. Désormais, elle fait campagne pour Renaissance et on a le sentiment qu’elle était macroniste depuis toujours. Il y a clairement un problème de sincérité politique, mais aussi un problème pour l’électeur. Comment peut-il s’y retrouver ? Cette histoire est digne des magouilles de la Quatrième République.

Dans quelle mesure, ce cas, ici poussé à l’extrême, est-il symptomatique d’une tendance plus globale ?  Et avec quelles conséquences ?

Il y a une tendance plus globale dont nous atteignons avec cette exemple le paroxysme. Mais on peut également évoquer le cas de Damien Abad, qui a changé d’étiquette au dernier moment. On peut citer Constance le Grip à Neuilly, qui tractait avec LR le matin et s’est retrouvée investie avec la majorité présidentielle le soir.

Indéniablement, ces comportements politiques ne peuvent favoriser que l’abstention ou le vote extrême. Cela donne le sentiment que les candidats sont interchangeables. Et pour les militants, ceux qui se sont engagés pour des convictions, ça ne peut qu’inciter à renoncer à l’engagement politique.

Quand Nicolas Sarkozy reçoit, dans le XVIe, le candidat LREM, le candidat LR et celui de Reconquête, n’y-a-t-il pas, là aussi, un problème de clarté ?

C’est évident qu’il y a un soucis de clarté. Mais c’est peut-être aussi une volonté de se désengager, après avoir reçu Benjamin Haddad. Peut-être qu’en recevant Szpiner (LR) et Pilard (Reconquête !) il cherche à annuler le fait de donner une signification à sa rencontre avec Haddad.

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Comment éviter ces confusions et clarifier les choses dans la vie politique française ?

C’est aux partis politiques d’agir et d’agir vite. Quand une personne ne « se sent plus à l’aise » dans un parti – souvent par temps de tempête – les partis devraient sanctionner très vite pour éviter de laisser s’installer l’idée qu’on puisse être adhérent d’un parti tout en préparant un changement. Quand les premiers soupçons arrivent, il faut poser les questions clairement et demander des réponses claires. Ce qu’on a vu avec Damien Abad était déplorable et ne doit pas se reproduire. Il faut aussi que les électeurs sanctionnent ces comportements. Le problème, c’est que le dégout de la politique suscité par ces méthodes est tel que ceux qui seraient susceptibles de sanctionner ne vont même plus voter. Ceux qui pourraient donner des leçons restent chez eux. Et la situation se désagrège car du coup ceux qui adoptent ces comportements ne sont pas sanctionnés et considèrent que les électeurs approuvent leur choix puisqu’ils sont élus ou réélus. En 2017, Damien Abad faisait 67 % face à En Marche, il n’avait donc aucune crainte de ne pas être réélu et il le sera sans doute, grâce à son implantation et à l’opposition à la gauche. Ainsi, il pourra dire qu’il a eu l’onction des urnes pour sa trahison.

Il faut noter que les sortants qui changent de crémerie ont un profil : ils sont élus dans des circonscriptions où En Marche aurait eu du mal à les déloger. Donc En Marche gagne des députés et des batailles contre la droite sans mener le combat. C’est le cas pour Yannick Favennec, Thierry Benoit, Benjamin Reda, Damien Abad, Eric Woerth. Peut-être que ce seront ces sièges qui feront une différence entre une majorité relative et absolue. En Marche n’a que très peu démarché LR dans des circonscriptions où ils pensaient pouvoir gagner par eux-mêmes.

Pourquoi les candidats LR qui pourraient être réélus sans changer d’étiquette décident malgré tout de rallier la majorité présidentielle ?

Il y a une part de conviction mais aussi d’intoxication. Ils menacent de mettre un candidat en face pour faire craindre une défaite au sortant. D’autres y vont parce qu’ils négocient des responsabilités, ou un poste de ministre, comme Damien Abad. Il n’aurait pas franchi pas le sans cette offre de poste. C’est de la cuisine politique de Quatrième république, à ceci près qu’elle se fait au scrutin majoritaire et plus à la proportionnelle.

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