Législatives 2022 : la droite dans les affres du non-rassemblement<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Républicains, le Rassemblement National et Reconquête ont été devancés par la majorité présidentielle, Ensemble, et l'alliance de la Nupes.
Les Républicains, le Rassemblement National et Reconquête ont été devancés par la majorité présidentielle, Ensemble, et l'alliance de la Nupes.
©AFP

Stratégie perdante ?

Les Républicains et le Rassemblement National sont arrivés loin derrière la majorité sortante et la Nupes lors du premier tour des législatives. Au second tour, le RN devrait pâtir du mode de scrutin. Les Républicains, le RN et Reconquête ont peiné à se faire entendre au cours de la campagne, marquée par le duel entre la majorité présidentielle et l'alliance de gauche Nupes.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Alors que la campagne des législatives s’est surtout incarnée en un duel Ensemble – NUPES, le RN se place en troisième position de cette élection, avec 18,68% des voix derrière LREM et la NUPES à 25 % chacun. Que penser de ce score du RN (et plus largement de la droite) ?

Christophe Boutin : La place du Rassemblement national au premier tour de ces élections législatives traduit son enracinement, et ce sur un territoire plus large que celui qui était classiquement le sien. En effet, n'ayant pas bénéficié comme NUPES de « l’effet booster » d'une alliance, le RN a disparu des écrans dès le soir du second tour de l'élection présidentielle, les médias ne cessant ensuite de présenter la future élection comme un duel entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, ce dernier ayant tactiquement réussi ce que Marine Le Pen n'a pas souhaité faire.

Pour autant, malgré cela, preuve est faite que Marine Le Pen et/ou le Rassemblement national disposent d'un socle électoral qui leur sont fidèles. On l’a vu lors de l'élection présidentielle, alors qu’un concurrent était apparu à droite, et cela se confirme avec ces élections législatives. 

Concernant les prévisions de sièges, celles-ci sont largement différentes, LREM pourrait avoir entre 260 et 360 sièges, la NUPES entre 150 et 200, mais le RN n’est pas sûr d’avoir un groupe parlementaire, contrairement à LR arrivé quatrième avec 10,42%. Qu’est-ce qui explique cette asymétrie dans les prévisions de sièges, notamment avec la gauche et l'extrême gauche ?

Nous retrouvons ici en grande partie une des caractéristiques de notre mode de scrutin. Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours favorise en effet de manière très classique le ou les partis qui sont arrivés en tête, et écrase les partis « secondaires » du scrutin. Certes, ce n’est pas tout : il faut aussi tenir compte des « barrages républicains », de la capacité à attirer au second tour… Mais c’est essentiel.

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C'est ainsi en tout cas qu’avec un quart des suffrages exprimés le parti présidentiel pourrait obtenir la majorité des sièges à l'Assemblée nationale ; et qu’avec ce même quart des suffrages exprimés, la coalition NUPES peut espérer entre 150 et 190 sièges, soit autour d’un tiers. De leur côté, les Républicains, qui ont obtenu entre 12 et 13 % des suffrages exprimés pourrait avoir entre 50 et 80 sièges, ce qui correspond sensiblement à 10 % de la Chambre. Au contraire, le Rassemblement national, fort pourtant de 18 % des suffrages exprimés, devrait en avoir moitié moins autour de 5 %. 

Quelles conséquences démocratiques pourraient avoir ce manque de représentation du RN si les résultats se confirment ?

Les conséquences démocratiques valent pour toutes les formations politiques auxquelles ce mode de scrutin empêche d'avoir une représentation à la chambre à la hauteur des suffrages qu’elles obtiennent. Cette non-représentation conduit d'abord à une sorte d’anomie démocratique : on l'a vu encore hier soir, l'abstention ne cesse de progresser. Mais pourquoi aller voter, à partir du moment où le candidat ou les idées que l'on soutient n'ont aucune chance réelle de pouvoir peser politiquement ?

Par ailleurs, permettant d'exclure ceux qui, à droite comme à gauche, sont hostiles à la politique menée par le grand bloc central, auto-baptisé « cercle de la raison » - qu’il s’agisse de sa politique sociale, économique ou européenne -, certains Français ont l’impression d’être pris au piège face au déroulement inéluctable de cette politique. En dehors de l’anomie électorale évoquée, l'autre possibilité est alors celle de la révolte, plus ou moins violente : quand on ne peut plus agir par les urnes, il faut bien tenter d'agir autrement pour espérer que les choses changent. 

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Quel impact ces résultats du RN, de LR et de Reconquête pourraient-ils avoir sur l'avenir de la droite au sens large ?

Les résultats de ces partis montre bien le tassement des Républicains, le parti n'étant finalement sauvé ici que grâce à l'implantation locale de ses élus de terrain. Ils montrent aussi les difficultés qu’a Reconquête, comme tout nouveau parti, pour s'imposer sur la scène politique. Ils confirment enfin l'actuel leadership du Rassemblement national à droite.

La question qui se pose est celle d'une éventuelle alliance, ou d'une collaboration, mais elle semble bien lointaine. En effet, alors qu’on ne sait pas si Reconquête aura des parlementaires, tandis que le RN pourrait réussir à former seul un groupe parlementaire, cela repousse loin encore la question de la fameuse union des droites, et ce d'autant plus loin qu'une autre des questions que l'on devra se poser au soir du second tour sera de savoir les Républicains ne s’allieront pas avec d’autres partis que ceux de la droite. 

Si LREM n’arrive pas à avoir de majorité absolue, LR pourrait être en situation de pivot, est-ce une chance (de pouvoir peser sur le quinquennat) ou une malédiction (car cela empêcherait de se refonder clairement) ?

Effectivement, si la coalition réunie derrière Emmanuel Macron, Ensemble, n'obtient pas la majorité absolue, mais n’a qu'une majorité relative, elle devra nécessairement bénéficier d'appuis. La question essentielle sera alors de savoir combien de voix lui manquent pour avoir la majorité absolue - cette dernière est, on le sait, à 289 sièges, et la fourchette actuelle donne Ensemble entre 255 et 295 sièges.

La question se pose parce que il n'y a pas que les Républicains à pouvoir servir d'alliés à Emmanuel Macron : il y a aussi les dissidents de gauche, entendons par là ceux qui ne l'ont pas rejoint en 2017, ni NUPES en 2022. Comme ils pourraient avoir une quinzaine de sièges, c'est cependant un apport plus limité que l'apport potentiel des Républicains, donnés entre 50 et 80 sièges, et tout dépendra donc du nombre de voix nécessaire pour obtenir la majorité sur tel ou tel texte.

Si LR jouait ce rôle de pivot, la question de savoir si ce parti pourrait peser sur le quinquennat doit être relativisé, car cela ne serait qu’à la marge, et encore faudrait-il qu'il ait envie de modifier les choix qui sont ceux d’Emmanuel Macron. Or, dans un certain nombre de domaines – le rapport à l'Union européenne, les liens avec les États-Unis, la politique économique et sociale en grande partie -, il n'y a pas nécessairement grande différence entre les deux.

Est-ce que cela empêchera une refondation du parti ? Sans doute, mais n’est-ce pas un soulagement pour ses cadres ? Rappelons une nouvelle fois la formule de Paul de Gondi : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens ».

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