Leçon d’Histoire : les démocraties sont beaucoup mieux armées pour résister à l’inflation que les régimes autoritaires et les dictatures<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Atlantico business
La statue représentant Jean-Baptiste Colbert sur le fronton du Palais Bourbon où se trouve l'Assemblée nationale française.
La statue représentant Jean-Baptiste Colbert sur le fronton du Palais Bourbon où se trouve l'Assemblée nationale française.
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Business

Les risques de l’inflation qui dominent les débats politiques donnent le sentiment que la démocratie a beaucoup de mal à produire des réponses cohérentes. Ce qu’on ne sait pas, c’est que l’inflation s’attaque surtout aux dictatures

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Le spectacle de la classe politique française montre à l’évidence que l’inflation et toutes les questions de pouvoir d’achat sont au centre des préoccupations parce qu’elles touchent aux marqueurs principaux des conditions de vie. La croissance du pouvoir d’achat mesure la marche du progrès des uns comme des autres. 

L’Histoire nous montre que les grandes démocraties, appuyées sur des économies de marché fluides (c’est à dire sans trop d’entraves étatiques ) résistent assez bien aux poussées inflationnistes. 

C’était vrai au 19e siècle. On peut même dire qu’au 20e siècle, les économies gérées sous démocratie ont prospéré. Les Trente glorieuses qui ont suivi la deuxième guerre mondiale ont enregistré des progrès (matériels) considérables pour le plus grand nombre alors que le financement de cette croissance s’est fait sous inflation. 

Les économies de marché sont des économies où les décisions concernant l’investissement, la production, le niveau d’emploi et la distribution des produits et des services sont fondées à partir d’une confrontation entre l’offre et la demande.  Cette rencontre est sanctionnée par un prix de marché, qui est sensé optimiser les intérêts des uns comme des autres. Alors les mécanismes de prix ne sont pas toujours extrêmement fluides, mais dans l’ensemble, ils réussissent à établir un équilibre. Les administrations et l’État peuvent intervenir parce qu’ils veillent à ce que la distribution de richesses ne soit pas trop inégalitaire, ils le font par la fiscalité, et les normes, l'actionnement du modèle social.  C’est parfois pesant mais les interventions de l’Etat sont légitimées par les choix démocratiques. Et la décision politique est le résultat du débat, c’est-à-dire de la discussion entre les pouvoirs et les contrepouvoirs. Les courants politiques, les syndicats et les lobbies. Les débats peuvent certes amender la décision de marché mais ils produisent au final une sorte de consensus sur le prix acceptable. Et accepté. 

L’inflation dans un Etat autoritaire a un impact très différent. Si l’économie est centralisée, la plupart des moyens de production appartiennent à l’État qui contrôle l’ensemble de l’activité de production et de la distribution. C’est donc l’État qui va décider de partager le revenu national entre la part qui va à l’investissement, le type d’investissement et la part qui va à la consommation. Ce que l’on produit et ce que l’on consomme est donc décidé par l’État. Alors ça dépend des formes de dictature, mais en règle générale, si les consommateurs et les salariés peuvent influencer les décisions centrales, ce sera à la marge seulement. Les contre-pouvoirs n'existent pas. Du moins officiellement.  Les prix sont fixés par les autorités politiques et ne servent pas à équilibrer l'offre et la demande. Les prix répondent à des objectifs politiques. Les systèmes de planification centralisés sont tous, peu ou prou, inspirés des théories marxistes-léninistes encore aujourd’hui, dans l'ex-Union soviétique, en Chine, au Vietnam, à Cuba, en Corée du nord.  

Mais il existe dans le monde des régimes autoritaires de « droite » comme au Brésil ou au Venezuela qui imposent également une forte pression sur tous les rouages de l’économie.

La mise sous contrôle des économies autoritaires, centralisées, ne signifie pas pour autant que ces pays seront épargnés par le mal inflationniste. Ces pays sont obligés d’acheter à l’extérieur des matières premières, de l’énergie ou des technologies avancées. Ils ne maitrisent pas leur prix qui va dépendre de l’offre et de la demande. Le mur des réalités existe. Quelle que soit l’idéologie au pouvoir. 

Ces prix-là doivent se répercuter au niveau du consommateur, sinon les ateliers s’arrêteront faute d’approvisionnements. 

Par conséquent, les régimes autoritaires et centralisés ou même les dictatures sont aussi touchées par l’inflation. En Turquie, la hausse des prix à la consommation approche les 20%, l’opposition à Erdogan parle de 30%. En Russie, les prix à la consommation auraient augmenté de 10% depuis le début de la guerre. Au Brésil, gouverné par Jair Bolsorano, l’inflation est de 8% par an. Au Venezuela, on ne peut pas dire qu’il existe des prix, puisque les évaluations officielles tablent sur les taux de croissance des prix supérieurs à 2000%. L’Argentine, autrefois, a vécu avec une inflation qui était de 10 % par jour, 500 % par an. 

Face à ce genre de phénomène, l’Etat, aussi puissant soit-il, ne peut pas faire grand-chose. Il peut toujours bloquer les prix, dans ce cas les entreprises s’arrêtent de travailler. Il peut distribuer de l’argent aux consommateurs, mais avec quel financement ? Il peut aussi augmenter les salaires mais il crée la spirale inflationniste folle, comme en Argentine autrefois et qui mène à la faillite. 

Le régime autoritaire peut aussi mettre le pays à la diète, diminuer le pouvoir d’achat. Imposer une politique de rigueur, mais c’est dangereux.

Les dictateurs de gauche (marxistes) ou de droite (droite extrême et populiste) sont convaincus que la politique s’impose à l’économie.  Que la politique peut se jouer de la réalité des faits et des chiffres. 

Ils pensent qu’ils pourront conjurer l’inflation. Ils se trompent. L’Histoire nous enseigne que sans débat démocratique honnête, l’inflation muselée alimente la corruption, crée la pénurie et les rationnements. 

Bref, les régimes autoritaires sont désarmés devant l’inflation. Parce qu’ils justifient leur prise de pouvoir par l’ambition de donner du bonheur et de la prospérité. Sans débat démocratique, sans arbitrage ou pédagogie, l’inflation va produire de la misère et dans le monde moderne, la misère est de moins en moins supportable. Dans ce cas-là, les régimes autoritaires n’ont contre l’inflation que deux solutions. Ou bien ils imposent un contrôle total des libertés, ou bien ils détournent l’attention de leur peuple sur un ennemi extérieur à qui ils feront la guerre. 

L’actualité nous offre mille illustrations de ces comportement extrêmes. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !