Le virus tueur qui fait saigner des yeux : la fièvre hémorragique de Crimée-Congo<!-- --> | Atlantico.fr
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Un agent de santé de la province de Dhi Qar, dans le sud de l'Irak, tient une fiole contenant des tiques responsables de la maladie hémorragique de Crimée-Congo (MHCC), le 25 mai 2022, lors de la pire épidémie de la maladie détectée dans le pays.
Un agent de santé de la province de Dhi Qar, dans le sud de l'Irak, tient une fiole contenant des tiques responsables de la maladie hémorragique de Crimée-Congo (MHCC), le 25 mai 2022, lors de la pire épidémie de la maladie détectée dans le pays.
©Asaad NIAZI / AFP

Cousin d'Ebola

Pour la toute première fois, le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) a été détecté en France, rapporte Santé Publique France mardi 24 octobre. Il a été découvert sur des tiques accrochées à des bovins dans les Pyrénées-Orientales.

Etienne Decroly

Etienne Decroly

Etienne Decroly est virologue spécialiste du VIH. Directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire Architecture et Fonction des Macromolécules Biologiques (AFMB) de l’Université d’Aix-Marseille. 

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Atlantico : Suite à la détection, le 6 octobre 2023, du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo dans des tiques qui étaient collectées sur des bovins dans les Pyrénées Orientales, que faut- il penser de ce virus ?

Etienne Decroly : Jusqu'à présent, il n’était pas démontré que des tiques, présentes en France, soient porteuses de ce virus pathogène. Mais avec cette découverte, il y a dorénavant un risque de zoonoses ou d'infections chez les personnes qui seront piquées par des tiques infectées par ce virus. Ce virus est un virus à ARN qui provoque des fièvres hémorragiques lors des infections humaines. Les conséquences de la présence de ce virus seront peut-être quelques infections sporadiques   dans la région où ce virus a été détecté, c'est- à- dire dans le Sud-Ouest de la France. Mais des tiques infectées par ce virus étaient déjà été détectés en Espagne. Il y a donc une extension de la zone géographique dans laquelle des tiques infectées sont présentes. 

Quel pourrait être finalement le risque lié à la zoonose. Quel pourrait être le risque de contamination à l'homme ?

Le risque de contamination humaine est principalementlié à la morsure par des tiques qui peuvent transmettre des pathogènes. Il n'y a pas que ce pathogène - le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, qui est transmis par les tiques. Il y a d'autres virus responsables d’encéphalites et également des bactéries responsables de la maladie de Lyme. La transmission inter-humaine du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, heureusement, est relativement rare et la transmission n’est pas respiratoire. Elle se fait par des contacts directs avec des fluides corporels. 

Est-ce que cette maladie, le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, est une cousine d'Ebola ? 

Il s’agit d’un virus qui est d'une autre famille que le virus Ebola. En revanche, les points communs entre le virus Ebola et ce virus- là sont le fait que ces virus donnent des fièvres hémorragiques et leur taux de létalité chez les personnes infectées est assez élevé. Le taux de létalité lors d'une infection à Ebola est estimé, selon les souches d'Ebola, entre 50 et 70 %, alors que pour le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, le taux de létalité est de l'ordre de 10 à 30 %.

Quels pourraient être les moyens de lutter efficacement contre la propagation de cette maladie chez les tiques et les bovins ?

Les moyens de lutte sont assez limités. Pour lutter contre ce type de maladie, il est nécessaire d’intensifier les mesures de surveillances de tiques, mais également dans les élevages bovins et équins potentiellement sensible a ces infections afin de contrôler les réservoirs potentiels et leur dissémination lors du transport d’animaux d’élevage. 

Est-ce que le réchauffement climatique pourrait faire évoluer la zone de ce virus avec le déplacement des insectes ?

C'est effectivement l’une des hypothèses. Les modifications climatiques induisent des modifications des écosystèmes avec les déplacements de parasites comme les tiques. Cette problématique est largement documentée et connue, notamment avec la problématique du moustique tigre qui a maintenant colonisé tout le pourtour méditerranéen et progresse vers le nord de la France. Il y a d'autres espèces animales potentiellement vecteur de maladies dont la zone de répartition géographique dépend du climat et c’est le cas de certaines espèces de tiques 

Plusieurs organismes comme l'OMS ont lancé une alerte et une vigilance concernant le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Or, la France n'a pas encore fait le même choix. Est- ce qu'il ne faudrait pas être plus vigilant, ne serait- ce que sur le plan sanitaire vis-à-vis des animaux ?

Pour l'instant, à ma connaissance, il n'y a pas de cas humains en France. En Espagne, il y a eu quelques cas sporadiques qui ont été détectés, alors que le virus était présent depuis plusieurs années chez les tiques. Donc, il n'y a pas d'urgence « sanitaire » pour le moment. Par contre, cela doit être un point de vigilance important, à partir du moment où un pathogène potentiel est détecté dans des espèces animales qui sont présentes sur le territoire français, il faut évidemment déployer tous les efforts nécessaires de manière à ce qu'il y ait de la surveillance épidémiologique, afin que l’on puisse évidemment repérer plus facilement et plus aisément les premiers cas. L'enjeu est d'avoir une meilleure surveillance épidémiologique. 

Est-ce que ce virus serait susceptible de muter un petit peu comme le Covid avait muté ou pas du tout ?

Tous les virus mutent. C'est une caractéristique générale des virus. Dans un contexte où il y a une pression de sélection, les virus vont développer de nouveaux variants qui vont mieux résister aux contraintes et donc vont pouvoir continuer à se propager. 

Mais nous ne sommes pas dans une situation du tout qui ressemble à la situation du SARS-CoV-2. Il n'y a pas de cas en France chez les humains. La transmission inter-humaine est assez rare et elle ne se fait pas par voie respiratoire, mais sporadiquement par contact direct.Nos moyens de lutte et de contrôle sont bien meilleurs.

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