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Le Venezuela va faire défaut, quelles conséquences pour le plus gros détenteur de réserves pétrolières au monde ?
©Reuters

Bombe à fragmentation

Selon le Financial Times, le Venezuela serait proche du défaut de paiement. Une prévision à prendre au sérieux et qui aurait des répercussions graves sur toute la région.

Luis Alejandro Avila Gomez

Luis Alejandro Avila Gomez

Luis Alejandro Avila Gomez est responsable du programme Amériques de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, IPSE.

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Atlantico : Le Financial Times évoque cette semaine le sérieux risque de défaut de paiement qui plane sur le Venezuela. Cette inquiétude est-elle fondée ? 

Luis Alejandro Avila Gómez : Certains signes montrent que cette inquiétude pourrait être déjà en train de se réaliser. Le Venezuela a enregistré des impayés de sa dette commerciale en 2015, notamment auprès des producteurs agricoles uruguayens qui commencent à hausser le ton auprès de leur gouvernement. L’ex-président Mujica uruguayen a proposé à son successeur Tabaré Vasquez que l’État prenne en charge cette dette auprès des producteurs. Un signe qui laisse entrevoir que les dettes contractées ne seront pas honorées promptement par le Venezuela.

Le prix du brut vénézuélien est aujourd’hui de 25 dollars, marquant un écart gigantesque par rapport à 2014, une époque à laquelle il dépassait toujours les 100 dollars. Les conséquences sont fortes sur une économie où les exportations de brut s’élèvent à environ 95% du total, représentant près de 25% du PIB du pays.

Dans les comptes de ce pays essentiellement rentier, une industrie pétrolière aussi déprimée est un poids énorme grevant lourdement le déficit budgétaire. Cela crée, par extension, une dislocation de l’ensemble de l’économie. Celle-ci maintient par ailleurs un modèle qui a longtemps été dénommé « économie de port », en raison de la faible production nationale et de la forte dépendance aux importations.

S’il peut s’avérer que des acteurs économiques internes cherchent à déstabiliser l’économie à des fins spéculatives ou politiques, la pénurie de produits est un symptôme sans équivoque de la forte crise budgétaire qui bouleverse cette économie dépendante des divises issues du pétrole pour ses importations.

Le contexte économique et politique international ne rend pas du tout invraisemblable l’hypothèse selon laquelle le Venezuela sera en défaut de paiement de ses dettes cette année. Le premier élément accréditant cette idée est que le prix du pétrole ne donne aucun signe de retour à la hausse. Par ailleurs, la Chine - de loin, son principal bailleur de fonds – a cessé d’accorder au pays de nouveaux prêts.

Quel serait l'impact politique et social sur le pays d'un défaut souverain ?

Sous le président Chavez, le Venezuela a connu une nette augmentation de l’IDH grâce notamment aux initiatives sociales qui permirent un accès massif du peuple à la santé, à l’éducation, à l’alimentation, au logement etc. Un tel projet fut possible grâce aux colossaux investissements faits par l’État, appuyé financièrement par l’énorme manne de divises que procurait l’exportation du pétrole.

Néanmoins, la structure socio-économique du pays est restée essentiellement intacte, bien que souffrant de l’absence d’une solide industrie nationale capable de satisfaire la demande interne. Aujourd’hui la pénurie de denrées et d’autres produits de première nécessité sont d’ailleurs ce qui affecte le plus négativement le quotidien des Vénézuéliens. Les répercussions sociales de cette crise se traduisirent dans les élections législatives : le 6 décembre 2015, le gouvernement perdit les élections législatives pour la deuxième fois depuis la révolution bolivarienne.

Dans le champ politique, les conséquences n’attendent pas le défaut des paiements de la dette pour se fait sentir. L’opposition attend de pied ferme le mois d’avril prochain, moment auquel il sera possible de convoquer un référendum pour révoquer la plus haute magistrature du pays et ainsi changer le gouvernement. S’il se concrétisait, un tel scénario serait l’un des moments de plus haute tension politique et sociale de l’histoire contemporaine du pays.

Y a-t-il une opposition politique susceptible d'être une alternance à Maduro et capable de corriger le tir ? 

Au Venezuela, l’opposition au gouvernement est regroupée dans une coalition, la « Table de l’Unité Démocratique – MUD », composée par une vingtaine de partis avec des trajectoires, visions et projets différents. Or, ce ne sont pas tant les divergences programmatiques qui sont la source première de frictions internes, que les aspirations individuelles et des partis de s’imposer au sein de ladite « Unité ». C’est une spécificité symptomatique de la faiblesse structurelle de cette coalition.

Cependant, des éléments programmatiques ont finis par être peu à peu homologués par chacun des partis qui la composent. Le problème est que le principal agent de cohésion de la MUD reste l’opposition au chavisme, dans un rapport de force électoral. Pour devenir une offre politique alternative viable, il faudra que cette coalition dépasse la seule alliance face à un ennemi commun pour devenir un parti force de proposition.

Pour qu’il existe une véritable offre politique alternative, consistante et durable, il faut que soit créé une nouvelle structure construite autour d’un véritable programme. Un tel évènement pousserait le PSUV et le gouvernement à réfléchir et agir, créant ainsi une dynamique plutôt vertueuse dans la scène politique vénézuélienne.

En attendant, les tensions risquent de connaître une escalade dans le court terme, surtout si un référendum révocatoire est convoqué, ce qui est fort probable.

L’éventuel candidat à la présidence serait, pour la MUD, Henrique Capriles ou, s’il devient objet d’une amnistie, Leopoldo Lopez. Il n’est pas exclu qu’un autre acteur politique soit nominé.

Quel serait l'impact d'un défaut du Venezuela sur la région et sur le monde ? 

Le défaut ne serait qu’un autre effet, un autre output - quoique fort représentatif - de la profonde crise sociale, politique et économique qui traverse le pays et dont les répercussions sont d’actualité.

En voici les principales :

·         Un défaut auprès des créanciers isolerait davantage économiquement le pays. Cela se traduirait par une réduction encore plus importante qu’aujourd’hui de la marge de manœuvre du gouvernement pour contracter de nouveaux crédits, par exemple pour l’importation de denrées dont le pays a tant besoin.

·         Cela pousserait le pays à explorer la voie de prêts des institutions financières, notamment du FMI. Or, il n’est pas question pour le gouvernement actuel de faire recours à cette institution en raison des tensions qui existent dans le pays sur ce sujet.

·         Sur le plan politique, un défaut de paiement du Venezuela entraînerait le renforcement du processus de restauration de la droite en œuvre dans tout le continent. La gauche continentale incarnée par l’axe Caracas-Brasilia-Buenos Aires est mis à rude épreuve par l’ascension de la droite à l’exécutif en Argentine, au parlement du Venezuela, et par l’initiative d’impeachment dont fait l’objet Dilma Roussef au Brésil.

·         Cela aurait également pour conséquence d’entraîner la dégradation des relations avec la Chine, le créancier par excellence du Venezuela (à hauteur de plus de 55 milliards de dollars).

·         Le défaut du Venezuela provoquerait aussi un affaiblissement du traité économique de l’Alliance bolivarienne pour les peuples d’Amérique, ainsi qu’un ralentissement des projets d’intégration de l’infrastructure physique du continent par l’aménagement du territoire. Il faut craindre également une mise à mal de la coopération énergétique Pétro caribe et une perte d’influence du Venezuela dans le bassin caribéen et une détérioration de l’échange intra-régional. 

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