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Le hit parfait pour bébé vient d’être créé : les artistes résisteront-ils aux algorithmes ?
©Reuters

Please don't stop the music

Pour plaire à votre bébé le tube parfait vient d'être créé. Bientôt différents logiciels vont produire des tubes qui peuvent séduire le grand public. Si les difficultés techniques sont moindres, la recherche du consensuel fera du mal à nos artistes.

Hervé Platel

Hervé Platel

Hervé Platel est professeur de neuropsychologie à l’université de Caen. Il fait également partie d’une unité de recherche Inserm sur les effets de la musique sur notre cerveau.

Internationalement reconnu pour ses travaux sur la neuropsychologie de la perception musicale, il a montré les réseaux cérébraux impliqués dans la perception et la mémorisation de la musique. Ses travaux permettent également de développer des méthodes musico-thérapeutiques de prise en charge chez les patients déments Alzheimer.

Il a notamment co-écrit Le cerveau musicien (De Boeck Université, 2010).

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Atlantico : Depuis quelques années, des entreprises essayent de concevoir de la musique avec des logiciels qui vont prévoir ce qui peut plaire aux consommateurs. Comment cette technologie peut fonctionner ? Comment une musique peut être appréciée du grand public dans sa globalité ?

Hervé Platel : Il suffit d’établir une base de données de musique et de tubes qui ont fonctionné par le passé et de faire une analyse des similitudes en terme de composition, d’harmonie, de tempo… Il faut évaluer les points communs entre tous les différents tubes. Nous pouvons ainsi extraire un certain nombre de propriétés qui pourront être modélisés dans un logiciel. Depuis plusieurs années beaucoup de professionnels s'intéressent à ce type de modélisation pour faire de la composition assistée par ordinateur. Le concept en lui même est assez simple, pour y arriver il faut construire une base de connaissance répertoriant ce qui plait déjà.

Le pari est avant tout statistique, le but d’un tube étant de plaire au plus grand nombre. Si nous reproduisons ce qui a su plaire au plus grand nombre alors nous pouvons espérer créer quelque chose qui va à son tour avoir un certain succès, malgré la diversité des esthétiques et des goûts musicaux. Nous pouvons assez facilement faire un parallèle avec l’industrie agroalimentaire, elle fait des études pour savoir ce qui nous plait le plus dans ce que nous mangeons. L’étude de ces récurrences est profitable à l’industrie qui pourra réaliser le dessert ou le yaourt qui va plaire au plus grand nombre. C’est un exercice d’équilibre entre le tempo, la vitesse et les accords rythmiques. C’est une analyse statistique de ce qui a fonctionné auparavant. Les grands succès musicaux montrent certains stéréotypes d'enchaînements d’accords. Le tempo préféré de la plupart des individus tourne autour de 120 battements par minutes. Ce sont des données que nous connaissons et que les musiciens et studios utilisent. Ces éléments peuvent être statistiquement conceptualisés et rentrés dans une base de données d’un logiciel qui va concevoir et proposer des mélodies.

La création de ces logiciels capables de concevoir de la musique qui va séduire un grand nombre de personnes peut-elle menacer les artistes ?

La création de musique par logiciel est le niveau ultime de l’art comme produit de consommation. Le but du jeu est de savoir comme dans le cas de l’alimentation si nous voulons nous faire plaisir en mangeant tout le temps la même chose sans être surpris ou pas. Les individus sont très conservateurs dans leur plaisir. Lorsqu’ils ont éprouvé une sensation satisfaisante ils vont essayer de la retrouver. Ils restent dans une situation de confort, cela n’incite pas à l’originalité ni à la prise de risques. Par contre, certaines personnes vont se dire, plutôt que de manger ou d’écouter toujours la même chose, je vais tester de nouvelles choses qui vont pouvoir me surprendre. Le plaisir minimum constant n’est pas le but de tout et un chacun. Or, écouter autre chose et faire preuve d'originalité demande un effort que beaucoup ne font pas.

Nous nourrir industriellement artistiquement c’est très facile parce que les industries restent dans des zones de confort qui vont plaire de base. Nous connaissons les formules qui vont plaire de façon classique à un grand nombre de personnes. Pour sortir de cette zone de confort, il faut essayer d’accepter la surprise qui peut s’avérer positive comme négative. Il n’est pas facile de sortir les individus de leur zone de sécurité et de leurs habitudes. En tant que psychologue, nous nous demandons régulièrement qu’est-ce qui pousse certaines personnes à plus facilement que d’autres sortir de cette zone de confort. Les plus jeunes sont bien sûr plus curieux ce que nous constatons facilement sur les consommations musicales. Au delà de 40 ans les individus ont tendance à ne plus écouter de nouveauté et à réécouter ce qu’ils ont apprécié lors de leur jeunesse. Le comportement humain n’est pas automatiquement tourné vers la curiosité et la découverte de la nouveauté.

Statistiquement il est donc assez simple de construire des programmes qui vont concevoir des produits qui vont plaire au plus grand nombre sans prendre de risque. Certains algorithme vont permettre de faire de la musique selon le style de certains compositeurs ou artistes (Mozart, Bach, The Beatles…). Il est facile d’analyser les principes récurrents présents dans la musique d’un artiste, cela devient rapidement expéditif. Heureusement que Picasso a décidé de prendre des risques de changer de style de production pendant sa carrière. 

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