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Le sport amateur : la Covid-19 m’a tuée
Le sport amateur : la Covid-19 m’a tuée
©FRANCK FIFE / AFP

Tribune

Les associations sportives et la pratique du sport ont été fortement impactées par la pandémie de Covid-19 en France. Les clubs amateurs sont notamment menacés par des difficultés économiques.

Philippe Bapt

Philippe Bapt

Philippe Bapt est chercheur associé à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), responsable associatif dans le milieu sportif et président du T.E.C. Rugby Club de Toulouse.

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La France compte environ 10 millions de sportifs licenciés dans des fédérations affiliées, d'après l'étude Sport Index, publiée fin septembre 2020 par le ministère chargé des Sports. Soit 1/6 de sa population, pour un poids économique représentant plus de 90 milliards d'euros et pesant pour près de 500 000 emplois. Ainsi - bénévolat inclus - le poids économique du sport amateur est estimé entre 17 milliards d'€ et 22 milliards d'€, selon le salaire de référence retenu pour la valorisation du bénévolat, soit environ 0,87% du PIB. 

Autrement dit un poids lourd économique qui concourt à la richesse nationale.

Pourtant, avec la crise de la Covid-19 et ses dommages collatéraux économiques, du rugby au foot, jusqu'au Vendée Globe, un vent de contrainte budgétaire semble souffler.

Est-ce un bien, in fine ? 

Certainement, tant l'inflation est galopante et les salaires moyens exorbitants. Si l'on parle du football, on connaissait la fameuse dette du Real de Madrid effacée par deux fois auprès du fisc ; cette fois, on parle de Barcelone et de son club le FC Barcelone, l'autre héros du football ibérique mais catalan. La dette du club avoisinerait le milliard d'euros. Certes, la valeur marchande de certains joueurs suffit à rassurer les banques ; cependant, comme outre-Manche, le marché du football a du mal à s'autoréguler.  

Pour rappel, les clubs anglais concentrent à eux seuls, plus de 4 milliards d'euros de dettes (données de 2017). Un chiffre qui représente 56% de l'endettement des clubs de football européen. Les droits TV de la Premier League et même de la deuxième division anglaise de ballon rond, certes, permettent aux clubs de rivaliser jusqu'à nos clubs de première division. Mais, cela n'empêche pas que le modèle économique reste relativement fragile. Pour preuve cette saison, les droits TV du football français a connu une véritable attaque cardiaque !

Le groupe Mediapro qui avait remporté l'attribution des principaux lots s'est avéré incapable de s'acquitter du montant de la redevance due. Pourtant, la « dote de la mariée » était plutôt conséquente : plus de 1,1 milliards d'euros soit plus de 60% de plus par rapport au contrat précédent. Résultat, les salaires en Ligue 1 sont négociés globalement à la baisse. 

Du côté de « l'ovalie », le manque de public lors de chaque journée de championnat domestique pèse lourd sur les budgets. En effet, environ 17 à 20% des budgets proviennent de ce seul poste : billetterie. Des négociations à la baisse des salaires des joueurs avaient déjà ponctuées la fin de la saison 2019-2020.

Les modèles économiques sont évidemment différents d'un sport à un autre, mais globalement c'est toujours le budget qui fait le sport. 

En voile, l’on constate ainsi une nette augmentation du budget et de la technologie présente sur les bateaux, qui, désormais volent plus qu'ils ne naviguent, par le truchement de la croissance exponentielle de la technologie du Foil.

En cyclisme, la technologie dévoie le panache humain au profit de la froideur de la science.

Bref, au plus haut niveau, la pratique professionnelle du sport est donc bien difficile et promet de l'être davantage dans le futur.

Aujourd'hui, la quasi-totalité des compétitions de la saison est arrêtée. Il n'en demeure pas moins que le nombre de licenciés avait baissé au cours de cette rentrée 2020-2021. La crise sanitaire, a ainsi, un impact économique sur les structures entrepreunariales sportives, mais aussi sur le monde amateur. En effet, si les besoins sont moindres, le bénévolat venant pallier bien souvent le déficit de personnel administratif ou d'encadrement, il est un factuel de constater que beaucoup de charges fixes sont identiques pour tous les clubs, surtout au niveau de la jeunesse : écoles de football et de rugby.

Par contre, le monde économique auquel s'adresse les "petites" structures, les sponsors de proximité, eux vont disparaître ; le temps d'absorber la crise économique qui suit celle de la covid19.  

Dans quelles proportions les clubs amateurs vont pâtir de cet effet boomerang économique ?  

Si le PIB a reculé en France de 8, 6% en 2020, il est à parier que le recul des partenariats privés dans le sport amateur va être nettement supérieur à 60%, dans les deux voire trois prochaines saisons. 

Ainsi, après les effets de la crise dite des « subprimes » de 2008, l'Etat avait serré la vis budgétaire à ses collectivités territoriales qui en avaient fait de même lors de l'attribution des subventions aux monde associatif, au sport notamment. Il avait été vanté, notamment auprès des petites structures, le besoin de s'émanciper des seules recettes publiques : municipales, intercommunales, pour se tourner vers le partenariat privé...

De fait, les trois premiers mois de 2021, ont confirmé, hélas, que cet effet ciseau s'apprêtait à avoir des effets dévastateurs.

Ainsi, à l'approche des Jeux d’Olympiques de 2024 à Paris, qui adviendra, juste après la Coupe du Monde de Rugby en 2023, soit deux énormes événements sportifs internationaux qui se tiendront sur le sol national. 

La France a mal à son sport !

Alors, que nombreux sont ceux qui perçoivent que le sport éduque, occupe, sociabilise, et,  de facto, inculque des valeurs, et, occasionnellement fait émerger les champions de demain, force, est, hélas, de constater que le sport semble s’être sensiblement enrhumé, lui aussi victime de la Covid-1 sur le long cours. 

Gageons que s’il semble acté que ce gouvernement trouve aisément des solutions pour les « premiers de cordée » du milieu sportif, espérons que l’on accompagnera « en même temps » les bonnes volontés liées au bénévolat sportif avec le même entrain et surtout de réels moyens financiers et humains. 

Si l'on se souvient de l'entrée fracassante au gouvernement de la ministre des sports, Roxana Maracineanu, en 2018, et la crainte, alors, du monde sportif que la France ne veuille se donner les moyens de ses ambitions olympiques, entre autres, il semble parfaitement légitime de craindre le traitement qui sera réservé à l'univers sportif, dans son ensemble, dans les mois prochains.

Philippe Bapt, chercheur associé à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), responsable associatif dans le milieu sportif, président du T.E.C. Rugby Club de Toulouse

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