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Le sondage qui pourrait bien façonner le quinquennat d’Emmanuel Macron : 46% des Français estiment qu’ils font partie des perdants et des victimes de la mondialisation (contre 21% qui pensent qu’ils font partie des gagnants et des bénéficiaires)
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Mondialisation

Avec une proportion de 46% de Français qui s'estiment être des perdants de la mondialisation, ce qui est le plus mauvais score après l'Italie (53%), la France semble bien plus fragile sur cette question que l'élection d'Emmanuel Macron ne pouvait le laisser supposer.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements que l'on peut tirer de cette étude ? 

Jérôme Foourquet : On a eu toute une série de scrutin le Brexit en Grande Bretagne, l'élection de Trump aux Etats-Unis , la présidentielle en France par l'affirmation et la montée d'un clivage autour de la thématique des gagnants et des perdants de la mondialisation. Du côté de l'offre de la politique, des offres qui prennent acte de la mondialisation qui l'accompagne et qui l'accepte et d'autres qui portent un regard beaucoup plus critique sur ce processus qui essayent d'élaborer ou de proposer des protections un encadrement et des limites à cette mondialisation.

Notre idée était de voir dans différents pays quels étaient le rapport de force au sein des populations de chacun des états et si d'autres part elles se reconnaissent bien dans ce nouveau clivage. Les résultats assez intéressants;

Le premier enseignement  c'est que on a une part non négligeable de la population, qui en Europe, se définie ou et capable de se situer dans ce rapport à la mondialisation. En France, en Allemagne ou en Italie, il n'y a  que un tiers des sondés qui se définissent ni comme bénéficiaires ni comme perdants. Et à l'inverse, ce clivage apparaît peut-être un peu moins opérant en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, en tout ils ont du mal à se reconnaitre et à se situer dans ce nouveau clivage; Donc un clivage qui est ressenti ou validé dans des proportions différentes entre l'Europe continentale et les anglo-saxons.

Deuxièmement, on a des différences assez marqués au sein de chacun de ces pays, avec une majorité relative voir absolue avec des Français et des Italiens qui se définissent plutôt comme des perdants avec un rapport de force déséquilibré en faveur de perdants en Italie (63 contre 14). Le rapport de force est nettement en faveur des perdants en France également mais dans de proportions un peu moins importantes (46 contre 21). Ce qui est intéressant, c'est que l'on a une inversion totale du point de vue de l'opinion publique allemande qui se définie à 41% comme étant du côté des bénéficiaires de cette mondialisation.

Donc une part significative de la population chacun de ces pays à une conscience assez nette de la position qu'occupe son pays dans la hiérarchie économique mondiale. Les Français et les Italiens se pensent en queue de plotons et une majorité d'Allemands comme étant du côté des bénéficiaires.

Aux Etats-Unis, on a un rapport de force équilibré, et en Grande Bretagne on est sur un rapport de un à deux entre gagnants et perdants avec un rapport au libre-échange et à l'ouverture qui est historiquement plus présent et ancré qu'en Europe continentale ou en Europe latine.

Donc un clivage qui est approprié par une part non négligeable des citoyens de différents pays sont dés mais pas dans les mêmes proportions ainsi, qu'une capacité à se définir comme perdants ou gagnants qui va variés d'un pays à un autre en lien avec la situation objective du pays;

Quand on regarde dans le détail, il est intéressant de voir qu'il y a un clivage qui fonctionne et qu'on retrouve dans tous les pays, c'est celui du niveau de diplôme. On peut prendre l'Allemagne ou les perdants sont moins nombreux qu'ailleurs, l'Italie… Partout, on est sur des publiques qui quand ils sont peu diplômés sont plus enclins à se définir comme perdants. Plus on est diplômés, plus on se considère comme gagnant.

Tout cela n'est pas nouveau. On a vu au moment du Brexit ou de l'élection présidentielle américaine, le niveau de diplôme est aujourd'hui une variable totalement structurante avec dans tous ces pays les publiques les moins diplômés qui ont le plus massivement soutenu les candidatures dites populistes. Il y a un lien tout à fait clair entre le niveau indicatif et le capital culturel d'un individu et son rapport à la mondialisation. C'est la variable la plus déterminante en matière d'influence sur la définition que l'on se fait sur cette mondialisation et la position qu'on occupe dans ce nouveau paysage. 

Au regard du programme d'Emmanuel Macron, des intentions affichées par son gouvernement, de la composition de celui-ci, comment Emmanuel Macron peut il intégrer l'état d'esprit des français, et ce, sans se renier ?

Jérôme Fourquet : C'est toute la question, je pense qu'il est conscient de cette situation. Quand on affronte Marine Le Pen au second tour qui a obtenu 33% des voix, quand on analyse les résultats et la carte électorale (notamment dans sa région natale en Picardie) on est conscient qu'une part de la population se sent délaissé et victime de l'évolution du cours des choses.

Je pense qu'Emmanuel Macron est conscient de tout cela. Sa réponse c'est  – dans une logique libérale - de déverrouiller le marché du travail, de créer plus de fluidité et de lever un certain nombre de blocages pour rendre l'économie française plus compétitive. Donc faire en sorte qu'il y ait des retombés positives pour toute une partie de la population qui aujourd'hui se sent fragilisée ou exclue des mutations économiques et sociales; Un sacré pari qu'il n'est pas évident de gagner. Faire en sorte que ce camp de perdants voit ses effectifs diminuer de manière sensible. 

Quels sont les dangers encourus par le nouveau Président, et le gouvernement qui l'accompagne, de ne pas prendre en compte la réalité d'une France qui se sent exclue du processus de la mondialisation ? Quelle est cette France "perdante" de la mondialisation (46%), qui semble largement majoritaire en comparaison de celle des gagnants (21%)?

Jérôme Fourquet : Une conséquence interne, être battu lors des échéances électorales. Soit aux élections intermédiaires soit en fin de quinquennat. Et puis une conséquence plus immédiate, ce serait de devoir faire face à des mouvements sociaux importants, à des situations de blocages de l'économie et du pays; Il ne vous a pas échappé qu'au lendemain de sa victoire, un certain nombre de syndicats ont appelé à la manifestation au nom de la "manifestation préventive". On voit bien une des pierres angulaire de son programme, la libéralisation du marché du travail, va sans doute se heurter à une opposition populaire importante et le risque serait s'il y a un défaut de diagnostic avéré, se retrouver confronté à un mouvement social d'ampleur et un blocage de la société.

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