Le RN, ce bloc électoral qui domine les deux autres de la tête et des épaules<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Jordan Bardella s'exprimant lors de la soirée électorale du premier tour des législatives.
Jordan Bardella s'exprimant lors de la soirée électorale du premier tour des législatives.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Législatives

Le Rassemblement national de Jordan Bardella est arrivé en tête au soir du premier tour des élections législatives devant le Nouveau Front Populaire et le parti présidentiel.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

Voir la bio »

ATLANTICO :  A-t-on assisté à un premier tour historique dans le cadre de ces élections législatives ? Quid de la participation ? Quelles sont les perspectives ou les projections pour la cohabitation ? L’Assemblée nationale sera-t-elle bloquée ?

Jean PETAUX : En toute chose, la mesure doit présider. Pour ce qui est de qualifier une situation, cet impératif catégorique s’impose avec plus de vigueur encore. Gardons-nous de « sur-qualifier » un événement politique, social, culturel en lui « conférant » le « grade » (ou, si l’on préfère, le « label ») « historique ». Les présentes élections législatives sont importantes, de facto, dans notre vie politique nationale. Je ne les rangerai pas, néanmoins, dans la catégorie des « historiques ». La participation, par exemple, estimée, selon les instituts de sondage entre 64% et 69% est « haute », mais aucunement « historique ». Sur 17 élections législatives organisées depuis 1958 dans le cadre de la Cinquième république, on compte 7 élections pour lesquelles la participation a dépassé la barre des 70% au premier tour : 1958, 1967, 1968, 1973, 1978 (record absolu : 83,20%), 1981 et 1988. Si le taux de participation est de 70% (au moment où je vous réponds tous les résultats officiels « France entière » ne sont pas connus), deux élections avant celle du 30 juin 2024 auront connu un tel taux de participation : 1962 (élections consécutives à la dissolution de l’AN par le Général de Gaulle) et 1993 (qui a porté une très large victoire de la coalition RPR-UDF et amené Edouard Balladur à Matignon, au grand « dam » (à venir) de Jacques Chirac.

Les projections en siège des scores obtenus au premier tour sont soumises à de tels aléas qu’il est très difficile (voire scientifiquement impossible) de tendre vers une fiabilité statistique satisfaisante. En réalité on y verra bien plus clair après le mardi 3 juillet, 18h00, date de clôture du dépôt des candidatures au second tour, en Préfecture.

Il sera toujours temps, au soir du second tour, de vérifier si l’Assemblée sera bloquée (ou pas). Aujourd’hui, cette question ne mérite pa d’aller plus loin.

Au regard des résultats du premier tour des élections législatives, le RN est-il en passe d’obtenir une majorité absolue et de propulser Jordan Bardella à Matignon ? Le Rassemblement National peut-il obtenir la majorité absolue ? Quelles sont les clés du succès de la campagne du RN ? Les électeurs souhaitent-ils plébisciter une véritable alternance ?

Jean PETAUX : La dynamique constatée pour le RN au soir du premier tour des présentes élections lui permet, en effet, d’espérer très fortement un succès d’ampleur dimanche prochain. Le fait que ses adversaires se coalisent essentiellement contre son succès potentiel, est le type-même de stratégie paradoxale qui accrédite en quelque sorte la potentialité de succès du RN. Pour  parler comme un spécialiste de sciences du langage, il s’agit presque ici d’un discours performatif qui se traduit par une forme de prophétie auto-réalisatrice. Les électeurs RN n’en sont plus au vote tribunitien ou contestaire. Ils adhèrent véritablement au projet du RN, même si celui-ci est économiquement inepte, socialement improbable et même juridiquement pervers…. De toute manière ils ne l’ont pas lu et cela les intéresse peu.

Emmanuel Macron a-t-il perdu son “pari” de la dissolution de l’Assemblée nationale au regard des résultats de l’élection ? Assiste-t-on à la fin du macronisme ou y’a-t-il un sursaut du bloc central ?

Jean PETAUX : Si l’on mesure le succès ou la défaite à l’aune de l’ambition qui a porté l’acte, il est clair qu’Emmanuel Macron a « raté son coup ». Là où il a pensé jeter un boomerang à la face de ses adversaires, il s’est pris le boomerang en pleine tête. Même si cette métaphore rappelle, bien volontairement, une des premières scènes du Dîner de cons » de Veber, elle dit bien la réalité… Le « con » se reconnaitra. En revanche je ne parlerai pas d’une disparition du macronisme. Il est trop tôt pour en parler ainsi. Il me semble (et c’est le propre d’une pseudo-doctrine attachée à un nom) que le « macronisme » est très attaché à la figure du « chef », d’Emmanuel Macron. C’est le propre d’une formation politique qui « s’incarne » dans une personnalité en chair et os. Si la figure charismatique disparaît, son « projet » disparaît à la suite et c’est ainsi que s’estompe une « doctrine » ou une « pensée » politique concrète.

Quel est le bilan du premier tour des législatives pour le Nouveau Front Populaire ? Jean-Luc Mélenchon ou un représentant du NFP ont-ils des chances d’accéder au pouvoir et d’avoir une majorité au second tour ?

Jean PETAUX : LFI peut, à juste titre, revendiquer un succès au soir du 1er tour. Pour autant son « lider massimo », Jean-Luc Mélenchon, n’a aucune chance d’accéder à Matignon. Tant que LFI aura le « lead » comme elle l’avait sur la NUPES ou qu’elle arrive à le détenir encore après le lundi soir sur le NPF, l’effet « repulse » sera toujours inscrit au fronton de la gauche parlementaire. D’ailleurs le chef de LFI le sait parfaitement, multipliant les actes qui sont autant de repoussoirs qui l’éloignent d’une accession au pouvoir. On retrouve d’ailleurs ici, dans le comportement de Mélenchon, celui de Le Pen père qui ne voulait absolument pas du pouvoir, à l’inverse de sa fille Marine.

Au regard des désistements pour le second tour du NFP, le front républicain et l’appel au barrage vis-à-vis du RN peut-il encore fonctionner ? Le choix de certaines figures de la majorité comme Edouard Philippe ou de LR de ne pas soutenir clairement le NFP ou certains candidats va-t-il “favoriser” le RN ? Les électeurs vont-ils suivre ces conseils ?

Jean PETAUX : Toutes les études sur la motivation du vote montrent que les électeurs sont de plus en plus libres et tendent à ignorer les consignes de vote, les invitations au désistement, les appels à voter, etc. J’aurais tendance à considérer que les propos d’estrade ou sur les plateaux de télévision au soir du premier tour, ont plutôt pas grand impact dans le ressort du vote lui-même.


ATLANTICO :  Qu’est-ce que traduit la défaite de Fabien Roussel sur le clivage entre les deux extrêmes à travers le pays, entre le RN et le NFP ?

Jean PETAUX : Je n’ai pas eu la possibilité de vérifier la réalité de la situation de la circonscription sur laquelle Fabien Roussel a été  battu. Je crois que ce serait commettre une erreur d’analyse que de transposer les raisons d’une défaite dans un territoire donné et d’en tirer une « loi » qui aurait valeur de généralité. Je ne crois pas non plus qu’il faille parler du retour à une « bipolarisation » de la scène politique. Il me semble que les résultats du premier tour traduisent une triangulation dissymétrique entre trois blocs de poids inégal, au plan électoral : le RN, le NPF et le bloc central macroniste.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !