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Le rapport qui estime à 80 milliards d’euros la fraude fiscale en France est-il crédible ?
©Reuters

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Si ce chiffre représente entre 16% et 20% des recettes fiscales totales en France, la fraude fiscale est en réalité très difficile à évaluer surtout lorsque la complexité de l'imposition la facilite.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Le syndicat de fonctionnaires Solidaires Finances Publiques estime dans un rapport la fraude fiscale entre 60 et 80 milliards d'euros par an en France. Que penser de cette estimation ?

Philippe Crevel : Ce montant de 60 à 80 milliards d'euros représentant 16 à 20 % des recettes fiscales est une évaluation assez haute au regard des résultats du contrôle fiscal qui portent sur 13,5 milliards d'euros de redressement. Il ne faut pas oublier que la France figure parmi les pays ayant le meilleur taux de recouvrement.

Cette qualité nous est enviée à l'étranger. Il n'en demeure pas moins que les activités non déclarées peuvent être évaluées entre 3 et 5 % du PIB ce qui ferait, compte tenu de notre niveau de prélèvements obligatoires de 45 %, un manque à gagner social et fiscal d'une cinquantaine de milliards d'euros, soit un montant assez proche de celui du Syndicat sous réserve d'y inclure les cotisations sociales. Par nature, la fraude fiscale est difficile à évaluer et est souvent source de nombreux fantasmes.

Dans des pays d'Europe du Sud, le taux de l'activité non déclarée peut être multipliée par deux voire par trois ou quatre. En la matière, plus les impôts sont lourds et incompris, plus la tentation de frauder augmente...

Fraude à la TVA dans les entreprises, travail non déclaré... Comme se manifeste la fraude fiscale en France ?

Les entreprises seraient selon l'étude du syndicat Solidaires les principaux responsables de la fraude soit au titre de l'impôt sur les sociétés soit au titre de la TVA. La perte pour l'IS est estimée entre 23 et 32 milliards d'euros, celle liée à la TVA entre 15 et 19 milliards d'euros. Il est certain que plus l'impôt est complexe, plus il y a des liens avec l'international, plus les possibilités d'échapper peu ou prou à l'impôt sont grandes mais de là à voir derrière chaque entreprise un fraudeur en puissance, il y a un raccourci à éviter.

Le rapport souligne bien évidemment la dissimulation d'activités ou des manquements classiques en matière de TVA comme le non reversement ou la déduction à tort. Le travail au noir est bien évidemment la forme la plus classique de fraude et bien plus simple à mettre en place que des montages d'échappement à l'impôt à travers une pyramide de structures.

Pourquoi est-il si difficile d'avoir une estimation de la fraude fiscale ? La fraude fiscale dépasse-t-elle les "ayants-droit" qui ne recourent pas aux prestations auxquelles ils peuvent prétendre ?

La fraude fiscale est par définition cachée. Une fois découverte, elle peut faire l'objet de poursuites, de recouvrement ou de redressement. A la fin du processus, elle cesse d'être une fraude. Il est donc difficile d'évaluer ce que les services fiscaux n'ont pas su ou pu saisir. A ce titre, le syndicat Solidaires est dans son rôle en demandant une augmentation des moyens de l'administration fiscale. La fraude fiscale est d'autant plus difficile à cerner que ses auteurs essaient par tous les moyens d'éviter de rentrer dans une logique d'identification.

Ils agiront masqués pour ne pas être remarqués. Par ailleurs, notre droit fiscal et social est d'une rare complexité offrant la possibilité aux sachants de se jouer de la réglementation et d’échapper pour leur compte ou pour celui de leurs clients à l'impôt. Par ailleurs, il ne faut pas négliger le fait que l'empilement de taxes, d'impôts, de réglementations peut faire aboutir, par facilité, à ce que certains fraudent plus ou moins sciemment. Il peut devenir plus facile de ne pas déclarer que de soumettre à l'ensemble des obligations avec évidemment le risque non négligeable de se faire rattraper par la patrouille au bout du chemin.

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