Le Niger pourrait-il être l’étincelle d’une nouvelle guerre mondiale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La CEDEAO
La CEDEAO
©NIPAH DENNIS / AFP

Proxi

La CEDEAO a donné le feu vert au déploiement de sa force jeudi pour agir au Niger.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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La CEDEAO a lancé un ultimatum à la junte pour qu'elle rétablisse Bazoum au pouvoir, sous peine d'intervention militaire. Quelques jours après l'échéance, la CEDEAO a annoncé le déploiement de sa force jeudi. Qu'est-ce que cela changera ?

Michael Lambert : La CEDEAO est dans une situation délicate : d'une part, elle doit montrer sa volonté d'intervenir, au risque de voir se multiplier les coups d'État dans la région ; d'autre part, elle n'est pas vraiment en mesure de le faire, au risque d'assister à une escalade militaire avec le Mali et le Burkina Faso, qui soutiennent tous deux le Niger. La principale crainte de la CEDEAO est également l'implication de la Russie, qui pourrait non seulement envoyer des armes, mais aussi infliger de lourdes pertes aux armées africaines grâce aux membres du groupe Wagner. Enfin, l'intervention militaire de la CEDEAO est mal perçue par de nombreux pays du Moyen-Orient et certains acteurs internationaux, comme la Chine, ont indiqué qu'ils ne prendraient pas parti.
La CEDEAO doit donc manifester sa volonté d'intervenir, sans pour autant en avoir la capacité ou la volonté.

Faut-il donc craindre une régionalisation du conflit ? Et son instrumentalisation ?
Ces craintes sont légitimes, dans la mesure où une guerre impliquerait plusieurs pays et surtout deux grandes puissances, la Russie et la France, qui se disputent le contrôle économique et sur le plan diplomatique en Afrique.
Un conflit serait cependant plus bénéfique à la Russie, qui profiterait des flux de réfugiés pour affaiblir l'Europe, à l'image de ce qu'elle a fait avec la Syrie. La Russie a également l'avantage de pouvoir exercer une pression sur l'ensemble des pays africains en coupant l'approvisionnement en céréales, créant ainsi des tensions sociales.

La perspective d'une guerre régionale est par conséquent sérieuse et suscite la crainte d'une implication de la Russie, avec des mercenaires au minimum, mais aussi des troupes françaises et peut-être des États-Unis. Les répercussions sur des pays tiers comme l'Algérie et l'Afrique du Sud sont difficiles à évaluer à l'heure actuelle.

Dans quelle mesure un conflit armé au Niger pourrait-il servir de proxi aux Etats-Unis et à l'Europe d'une part, et à la Russie et à la Chine d'autre part, dans le cadre d'un conflit plus large ? Dans quelle mesure est-ce déjà le cas ?

La Chine restera à l'écart, puisqu'elle sera prête à commercer avec des pays sans prendre de position politique ou idéologique. Pour les États-Unis et l'Europe, en particulier la France, l'opposition se fera vis-à-vis de la Russie.
Les Etats-Unis ne seront pas directement touchés, et c'est surtout l'Europe du Sud (France, Italie, Grèce) qui subira en premier le contrecoup de l'arrivée des migrants, ce qui aura une incidence sur les prochaines élections avec une montée des régimes d'extrême-droite et par conséquent sur la cohésion européenne et au sein de l'OTAN.
En définitive, cette possible guerre régionale aura des repercussions avant tout en Europe.

En ce sens, le Niger pourrait-il être l'étincelle d'une nouvelle guerre mondiale ?
Plutôt régionalement, dans la mesure où elle aura un impact limité à l'Afrique subsaharienne, tout en laissant entrevoir un retrait encore plus prononcé de la France et un renforcement de la présence russe. Sur le long terme, c'est toutefois la Chine qui sera la grande gagnante, car elle pourra négocier des contrats avec tous les pays dans un contexte d'après-guerre et bénéficier alors de tarifs préférentiels.

Dans quelle mesure les événements au Niger témoignent-ils de l'intérêt de Poutine pour le Sahel et de sa volonté d'affaiblir l'Occident ?
Il est encore difficile d'évaluer l'implication de la Russie dans cette crise, hormis la propagande anti-française qui est véhiculée par le Kremlin.

Toutefois, cette situation est avantageuse pour la Russie, qui parvient ainsi à affaiblir les Européens tout en renforçant sa position au Niger, au Mali et au Burkina Faso. Il convient en outre d'analyser si cette stratégie est véritablement celle du Kremlin ou celle de Wagner, qui avait ses propres intérêts économiques à déstabiliser la région. En résumé, il reste encore beaucoup de points à éclaircir. 

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