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Le naufrage d'Alain Juppé, par les Arvernes
©LOIC VENANCE / AFP

Hallali

Les Arvernes, groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs, estime qu'Alain Juppé n'a jamais été "le meilleur d'entre eux" et qu'il se prépare à perdre dans l'indignité.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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L’adage est sage qui rappelle qu’il est souvent plus difficile de finir que de commencer. Pourrait-il mieux s’appliquer qu’au crépuscule de la vie politique d’Alain Juppé ? Cette vie politique, mue par une ambition qui comme souvent trouve ses racines dans l’enfance, avait commencé de façon bravache : furieux d’avoir été classé à un rang indigne du sien à l’Inspection des Finances pour avoir critiqué Valery Giscard d’Estaing, Alain Juppé s’était fait l’homme-lige de son premier concurrent, Jacques Chirac.  Quarante et quelques années plus tard, après avoir occupé les plus grandes fonctions, quelques déboires, y compris judiciaires, elle se termine dans la politique politicienne.

Disons-le tout net : Alain Juppé, qui n’a jamais été le "meilleur d’entre eux" que pour la chiraquie, laquelle a su imposer sa suprématie aux droites, a bien des défauts justifiant que la magistrature suprême lui soit refusée.

D’abord, et c’est le plus grave, son incapacité à comprendre le monde tel qu’il est. L’opposition avec la vision que propose François Fillon est à cet égard essentielle. Oui, trois fois oui, le temps des demi-mesures est passé ! La France a urgemment besoin de réformes en profondeur, et l’élection de 2017 est sans doute la dernière chance qu’il lui reste, sauf à renouer avec son Histoire constitutionnelle houleuse, qui, rappelons-le, met Paris à feu et à sang tous les 40 ans depuis 1789. On ne peut pas se prétendre le rempart contre les extrêmes, comme le proclame Alain Juppé, et ne pas comprendre que la mollesse chiraquienne est la maladie de langueur de la droite depuis 1995. Oui, trois fois oui, la France, comme tous les pays occidentaux comparables (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne) a raison de se droitiser : elle redécouvre que le monde est dangereux, que les excès de l’État Providence créent la pauvreté au lieu de la combattre, que les populations sont ancrées dans une histoire ! Il n’est que temps, sur ce plan, pour paraphraser François Furet, d’en finir avec mai 68 et ses avatars, l’esprit bobo en étant le plus récent.

Ensuite son incapacité à juger les hommes. Les américains, qui n’ont pas de leçons à donner mais que nous pouvons parfois regarder, ont coutume de s’interroger sur les qualités du "chief commander", c’est à dire sur les traits de caractère indispensables à la fonction.  Si Alain Juppé en possède sans doute beaucoup, de travail, de sérieux, d’expérience des affaires publiques, il en est un, que ceux qui l’ont approché ont perçu, qui lui fait cruellement défaut : la capacité à juger les hommes ! Tout au long de sa vie publique, Alain Juppé – il n’est pas le seul - s’est entouré d’hommes et de femmes faibles, révérencieux, insusceptibles de lui faire de l’ombre (souvenons-nous que c’était le critère de choix de JP Raffarin en 2002), et en même temps lui ressemblant. Sur ce plan, en dépit d’exceptions notables, la campagne qu’il a menée aux primaires, si malhabile, si déconnectée des réalités, alors même qu’il avait tant de cartes en main, est et sera largement l’échec d’une équipe qui aura passé plus de temps à se partager le pouvoir espéré qu’à apporter une réponse convaincante aux nécessités du temps.

En dépit de ces défauts graves, Alain Juppé conservait pour lui une chose essentielle, si nécessaire à notre époque : une forme de sérieux, une gravité face aux enjeux d’un pays qu’il aime sans doute sincèrement. Au fond, Alain Juppé s’était persuadé, et les français avec lui, que le sérieux du grand commis de l’État qu’il est, du technocrate qu’il s’est toujours revendiqué, était la même chose que le sens de l’État. Une partie de la gauche française, jusqu’au cœur des médias et des corps intermédiaires qui en ont fait leur champion face à Nicolas Sarkozy et François Fillon, s’était résignée à placer à la tête du pays un homme de droite, qui avait eu le front en 1995 de se revendiquer catholique.

La réalité du combat politique, dans ce qu’il a de plus destructeur, de plus vil, l’a rattrapé depuis dimanche. Au fond, Alain Juppé avait un choix simple : un combat loyal, programme contre programme, avec une très forte probabilité de perdre ; ou un combat déloyal, jouant le tout pour le tout, procédant par attaques ad hominem. Ce faisant, en cherchant délibérément à l’emporter grâce au soutien d’une gauche moribonde, mais encore assez sectaire pour se mobiliser quand on l’a inconsidérément réveillé chez elle les rancœurs qu’elle nourrit en matière de laïcité et de droit des femmes, Alain Juppé rend un très mauvais service à sa famille politique et à la France. On n’emploie pas impunément des méthodes classiques trostko-marxistes-leninistes qui consistent à dire que son opposant est fasciste pour mieux le discréditer…

La force du combat, la volonté d’un homme, le sentiment de l’injustice sont autant de raisons qui permettront d’expliquer un tel naufrage. Toutes ces raisons se conjuguent en une réalité : Alain Juppé, qui aurait pu perdre dans l’honneur, s’il ne réoriente pas urgemment son approche, perdra dans l’indignité, et aura pris le risque de fragiliser considérablement la perspective d’une alternance pourtant si nécessaire.

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