Le mystère des cratères explosifs de Sibérie <!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue aérienne de bord d'un hélicoptère en août 2014 d'un cratère sur la péninsule de Yamal, au nord de la Sibérie. Des scientifiques russes ont découvert plusieurs cratères géants.
Une vue aérienne de bord d'un hélicoptère en août 2014 d'un cratère sur la péninsule de Yamal, au nord de la Sibérie. Des scientifiques russes ont découvert plusieurs cratères géants.
©VASILY BOGOYAVLENSKY / AFP

Recherche scientifique

Plusieurs trous se forment depuis quelques années dans le nord de la Russie. Cet étrange phénomène s'intensifie. De nouveaux cratères géants avaient notamment été découverts en août dernier dans la péninsule de Yamal en Sibérie.

Anne Fornier

Anne Fornier

Anne Fornier est humaniste, géographe et volcanologue, engagée sur les problématiques de résilience en terres volcaniques.

Fondatrice de La Fondation Volcano Active, une fondation internationale à but non lucratif dont l'objectif principal est de soutenir la recherche scientifique, le développement et la diffusion des résultats sur l'activité des volcans et leurs risques à l'échelle mondiale, l'atténuation des risques volcaniques et le soutien à l'accroissement de leurs connaissances par le biais de projets sociaux.

Membre fondateur de la coopérative The End, dont l'objectif est la diffusion et la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies dans les PME et les organismes officiels.

Maîtrise de recherche en géographie physique et analyse des risques volcaniques sous la Direction de Gérard Mottet, Directeur du Laboratoire de Géographie Physique Université Jean-Moulin Lyon III et sous la direction du climatologue Marcel Leroux, directeur du Laboratoire de Climatologie, Risques et Environnement, Théorie sur la dynamique du temps et du climat, AMP, Université Jean-Moulin Lyon III. 

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Atlantico : Depuis quelques années, des chercheurs remarquent l’apparition d’étranges cratères, des entonnoirs  dans le pergélisol de Sibérie. L’un des trous mesurait jusqu’à 20 mètres de large et 52 mètres de profondeur. Comment de tels cratères se forment-ils ? Cette situation s’est-elle produite ailleurs ?

Anne Fornier : Les chercheurs observent depuis des années la formation de trous géants sur la péninsule de Yamal, en Sibérie occidentale.

Le premier, découvert par des ouvriers en 2014 , mesurait  80 mètres de diamètre.

Depuis lors, les scientifiques ont trouvé 17 autres trous sur le Yamal et la péninsule voisine de Gydan. Ces entonnoirs identifiés sous les noms de C1 à C17 sont sources de questionnement et de recherches scientifiques soutenues.

Pour en savoir plus sur la formation de ces trous, les chercheurs ont utilisé les données satellitaires des péninsules de Yamal et de Gydan en Sibérie, soit une superficie totale de 327 000 kilomètres carrés, pour créer un modèle de la région basé sur l'intelligence artificielle à l'aide de la plateforme informatique en nuage Google Earth Engine.

Certains scientifiques ont comparé ces cratères à des cryovolcans, rejettent-ils aussi de la matière ? Cela représente-t-il un risque pour les habitants qui habitent près de ces trous ? Est-ce un signe inquiétant pour l’avenir de l’Arctique ?  À terme, ces événements vont-ils être de plus en plus fréquents ? 

Les chercheurs ont découvert que ces entonnoirs proviennent d’une explosion dite « naturelle » d’une bulle de méthane.

Le gaz méthane s’accumule en profondeur, dans des poches de terre dégelée appelées taliks. Ces taliks se forment souvent sous les lacs arctiques lorsque l'eau qu'ils contiennent se réchauffe. Autrement dit le méthane s'accumule dans des poches de pergélisol qui dégèlent sous la surface dû au dérèglement climatique. Le méthane migre des couches plus profondes à travers des failles subverticales dans les zones dégelées (cryopegas) pour remplir une cavité formée dans le permafrost (une couche de sol qui est gelée en permanence, mais qui n'est pas recouverte en permanence de glace ou de neige ).

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En général, ces cavités sont recouvertes d'un joint de pergélisol de 7 à 9 mètres d'épaisseur.

Le volume de la chambre augmente sous la pression croissante du gaz, forme un monticule appelé Pingo et finit par faire exploser le sceau avec d'énormes morceaux de roche et de sol gelés projetés jusqu'à 900 mètres de l'épicentre.

Actuellement, plusieurs zones de l'Arctique, à savoir la zone de Seyakha, la zone de North-Tambey, le champ de South-Tambey près de la ville de Sabetta et le champ de gaz de West-Seyakha, figurent sur la liste des "sites les plus dangereux" où l'on trouve la plus forte concentration de monticules ressemblant à des pingos.

Le tout dernier entonnoir numéro 17 sur la liste des scientifiques russes, est apparu au début en 2020 à un endroit non divulgué de la péninsule de Yamal.

Il est actuellement profond de 31 mètres bien que les scientifiques pensent qu'il était d'environ 40 mètres de profondeur au moment de l’explosion, le fond du cratère étant rapidement recouvert par l'effondrement du sol.

Le processus de formation et d'explosion de ces monticules dits Pingos est désormais plus clair pour la science, et les chercheurs se concentrent sur la manière de distinguer les monticules dangereux des monticules non explosifs et, surtout, sur la manière de prévenir les futures éruptions. Selon les données satellitaires, il existe environ 7000 pingos.

Depuis quelques années nous assistons à des changements jamais vus auparavant sur les deux péninsules.

En 20 ans, environ 5 % de la zone examinée a connu des modifications observables de l'écosystème, notamment des changements dans la végétation, l'élévation et l'étendue des eaux. De vastes étendues de la région sont devenues plus vertes, car la hausse des températures de l'air et du sol a favorisé la croissance des plantes. En raison du dégel du permafrost et de la fonte des glaces, certaines parties de la région s'enfoncent également.

Tous ces changements posent des problèmes pour les écosystèmes arctiques et le reste du monde. À mesure que les lacs s'assèchent, les poissons et autres animaux sauvages deviennent sans abri, et les communautés autochtones ont vu leurs réserves d'eau s'assécher. Le verdissement arctique est également un problème, car les feuillages plus hauts et plus vigoureux peuvent retenir davantage de neige sous eux. Cela peut à son tour accélérer le dégel du pergélisol, car la neige agit comme une couverture qui peut maintenir le sol relativement plus chaud que l'air gelé au-dessus.

Le dégel du permafrost lui-même est dangereux. Elle a rendu les côtes plus vulnérables à une érosion dangereuse et menace de libérer dans l'atmosphère du méthane.

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