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Le multiculturalisme, cette machine à casser l’assimilation en remplaçant "liberté, égalité, fraternité" par  "identité, reconnaissance, communauté"
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Bonnes feuilles

Tous en appellent à la France. Certains prétendent sauver la Nation. D'autres la République. D'autres encore, la Démocratie. D'où viennent ces oppositions. Elles paralysent l’action et sont suicidaires. Comment réconcilier ces faux contraires ? Convoquant la philosophie, l'auteur révèle le patriotisme méconnu de Rousseau et de l’esprit des Lumières. Extrait de "Le retour du peuple - An I" de Vincent Coussedière, éditions du Cerf 2/2

Vincent Coussedière

Vincent Coussedière

Vincent Coussedière est agrégé de philosophie, collaborateur du Figaro et du Figaro Vox. Enseignant, élu local, il a été révélé au grand public avec son premier livre Eloge du populisme (2012). 

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Le multiculturalisme comme réalité sociale et comme idéologie justifiant cette réalité à en grande partie détruit le processus d’assimilation imitative qui conduisait à la nation républicaine. Dire que la société française se communautarise, c’est dire qu’elle se divise en communautés infranationales, les Français, qu’ils soient « natifs au carré  », ou français issus de l’immigration, considérant qu’ils n’ont plus rien en commun, ou que ce qu’ils ont en commun en tant que français est moins important que ce qu’ils ont en commun avec d’autres communautés auxquelles ils se sentent appartenir davantage. Ce qu’on appelle habituellement le communautarisme est le symptôme de la dissolution de la communauté nationale. C’est lorsque la communauté nationale disparaît – en l’occurrence la communauté française – que les communautarismes émergent et entrent en concurrence.

Au triptyque républicain : liberté, égalité, fraternité vient se substituer avec une cohérence idéologique et une effectivité sociale qu’il ne faut pas sous-estimer le triptyque multiculturel : identité, reconnaissance, communauté. Le multiculturalisme c’est le malheur de l’identité, le malheur de n’appartenir à aucune communauté nationale vivante débouchant sur l’expérience de la liberté politique. Le malheur de ne plus avoir son existence portée par un projet collectif. Le malheur d’être désormais assigné à une identité, au projet d’être soi. Alors que la république cherche la réalisation de la liberté des citoyens, le multiculturalisme cherche la liberté de se réaliser des individus.

Alors que l’égalité vient limiter la liberté dans le système républicain, puisqu’il s’agit d’accorder une liberté égale à chaque citoyen, donc limitée par celle des autres, la reconnaissance de l’individu est celle d’une liberté sans limite d’être soi, dont on pose abstraitement qu’elle est compatible avec la reconnaissance de l’identité également absolue des autres d’être eux-mêmes. Alors que l’État républicain n’entend avoir affaire qu’à des citoyens, l’État multiculturel ne reconnaît que des communautés, puisque les individus ne se définissent finalement que par identification à celle-ci, puisant en elle leur identité. La loi républicaine est universelle, la même pour tous, la loi multiculturelle est communautariste, différente pour chaque communauté.

A partir de cette opposition entre le triptyque multiculturel et le triptyque républicain on peut comprendre le paradoxe actuel : la communauté française qui est une nation et une république ne sait plus parler d’elle-même et se défendre par rapport aux multiples communautés qui prolifèrent, par rapport aux entrepreneurs identitaires qui ne cessent de proposer leurs services à l’individu désocialisé. Plus gravement, elle parle le langage de l’identité entrant dans une concurrence qui la met au niveau des différents communautarismes. L’identité française devient ainsi un pin’s qu’on épingle, un « label », une « marque », qui a bien du mal à s’imposer sur le marché des identités. Les plus virulents pour affirmer leur attachement à la nation s’appellent d’ailleurs les « identitaires », comme si la revendication d’identité l’emportait meˆme sur la nation à laquelle on s’identifie.

Il est donc absolument tragique de voir nos meilleurs intellectuels républicains défendre désormais la république sur le plan de l’« identité ». Car défendre la nation sur le plan des identités, c’est montrer qu’il est déjà trop tard, et qu’on est soi-même contaminé par le communautarisme multiculturel auquel on prétend s’opposer. L’identité est le principe central du multiculturalisme et la saturation de ce thème de l’« identité », y compris chez les républicains, est le signe d’un effondrement et d’une confusion totale ayant envahi le champ de la pensée politique. A l’« identité malheureuse » de Finkielkraut, répond dans la confusion l’« identité heureuse » de Juppé, alors que c’est de liberté heureuse dont il faudrait parler pour résumer l’expérience franc¸aise, liberté à laquelle conduisait le processus d’assimilation imitative républicaine bloqué par le multiculturalisme. Plus grave encore, ces meˆmes intellectuels qui s’arrogent le droit de parler en terme d’« identité » continuent de pourfendre le « populisme » comme aussi dangereux que l’islamisme ! 

Extrait de "Le retour du peuple - An I" de Vincent Coussedière, publié aux éditions du Cerf, mars 2016.  Pour acheter ce livre cliquez ici

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