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Le livre-choc révèle comment les Chinois ont berné l'Occident mais se retrouvent piégés par les défaillances de l'économie
©JOHANNES EISELE / AFP

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Le livre d'Alex Joske, qui vient de sortir en français, est une petite bombe qui permet d'éclairer l'actualité. Il démontre comment la Chine a honteusement profité de la mondialisation en bernant les Occidentaux, mais il permet de comprendre pourquoi Xi Jinping est aujourd'hui politiquement piégé

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le livre s'appelle "Quand la Chine vous espionne" et vient d'être publié aux éditions Saint-Simon. Alex Joske est Australien, il est né d’'une mère chinoise et d'un père Australien. Il est donc parfaitement bilingue et a passé sa vie entre la Chine, l'Australie et le reste du monde. Il est aujourd'hui conseiller en stratégie pour de grandes compagnies australiennes. Son livre est de la même veine que celui de Giuliano da Empoli, "La magie du Kremlin", qui nous avait ouvert les yeux sur la réalité du pouvoir à Moscou.

Le livre de Joske est sans doute promis au même succès que son confrère italien, tant il colle à l'actualité de la Chine, dont on pensait, il n'y a pas si longtemps, qu'elle allait devenir la première puissance mondiale.

Très récemment encore, c'est à dire jusqu'à l'agression russe en Ukraine, tous les gouvernements occidentaux et la majorité du monde des affaires avaient choisi de coopérer avec la Chine dans l'espoir qu'elle se libéraliserait. C'était l'objectif indirect de cette "mondialisation heureuse". Les Occidentaux mettaient de côté les considérations morales ou éthiques par rapport à un système politique qui faisait peu de cas des problèmes de droits de l'homme et des libertés individuelles, des conditions de travail et même des considérations environnementales. Ça n'était pas le sujet. On ne s'inquiétait même pas des risques de l'impérialisme sur Taiwan ou de l'extension des réseaux d'espionnage. Seul comptait pour les Occidentaux l'ampleur des flux commerciaux avec des produits bon marché qui permettaient aux Occidentaux des gains de pouvoir d'achat. On devait travailler très dur à Shanghai, mais les magasins Walmart étaient pleins à craquer.

Le problème, c'est qu'on s'est rendu compte qu'au fur et à mesure de son développement, la gouvernance chinoise a durci son comportement de plus en plus autoritaire autour du Parti communiste et du président Xi Jinping. Sans doute pour protéger ce pouvoir des effets d'une société de consommation qui commençait à donner des idées de liberté à son peuple.

L'actualité aujourd'hui impose une réalité de plus en plus difficile à vivre aux dirigeants chinois. L'affaire du COVID-19 a été un révélateur des défaillances du système sur le plan technique et administratif, et au-delà, la crise économique mondiale provoquée par les confinements et la vigueur de la reprise après le COVID-19 a montré que la Chine avait peu de résilience et de réactivité.

Aujourd'hui, l'économie chinoise est en difficulté, confrontée à des fermetures d'entreprises et des retraits de sociétés étrangères. Les investissements se contractent, les exportations, comme les importations, sont à la baisse. La consommation des ménages est insuffisante, les problèmes de surendettement explosent, le chômage s'envole et les recettes publiques sont en pleine hémorragie. Les moteurs de l'économie sont tous en berne – quand ils ne sont pas au point mort.

Les réactions occidentales aux États-Unis et en Europe pour récupérer des industries délocalisées ont accéléré les défaillances chinoises.

Très récemment, l'entrepreneur hongkongais Lew Mon-hung a critiqué la politique actuelle de la Chine, qu'il considère comme "stalinienne" et "sclérosée". Alors, prudent, il ne nomme pas directement le président Xi Jinping, mais il n'est pas tendre avec l'organisation. Il le fait d'ailleurs dans un quotidien singapourien, "Lianhe Zaobao", qui est suivi de près en Chine.

Hasard ou pas , La semaine dernière, Xi Jinping a  lancé une vague d'épuration qui n'a échappé à personne, et les 12 membres du "politburo" du Parti communiste ont publié un plan de relance de l'économie qui se résume au renforcement du contrôle central de toutes les organisations économiques du pays. Ce qu'elles font et ce qu'elles doivent faire. Sont visées toutes les grandes entreprises et leurs dirigeants. Ce qui veut dire qu'il y a le feu à la maison.

Le livre d'Alex Joske permet de comprendre pourquoi et comment on en est arrivé là, c'est-à-dire à une situation très dégradée pour les Chinois et un risque de réaction imprévisible dans un climat géopolitique très tendu.

La première raison qu'avance Alex Joske, c'est que les dirigeants occidentaux ont été d'une naïveté coupable à l'égard de la Chine au moment de son entrée dans la mondialisation à partir des années 1990. Les Américains, les Européens, les organisations internationales, le FMI, et surtout l'OMC, tout le monde a été berné par Pékin qui a tout fait pour convaincre l'Occident que leur conversion au capitalisme était loyale et totale. Les messages étaient clairs. Jamais la Chine ne trahira sa parole, les contrats, le droit du commerce, le droit du travail. Sur le plan politique, les Chinois ont répété à tout le monde que jamais ils ne feront comme les nazis en Allemagne ; les nazis sont arrivés au pouvoir par des voies démocratiques en faisant croire qu'ils respecteraient la démocratie, et on sait ce qu'il advint. Et pendant des années, jusqu'en 2009-2010, les Chinois n'ont cherché des conflits avec les États-Unis. Leur impérialisme et leur agressivité à propos de Taiwan ne sont déclarés qu'après la crise financière et le COVID-19 qui ont déséquilibré les forces de la mondialisation.

La deuxième raison décrite par Alex Joske, c'est la façon dont les Chinois ont, pendant toute cette période de mondialisation "heureuse", tissé un réseau d'espionnage dans tout le monde occidental, aux États-Unis, en Europe et même en France. Avec leurs étudiants qui ont débarqué en masse, avec leurs contrats de conseil, avec leur prise de participation, les Chinois nous ont endormis, corrompus parfois, mais surtout, ils ont mis en place des logiciels de collaboration. Et ce système là leur a permis de transgresser souverainement les règles du commerce international en ne respectant pas les accords de réciprocité, de la transparence ou du respect des contrats. Tout est expliqué par le menu, les contrats, les associations, les bureaux d'études, les hommes et les femmes. Un système qui a permis à la Chine en moins de vingt ans de devenir le deuxième pays développé du monde avec l'assurance de prendre la tête de la course très vite, ce qui a commencé à inquiéter l'Occident.

Ce que les dirigeants chinois n'avaient sans doute pas prévu, c'est que cette mondialisation menée très rapidement portait en germe des forces de rappel qui aujourd'hui les piègent. Parce que d'un côté l'Occident a pris la décision de diversifier les sources d'approvisionnement pour éviter les ruptures de livraison, et de l'autre, les dirigeants chinois se sont aperçus que le ralentissement économique fragilisait leur système économique. Logiquement, leur réussite de production aurait dû être suivie par l'émergence d'une société de consommation. Mais là, Xi Jinping n'a pas ouvert les portes de la consommation interne. Il prend le risque d'avoir à affronter la grogne de l'opinion publique, un peu comme pendant le COVID-19.

Alex Joske, "Quand la Chine vous espionne", éditions Saint-Simon.

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