Le harcèlement chez les enfants est-il en hausse ? <!-- --> | Atlantico.fr
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"C’est une erreur de penser qu’avec Internet les violences ont changé de forme."
"C’est une erreur de penser qu’avec Internet les violences ont changé de forme."
©Reuters

Violence en couche-culotte

Un collégien de 13 ans s'est suicidé vendredi 8 février à cause des difficultés relationnelles qu'il entretenaient avec d'autres adolescents de son collège. Il est difficile de reconnaître qui sont réellement les victimes de harcèlement scolaire car il est difficile d'en définir les contours.

Véronique Le Goaziou

Véronique Le Goaziou

Véronique le Goaziou est titulaire d'un DEA de philosophie, d'une licence d'ethnologie et d'un doctorat en Sciences Sociales. Elle a écrit plusieurs articles et essais sur la question du viol en France

Elle est notamment l'auteur de "La violence : Idée reçues" (Le cavalier bleu) et "Le viol, aspects sociologiques d'un crime" (La documentation française)

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Atlantico : Quelle est la réalité actuelle des violences entre jeunes ? Sont-elles réellement en hausse ? 

Véronique Le Goaziou : Le mot violence recouvre une telle variété de comportements qu’il est difficile de généraliser. La violence des jeunes est un phénomène très ancien. C’est sans doute moins le comportement violent des jeunes qui a augmenté que le regard qu’on porte sur eux.  Je pense que nous vivions auparavant dans des sociétés bien plus violentes, et la violence était non seulement tolérée mais valorisée dans le processus de construction des jeunes. C’est donc moins les comportements qui ont changé et il n’y a pas plus de violence entre jeunes. En revanche c’est notre regard en tant qu’adultes qui a changé, avec un seuil de tolérance à l’égard des comportements juvéniles qui s’est amoindri.

Quels sont les types de violence les plus répandus ?  Y a-t-il de nouvelles formes qui se développent ? Lesquelles ? 

Les premières violences entre jeunes sont les violences verbales, les insultes, qui font presque partie d’une socialisation ordinaire enfantine et adolescente et qu’on retrouve partout, sans distinction sociale. Loin derrière, les violences à caractère physique. C’est une erreur de penser qu’avec Internet les violences ont changé de forme. On reprochait aux «blousons noirs» dans les années 60 à peu près la même chose qu’on reproche aux jeunes d’aujourd’hui. Les comportements ne changent pas aussi radicalement que ça.

On explique souvent la violence des jeunes par l'exclusion sociale. Ces deux phénomènes sont-ils réellement liés ? Est-ce l'expression d'un malaise au sein de la jeune génération ?

Il y a plusieurs types de violence : en général, on a tendance à distinguer trois grands types de passages à l’acte violent. La moins importante en terme de quantité, c’est la délinquance de type pathologique (avec des jeunes qui ont eu de nombreuses difficultés sur le plan familial : maltraitances, violences, pathologies familiales...). Il y a aussi la violence de type initiatique : avec l’adolescence, les troubles de la puberté, de la maturité, le moment où on va toucher les limites et où l’adolescent va remettre en cause les cadres qui sont posés. Ce qui peut d’ailleurs poser problème aux magistrats, qui, dans certaines affaires comme des "embrouilles" entre jeunes, peuvent avoir du mal à définir qui est la victime et qui est l’auteur. Ce sont souvent des jeunes qu’on ne revoit jamais en justice. Il y a enfin une violence d’exclusion : ce sont des jeunes qui vivent dans une situation socio-économique difficile, avec des passages à l’acte violents.

Dans le cadre scolaire, la notion de harcèlement n'est pas reconnue, contrairement au cadre du travail et au sein du couple. Comment cela se fait-il ? 

C’est une violence de type psychologique, cela ne fait pas longtemps que notre société estime ce genre de violences. Et puis ce n’est pas parce qu’on crée une catégorie pénale qu’on règle le problème, il y a d’autres façons de reconnaître à la personne agressée son statut de victime. La justice a créé tellement d'infractions qu’elle n’arrive plus aujourd’hui à faire face aux demandes, en créer une nouvelle ne règlera rien. C’est aussi aux adultes qui sont au contact des enfants (les membres de la communauté éducative par exemple) et aux parents de régler les problèmes, et laisser la saisie de la justice pour les cas graves. 

Quelles sont les structures mises en place afin d'y remédier ? Quelles solutions supplémentaires pourrait-on envisager à l'avenir ? 

Cela ne sert pas à grand chose d’inventer encore des structures pour un phénomène finalement banal. Les adultes ont une responsabilité à avoir et un rôle à jouer. Les cas graves sont rarissimes dans les écoles. La médiatisation de certains faits divers ne doit pas occulter la réalité de tous les jours. L’exercice de la vigilance doit être assuré au quotidien par les adultes. Mettre des mots, essayer de comprendre. La violence des jeunes interroge les jeunes mais aussi notre place d'adulte : Qu’est-ce que nous tolérons, qu’est-ce que nous faisons, qu’est-ce que nous acceptons de regarder, quelle est notre capacité d’intervention ? Il faut s’interroger là-dessus, sur le séparatisme d’âge : il y a le mondes des jeunes, celui des adultes et on n'intervient plus. Intervenir ne veut pas forcément dire réprimer, mais simplement regarder, comprendre, et accorder un degré de gravité à ce qui se passe.

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