Le facteur sonne toujours deux fois : les historiens se plongent dans les secrets de lettres du 17ème siècle jamais décachetées<!-- --> | Atlantico.fr
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Des techniques de balayage spécifiques vont être employées afin d'analyser le contenu de ses lettres cachetées sans avoir à les ouvrir.
Des techniques de balayage spécifiques vont être employées afin d'analyser le contenu de ses lettres cachetées sans avoir à les ouvrir.
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Trésors ordinaires

Cette remarquable collection issue de correspondances perdues par la poste néerlandaise contient des lettres écrites par des aristocrates, des espions, des marchands, des publicistes...

D'innombrables lettres issues de correspondances perdues, jetées pour un temps aux oubliettes de l'Histoire par la poste néerlandaise il y a des siècles, sont aujourd'hui étudiées en détail par plusieurs universitaires à la Haye.

Ces pièces examinées avec minutie par des experts ont en fait été découvertes dès 1926 dans un coffre en cuir oublié au fil du temps, loin de l'attention des historiens. Celles-ci suscitent un intérêt particulier car les traces écrites livrant des informations sur la vie ordinaire des hommes et des femmes inconnus de l'Histoire sont particulièrement rares, et donc précieuses.

Cette remarquable collection contient des lettres écrites entre 1680 et 1706 par des aristocrates, des espions, des marchands, des publicistes, mais aussi des comédiens et des musiciens, avec une écriture soignée et raffinée, tant du point de vue du style que de la calligraphie. Ces lettres sont rédigées en Français, en Espagnol, en Italien, en Néerlandais, ou encore en Latin. 

L'une des nombreuses lettres à avoir été analysées et traduites a été envoyée par une femme s'adressant à un marchand juif de La Haye, au nom d'une "amie commune". Cette amie était chanteuse d'opéra à la Haye, avant de se rendre à Paris où elle réalisa qu'il lui faudrait demander de l'argent à ce marchand pour regagner son pays en urgence.

"Vous pouvez deviner sans difficulté la cause réelle de son désespoir. Contentez-vous d'y penser et de la ramener à la vie en finançant son retour" écrit cette femme. Marquée de l'inscription "niet hebben", cette lettre a été refusée par son destinataire. Ceci peut être expliqué par la possibilité que cet influent commerçant de La Haye redoutait une information malvenue lui annonçant qu'il allait être père. Selon Daniel Starza Smith, de l'université d'Oxford (Angleterre), le marchand à qui cette lettre était adressée était sans aucun doute le père de l'enfant porté par cette femme, ce qui aurait précipité son projet de voyage. Quoi qu'il en soit, le destin de cette pauvre femme restera à jamais mystérieux.

Ce coffre en cuir, fermé par des scellés officiels, avait été présenté dans un musée postal de La Haye en 1926, mais les 2600 lettres qu'il contient (dont 600 encore non-ouvertes) font seulement aujourd'hui l'objet d'une analyse poussée et d'une étude attentive de la part des spécialistes internationaux réunis au sein d'une équipe dans laquelle se trouvent des professeurs des prestigieuses universités d'Oxford, ainsi que de Yale et du MIT aux Etats-Unis. 

Des techniques de radiographie et de balayage très spécifiques vont être employées afin d'analyser le contenu de ces lettres cachetées sans avoir à les ouvrir, pour ne pas les détériorer ni gâcher les systèmes de pliages ingénieux imaginés par les auteurs de ces lettres afin que celles-ci se transforment aussi en enveloppes.

Pendant de longues années, ce trésor a été précieusement gardé par un couple, Simon de Brienne et son épouse Maria Germain, tous deux respectivement responsable des postes et institutrice à La Haye. Ce couple de notables rusés qui avaient le sens des affaires a passé un certain temps en Angleterre, en tant que membres de la cour du roi William III, fraîchement couronné. Les deux époux ont ensuite vendu leurs charges pour environ 1500 livres sterling et un tonneau de vin de Bourgogne afin de retourner chez eux. 

A cette époque, l'acheminement d'une lettre était payé son destinataire, et beaucoup n'ont pu les recevoir en raison de changements d'adresses. Certaines ont donc été renvoyées, en vain, à une série d'adresse d'expéditeurs, quand ces derniers n'étaient pas décédés. Les universitaires d'Oxford pensent que tous ces courriers ont été précieusement conservés dans l'espoir que ceux-ci soient un jour retirés et évidemment payés. 

Ces précieuses correspondances referment d'innombrables informations sur l'existence des individus "lambda" de cette époque, et offrent un regard nouveau sur la société. Une grande partie de ces lettres reflètent le tumulte politique que vivait alors l'Europe, mais également la criminalité, les guerres, les persécutions religieuses et d'autres périls. Ces messages perdus resteront donc scellés à jamais.

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