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La loi Avia qui tentait d'introduire une obligation des réseaux sociaux à opérer de la censure privée a heureusement été complètement vidée, pour cette raison, de sa substance par le Conseil constitutionnel.
La loi Avia qui tentait d'introduire une obligation des réseaux sociaux à opérer de la censure privée a heureusement été complètement vidée, pour cette raison, de sa substance par le Conseil constitutionnel.
©DENIS CHARLET / AFP

De Charybde en Scylla

Le gouvernement travaille actuellement à l’adoption d’une loi visant à sécuriser l’espace numérique. Celle-ci comprend notamment le blocage de sites pornographiques, la création d’une liste noire des sites frauduleux… ainsi que de possibles bannissements des réseaux sociaux en cas de délit.

David Fayon

David Fayon

David Fayon est responsable de projets innovation au sein d'un grand Groupe, consultant et mentor pour des possibles licornes en fécondation, membre de plusieurs think tank comme La Fabrique du Futur, Renaissance Numérique, PlayFrance.Digital. Il est l'auteur de Géopolitique d'Internet : Qui gouverne le monde ? (Economica, 2013), Made in Silicon Valley – Du numérique en Amérique (Pearson, 2017) et co-auteur de Web 2.0 15 ans déjà et après ? (Kawa, 2020). Il a publié avec Michaël Tartar La Transformation digitale pour tous ! (Pearson, 2022) et Pro en réseaux sociaux avec Christine Balagué (Vuibert, 2022). 

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Pierre Beyssac

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac est Porte-parole du Parti Pirate

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Atlantico : Le gouvernement travaille actuellement à l’adoption d’une loi visant à sécuriser l’espace numérique. Celle-ci comprend notamment le blocage de sites pornographiques, la création d’une liste noire des sites frauduleux… ainsi que de possibles bannissements des réseaux sociaux en cas de délit. Quel défi ces derniers posent-ils exactement, en matière de sécurité individuelle et collective ? Le remède risque-t-il d’être pire que le mal ?

David Fayon : En effet. Dans cette volonté du gouvernement, nous avons des aspects louables comme protéger les jeunes des contenus pornographiques ou les personnes vulnérables d’escroquerie en ligne et de cybermenaces ou de cyber-harcèlement. Pour autant ce projet est un peu à l’image de la loi Pour une République numérique du 7 octobre 2016 à savoir un peu « fourre-tout » et des dispositions ne sont pas toutes sur le même plan car il comprend deux aspects, sécuriser d’une part et réguler d’autre part. Il transpose les règlements européens DSA ou Digital Services Act du 19 octobre 2022 et le DMA ou Digital Market Act du 14 septembre dernier en droit français. On peut noter l’accélération de la transposition des règlements européens dans le droit français. Notons aussi que la sanction administrative encourue pour les plateformes contrevenantes est du même ordre qu’un manquement au RGPD s’agissant des données personnelles puisqu’elle peut aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’acteur. 

En revanche, ce qui peut être plus sujet à controverse est la modération des réseaux sociaux voire le bannissement ou déplateformisation d’un compte. Ceci peut être un obstacle à la liberté d’expression qui, rappelons-le, dans le cadre général de la liberté est selon l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ainsi définie : « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Est-ce qu’individuellement émettre une opinion voire un fait indiscutable peut causer préjudice et à qui ? Si par exemple le fait d’indiquer que l’huile de palme est cancérigène ou détruit des forêts, on va en même temps dire une vérité mais causer préjudice aux intérêts d’acteurs économiques utilisant cette huile comme Nutella qui désormais indique dans sa communication que son huile de palme utilisée est « 100 % traçable et durable » pour contourner les attaques. Et collectivement, est-ce que le fait d’avoir déclaré voici plusieurs mois que le vaccin contre la Covid empêchait la transmission du virus a causé du tort à des citoyens jeunes et en bonne santé ? De nombreuses personnes pensant cela se sont faites vacciner alors qu’il existe par ailleurs des effets secondaires désormais avérés. Les intérêts de firmes comme Pfizer ne sont pas ceux des citoyens qui payent chèrement et indirectement les doses en apparence gratuite car la vaccination l’était de facto et non de jure pour continuer à avoir une vie sociale voire professionnelle. 

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Pierre Beyssac : On savait qu'il s'agirait d'un resserrement des mesures existantes de blocage sans juge, instaurées depuis 2014 par Bernard Cazeneuve sur les sites terroristes et de pédopornographie, et complétées en 2022 par celles des sites de jeux en ligne, gérées par l'ANJ (autorité nationale des jeux).

Le gouvernement s'est surpassé : le nouveau projet de loi élargit sensiblement le périmètre des mesures de blocage national de noms de domaines en y adjoignant cette fois celles du ressort de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), et celles du ressort de l'ARCOM.

Au fil des nouvelles lois, de plus en plus d'administrations peuvent donc bloquer à loisir des sites Internet dans leur domaine de compétence et sans la protection d'une procédure complète en justice.

Les hypothèses posées dans l'article du 10 mai avant la publication du projet de loi sont toutes réalisées, même les plus extrêmes, et au delà.

Le projet prévoit ainsi de rendre obligatoire l'installation du filtre anti-arnaque dans les navigateurs web, en faisant pression sur leurs éditeurs.

Le projet ajoute également, aux intermédiaires techniques susceptibles d'être forcés de collaborer avec l'administration, les fournisseurs de résolveurs de noms de domaine (adresses web) et les éditeurs de navigateurs.

Jean-Noël Barrot a même affirmé qu'il n'hésiterait pas à faire bloquer d'ici la fin 2023 des réseaux sociaux entiers comme Twitter si ceux-ci ne se conformaient pas rapidement aux exigences du gouvernement.

Comme supposé également le 10 mai, l'étude d'impact a été bâclée et fait l'impasse concernant la mise en oeuvre technique : sur la vérification d'âge, l'"obligation légale créant une incitation du marché", les solutions apparaîtront magiquement. Les impacts économiques sont ignorés, écartés d'un revers de main, ou bien l'absence de budget spécifique pour l'administration permet de s'assurer que les coûts ne changeront pas, même si la charge de travail sera augmentée en conséquence. L'étude omet également d'évaluer l'impact du développement prévisible de mesures de contournement des blocages comme les accès par VPN (réseau privé virtuel, permettant de simuler l'accès depuis un autre pays).

De même, concernant le bannissement, le projet souhaite interdire la création de comptes de contournement, mais ne précise pas comment les services en ligne pourront y parvenir.

Au total, le projet est aussi brutal dans ses intentions que vague dans les modalités à mettre en oeuvre par les sites, ce qui est déjà un défaut de la loi de 2020 sur la vérification de majorité des accès aux sites pornographiques (ou pouvant simplement inclure du contenu pornographique, comme Twitter), aboutissant à l'absence d'application et à la menace d'un blocage.

Ironiquement, les risques sur le réseau du blocage sans juge, que le projet de loi souhaite faire passer à une échelle beaucoup plus large, ont été magnifiquement mis en exergue ce samedi 13 mai par une bavure de l'OCLCTIC (office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information de de la communication), qui a bloqué pendant des heures toutes les adresses web échangées par la messagerie sécurisée Telegram en les remplaçant par un avertissement erroné d'accès à un site pédopornographique.

Le projet aboutit donc à réduire la résilience de l'Internet français en multipliant les procédures administratives et en réduisant les garanties démocratiques à attendre d'un État de droit.

Dès lors qu’il aborde la question des réseaux sociaux, le législateur distingue l’illicite du “préjudiciable”. Celui-ci, jugé néfaste à l’élaboration d’un espace public sécurisé, ne constitue pas en lui-même une notion problématique ? Peut-on véritablement se contenter de ce qui relève du jugement de valeur plutôt que du jugement de droit pour limiter la liberté d’expression en ligne ?

David Fayon : C’est un risque en effet. En droit positif, tout ce qui n’est pas explicitement interdit est autorisé. Cette notion est claire. En revanche, la notion même du préjudiciable est floue, arbitraire et sujette à caution. Préjudiciable pour qui, dans quelle mesure, avec quelles conséquences (en termes économiques et financiers, sociaux, d’image, d’éthique, de moralité) et j’ajouterai à quel moment ? Les préjudices de certains peuvent aussi être les avantages d’autres. Le préjudice peut aussi être différé dans le temps. Des données peuvent avoir été cachées, falsifiées pour défendre des intérêts. Par exemple consommer une boisson qui peut à haute dose déclencher cancer ou démence chez une personne 20 ans plus tard. Je pense que plus que jamais à l’heure des réseaux sociaux rois, le citoyen doit avoir les moyens d’être éclairé pour qu’il puisse émettre un jugement critique. Or l’infobésité peut parfois induire une perte de jugement critique noyé dans la masse d’information qui défilent notamment sur les réseaux sociaux dans ses timelines. Sans compter qu’il existe le piège d’avoir dans sa bulle de contenu des informations qui émanent uniquement de sa communauté ou de personnes qui pensent comme soi empêchant d’être ouvert à des idées contradictoires ou nouvelles qui peuvent nous challenger.

Aussi, en matière politique par exemple suivre à la fois des personnes d’extrêmes (gauche, droite, centre) et de gauche ou de droite, du centre ou sans opinion permet d’avoir une vision à 360 degrés même si la difficulté est réelle avec une sur-pondération par les algorithmes des réseaux sociaux des contenus clivants. Il convient de distinguer le contenu factuel qu’il soit informationnel ou non du contenu militant. Pour autant dans le pays qui se revendique « des droits de l’homme et du citoyen », il conviendrait de ne pas brider la liberté d’expression en ligne tout en condamnant ce qui est haineux. La responsabilisation des plateformes en lignes en délicate car dans des cas spécifiques (racisme, diffamation), des mesures de modération nécessaires s’imposent. Mais elles ne doivent pas devenir des censures arbitraires empêchant au pluralisme de s’exprimer car certaines, de peur de devoir payer des pénalités risquent de sur-censurer de façon humaine ou algorithmique. On constate aussi le travers de ChatGPT qui en voulant être consensuel étouffe tout signal faible intéressant nonobstant le fait que les informations sont mélangées aboutissant à ce que j’appelle un « gloubiboulga informationnel probabiliste ».

Pierre Beyssac : Le sujet est lié à la tentation du législateur français de se défausser sur la censure privée, à savoir les conditions générales d'utilisation des services en ligne, et la modération qui en découle.

Ce choix permet de se passer du juge en déplaçant la responsabilité sur un opérateur privé, mais introduit des risques de censure arbitraire, au delà des contenus illicites dont le cas n'est d'ailleurs pas toujours facile à trancher. L'exemple de Facebook censurant l'Origine du monde de Gustave Courbet est bien connu. On peut également citer récemment le cas d'une page du Parti Pirate annonçant une conférence sur le blocage de la pornographie, bloquée en raison de la simple présence de ce mot.

La loi Avia qui tentait d'introduire une obligation des réseaux sociaux à opérer de la censure privée a heureusement été complètement vidée, pour cette raison, de sa substance par le Conseil constitutionnel.

La notion de pornographie est également peu définie juridiquement, ce qui pourrait exposer les sites à l'arbitraire de l'administration de l'ARCOM.

On se souvient de la loi Avia, désormais celle-ci, à quel point les dirigeants, en France et ailleurs, ont-ils tendance à proposer des projets liberticides face aux défis posés par les usages numériques ?

David Fayon : Cette loi du 24 juin 2020 avait du mordant car elle était potentiellement liberticide en sur-censurant et alors même qu’il existe déjà des lois qui sanctionnent les contenus haineux sur Internet comme des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Elle avait d’ailleurs été largement censurée par le Conseil constitutionnel.

D’une façon générale, le législateur a tendance à vouloir complexifier le droit avec un empilement de textes de loi, certaines dispositions pouvant être contradictoires car pas promulguées au même moment dans les mêmes contextes. Rappelons Raymond Barre qui disait qu’« en démocratie une loi ne doit pas être bavarde mais sobre ». Et on pourrait aussi rajouter le philosophe Gaspard Koenig qui en 2021 avait créé le « mouvement simple » qui voulait diviser par cent le nombre de normes législatives et réglementaires. Tout ceci nous coûte un pognon de dingue tout comme la complexité organisationnelle de l’État et ses directions en silos qui sont cloisonnées. Pour en revenir à la question des projets liberticides, il s’agit aussi de la question de la redistribution du pouvoir induite par la révolution numérique. Les perdants vont vouloir changer les règles pour ne pas se faire disrupter alors même qu’il faut vivre AVEC et non CONTRE le numérique. Par peur, par crispation, on légifère, on interdit, on taxe ! C’est un réflexe franco-français qui nous empêche d’avancer. On le voit avec ChatGPT interdit en Italie ou dans la fonction publique. C’est du même ordre que les entreprises qui bridaient voici une dizaine d’années l’accès aux réseaux sociaux sur l’ordinateur de leurs salariés. Le résultat était que certains collaborateurs consultaient les réseaux sociaux sur leurs smartphones depuis l’entreprise. Certes depuis la Covid, on est passé de l’obligation de moyens à l’obligation de résultat laquelle a redistribué les cartes. Le numérique peut pourtant être vecteur de liberté s’il est bien utilisé, à bon escient, sans en devenir ultra-dépendant. Il nécessite certes des gardes-fous mais ceux-ci ne doivent pas être liberticides.

Même si le gouvernement semble s’engager, une nouvelle fois, sur la mauvaise voie pour s’attaquer à la question, à quel point le défi posé par les réseaux sociaux pour la démocratie est immense ?

David Fayon : Le gouvernement veut parfois donner l’illusion de faire en proposant des réformes ou des réformettes. C’est un acte de communication pour donner l’impression d’avancer. Pour autant, il est contre-productif de courir comme un poulet sans tête. Nous n’avons pas un mais plusieurs défis posés par les réseaux sociaux à savoir la publication du contenu, la nature et la qualité du contenu, la visibilité, la modération, le stockage dans les serveurs qui ne sont pas forcément sur sol européen, le droit à l’oubli… Et plus que jamais l’information, c’est le pouvoir ! Pouvoir la contrôler est précieux. Le risque est pour un pouvoir en place d’avoir pour but de s’y maintenir quoi qu’il en coûte plus que l’intérêt général et par là même de vouloir censurer ce qui n’entre pas dans sa doxa, l’opinion publique communément admise. Penser de manière insolite est mal vue sauf peut-être par Le canard enchaîné ou Mediapart. Aussi il est important d’avoir des contre-pouvoirs, une réelle séparation des 5 pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire, des médias, d’Internet) car depuis Montesquieu deux nouveaux pouvoirs se sont adjoints et les pouvoirs ne sont pas suffisamment étanches. Pour faire simple, il est nécessaire que la démocratie puisse être plurielle, de respecter les opinions différentes sans propos outrageants ou diffamatoires. Elle devrait davantage se baser sur les faits. Et encore, chacun a besoin d’être accompagné depuis l’école dans son jugement critique. Par exemple dire que 1,7 million d’emplois ont été créés dans une période donnée, ce n’est pas suffisant et est pernicieux. Il conviendrait d’indiquer combien ont été détruits dans la même période et analyser le solde. Puis en raffinant, est-ce que les emplois créés et détruits sont de même nature (nous avons beaucoup d’emplois précaires créés par la révolution numérique en France comme des chauffeurs, des livreurs ou des entrepreneurs alors que du fait de notre désindustrialisation depuis la fin des années 1970 nous sommes tributaires ou dépendants de l’étranger pour des produits à valeur ajoutée comme Taïwan et ses micro-processeurs). Et encore, quelle est la richesse produite, est-ce que le bonheur – non mesuré par le PIB – ou la santé de la planète est meilleure ? Souvent les faits restent parcellaires.

Il existe aussi un autre aspect dans le projet de loi outre la lutte contre ce qui est jugé comme de la désinformation et qui peut être arbitraire car on l’a vu toute opinion n’entrant pas dans la doxa peut être balayée et censurée en étant taxée de fake news. On pourrait encore citer la Covid19 qui est un cas d’école avec au début « la pandémie vient du pangolin et ceux qui affirment qu’il s’agit d’une fuite du laboratoire de Wuhan sont complotistes » alors qu’aujourd’hui toutes les hypothèses sont permises. Et comme je le dis « fake news un jour n’est pas fake news toujours ». La facilité étant de considérer que comme une opinion provient d’un extrême quel qu’il soit elle n’est pas recevable. Lorsqu’ante Internet était évoquée la fille cachée du président Mitterrand, que les discours officiels en 1986 affirmaient qu’après l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl les nuages s’étaient arrêtés à la frontière, etc. Nous avons besoin je dirai de complètement d’enquête pour ne pas être gavé aveuglément d’informations inexactes soit par erreur soit par mensonge.

Un autre point plus complexe est celui des ingérences étrangères. Est-il pertinent de bloquer des médias comme Russia Today ou Sputnik ? Pour la plupart des internautes, j’aurai tendance à dire oui. Nous condamnons tous l’invasion par Poutine de l’Ukraine même si lors de l’annexion de la Crimée en 2014 au mépris du droit international il aurait fallu déjà réagir et qu’il est facile de réécrire l’histoire. L’histoire bégaye comme lorsqu’Hitler avait annexé les Sudètes alors que nous avions attendu 1939 et l’invasion de la Pologne. Toutefois pour une minorité, il semble que l’accès à ces sources soit utile. En effet pour combattre une propagande, des journalistes ou des acteurs ont besoin de la connaître. On ne peut pas dire que Mein Kampf ou Karl Marx sont dangereux si on n’a pas lu un résumé même si la carte n’est pas le territoire. Une solution pourrait être d’avoir un marquage des contenus ou un accès différencié sans pour autant générer une complexité pour les plateformes.

En conclusion, le risque pour la démocratie est celui évoqué par Isaac Asimov dans sa série Fondation et George Orwell dans 1984, un contrôle des populations, une parole muselée. Nous ne devons pas avoir un ministère de la Vérité mais une liberté d’expression dans le cadre de la loi qui, elle-même, ne doit pas être répressive.

Quelles seraient les bonnes manières de s’attaquer à un problème aussi important pour la démocratie que le rôle des réseaux sans sacrifier les libertés individuelles et collectives au passage ?

David Fayon : La question n’est pas simple mais peut se résumer simplement. Tout ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé. Que les faibles soient protégés et éduqués. Que l’on toilette des lois archaïques même si toujours la loi aura un retard par rapport à la technologie. Et qu’en cas de préjudice avéré, que des sanctions soit appliquées mais plus a posteriori. Il est effarant qu’avec – et c’est un aspect important et pas évoqué – la monétisation du contenu qui s’accélère avec le rachat de Twitter par Elon Musk et les autres réseaux sociaux qui vont suivre par ricochet que des personnes qui payent aient plus de visibilité que d’autres. Alors que le suffrage censitaire a été aboli, il a été réintroduit pour des raisons lucratives par les réseaux sociaux avec le paiement de la pastille bleue sur Twitter. Cette monétisation du temps de cerveau disponible sur les réseaux sociaux va à l’encontre de la qualité. Du reste la nomination comme CEO de Twitter de Linda Yaccarino qui vient du monde la publicité (NBCUniversal) est un signal fort envoyé à l’ensemble de l’écosystème des réseaux sociaux où les majors outre Twitter sont Facebook, Instagram, YouTube, LinkedIn et TikTok avec de plus en plus de contenus publicitaires ou sponsorisés insérés dans les fils d’information et les vidéos.

Pierre Beyssac : Les réseaux sociaux exposent à la vue de tous et connectent des idées qui ne sortaient pas, auparavant, de la sphère privée ou au pire du bistrot local. Il est difficile de savoir s'il faut vraiment s'en inquiéter.

Les réseaux évoluent, les usages également, et les États, de par leurs structures rigides et crispés sur leurs prérogatives, notamment de police, n'ont pas forcément les meilleures clés de compréhension pour y réfléchir utilement.

La déconcentration des grandes plateformes peut être une voie, limitant la tentation de mettre en avant les contenus "à buzz", souvent de basse qualité voire toxiques. Cela pourrait permettre d'expérimenter une plus grande diversité d'organisations pour les grandes communautés de personnes.

L'ouverture des critères des algorithmes de recommandation, comme l'a fait Twitter récemment, peut également faciliter leur compréhension par les utilisateurs, pour mieux en maîtriser les effets néfastes.

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