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Le coût de la discrimination en France : pourquoi nous n'avons pas tous le même "capital humain"
©Reuters

Bonnes feuilles

Le constat des auteures de cet ouvrage est sans appel: la discrimination coûte très cher à la société française. Dix milliards d'euros de manque à gagner chaque année, car l'État investit et forme une jeunesse qui, faute d'embauche, ne contribue pas ensuite à produire la richesse du pays. Faute d'embauche, en grande partie due à une discrimination généralisée... Extrait de "Talents gâchés", de Virginie Martin et Marie-Cécile Naves, publiés aux éditions de l'Aube (1/2).

Virginie  Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Marie-Cécile  Naves

Marie-Cécile Naves

Marie-Cécile Naves, docteure en sciences politiques,​ est​ chargée de cours à Audencia Nantes​. Son ​dernier ouvrage paru ​est Le nouveau visage des droites américaines. Les obsessions morales, raciales et fiscales des États-Unis (FYP Editions, 2015).

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« La notion de capital humain renvoie à l’idée de capacité productive dont parle Cain (1986). Pour Becker (1964), elle se définit comme « l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc.  ». Le mécanisme correspond donc, à la manière du capital physique, à l’accumulation d’un capital qui doit permettre une plus grande productivité.

>>>>>>>>>>> "Talents gâchés" : à l’échelle d’une vie, le manque à gagner pour un bac + 5 victime de discriminations est de l’ordre de 230 000 euros

Sauf à postuler des différences génétiques entre hommes et femmes ou entre Blancs et «  non-Blancs  », en moyenne tous les groupes partent avec un capital inné semblable et le capital humain vient se construire sur ces capacités. Comme le soulignent Smith et Welch (1985), le capital humain se construit principalement à travers deux composantes : l’école et l’expérience en emploi. La première tient au niveau d’éducation (les diplômes) qui représente ensuite un bon moyen d’évaluer le niveau de capital humain, c’est-à-dire la productivité d’une personne. La seconde tient à l’ancienneté dans une entreprise, l’expérience devant amener à améliorer ses capacités productives, donc à être plus productif et donc rémunéré en conséquence. On voit donc que la théorie du capital humain ne s’intéresse pas uniquement au marché du travail mais aussi à ce qui se passe en amont.

L’investissement scolaire décrit deux éléments qui peuvent influer sur les futurs niveaux de rémunération. Le premier tient au choix des filières. Cet élément, particulièrement mis en avant pour expliquer les différences salariales entre hommes et femmes, s’intéresse au fait que, dès l’école, certaines personnes s’engageront dans des filières menant à des emplois plus faiblement rémunérateurs (Havet, 2004). Le second élément s’intéresse au nombre d’années d’études réussies. Dans ce cas, les différences de situation, notamment salariales, s’expliquent – objectivement – par des différences de capital humain ; dans le cadre des discriminations liées à l’origine, la problématique tient plutôt au fait que les personnes discriminées sont plus rapidement poussées vers des filières courtes et professionnalisantes. Les entretiens que nous avons réalisés le confirment.

L’investissement post-scolaire souligne que l’accumulation de capital humain se poursuit sur le marché du travail. Pour Mincer (1975), cet investissement est une meilleure variable explicative pour les différences de rémunération que le niveau scolaire – et expliquerait notamment la meilleure rémunération des « hommes blancs urbains » plus engagés dans leur carrière.

Sans entrer dans le détail des débats autour de ces différents concepts, il est possible de souligner deux choses. Tout d’abord, pour rapporter ces théories au sujet qui est le nôtre, les pré-discriminations liées au niveau d’éducation semblent jouer à plein. Ainsi 44,3 % des 25-64 ans des ZUS ont un niveau scolaire inférieur au CAP-BEP contre 22,5 % en moyenne en France (ONZUS, 2013). À l’inverse, seuls 18,4 % ont un niveau supérieur au bac contre 34,9 %. La rémunération n’est pas uniquement une fonction du diplôme mais les chiffres de l’INSEE (2013) montrent toutefois des salaires médians différenciés en fonction du diplôme.

En outre, le faible accès à l’emploi empêche par définition ces personnes d’exprimer leur potentiel productif en emploi – nous y revenons plus loin. Dans tous les cas, cette forte représentativité des personnes vivant en ZUS parmi les moins qualifiées peut avoir une conséquence plus indirecte. Si un nombre très élevé de personnes d’un même groupe a un faible capital humain (un faible niveau d’études), c’est le groupe dans son entièreté qui sera considéré ainsi, ouvrant par là même la voie à une discrimination dite statistique. »

Extrait de "Talents gâchés", de Virginie Martin et  Marie-Cécile Naves, publiés aux éditions de l'Aube, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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