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Le coronavirus, acteur de la démondialisation ?
©Phill Magakoe / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

Dov Zerah aborde cette semaine la question de la mondialisation face à l'épreuve et au défi du coronavirus pour l'économie mondiale et les pays impactés par le virus.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Depuis plusieurs semaines, jour après jour, nous suivons la progression du coronavirus avec sa propagation de par le monde, les mesures de mise en quarantaine de villes ou régions, de fermetures des frontières…Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’aurait pas encore atteint l’Afrique sub-saharienne. La survenance d’une telle perspective peut légitimement inquiéter compte tenu de l’état des systèmes médicaux et hospitaliers au-delà du Maghreb.

Nous commençons à avoir les effets économiques de cette crise sanitaire.

Tout d’abord, il ne faut pas hésiter à dire que cette situation est un des effets collatéraux inéluctables du modèle économique chinois. Depuis trente ans, nous avons beaucoup accepté des Chinois pour leur vendre nos productions, voire nos technologies… dumping social, dumping environnemental et dumping monétaire… Ne fermons plus les yeux. Les « trente glorieuses chinoises » s’appuient sur un modèle économique peu soucieux de l’environnement et acceptant pollutions, déchets tant liquides que solides…Aussi, ne nous étonnons pas de l’apparition d’épidémies plus ou moins fortes comme le SRAS ou le Coronavirus…Victimes collatérales, pouvons-nous rester silencieux ?

Les conséquences économiques commencent à apparaître, même s’il est encore prématuré d’en percevoir l’amplitude.

Avec la fermeture d’usines en Chine, le Monde a découvert notre degré de dépendance vis-à-vis de l’Empire du milieu. Nous pourrions manquer de médicaments, l’industrie automobile de pièces détachées…La désorganisation des flux logistiques, et parfois l’impossibilité de fournir crée une crise de l’offre.

Parallèlement, la chute de la demande accompagne automatiquement les fermetures de lieux publics ou suppressions de manifestation, la diminution des mouvements des consommateurs potentiels

Á plus ou moins brève échéance, de nombreuses entreprises vont connaître des difficultés de trésorerie, voire vont être obligées de fermer leurs portes. Des licenciements sont d’ores et déjà annoncés dans des secteurs comme les transports aériens. Après certains pans du secteur productif, la sphère bancaire et financière va immanquablement être touchée. Apparaît le spectre de la stagnation, peut-être de la récession si l’épidémie n’est pas rapidement endiguée. Les marchés boursiers ne cessent de dévisser, et ont perdu près de 15 % depuis le début de l’année ; corrélativement, l’or flambe en franchissant un nouveau sommet à plus de 1 650 $ l’once, et le pétrole est en repli en deçà des 50 $ le baril. Des milliards de dollars de plus-values potentielles se sont envolés, toute diminution de la capitalisation boursière, à plus forte raison d’une telle ampleur, crée des anticipations négatives. Tout est en place pour que le cercle négatif de la crise s’auto alimente…

Le 4 février dernier, j’écrivais : « Les économistes ont déjà estimé que la croissance baisserait de 0,5 à 1,2 %, mais ces premières estimations paraissent en deçà de la réalité, ne serait-ce que parce que l’épidémie de SRAS de 2003 avait entraîné une baisse de 2 % du PIB chinois. Il faudrait actualiser l’estimation faite par la Banque mondiale en 2008 selon laquelle une épidémie grave pourrait amputer jusqu’à 5 % du PIB mondial. » Nous serions d’ores et déjà à 2 % du PIB mondial.

Premier pays européen à être durement touché, l’Italie pourrait voir son PIB réduire de 1 à 3 % au premier semestre 2020 ; près de 4 Md€ ont été débloqués pour aider les entreprises, et éviter que les banques, déjà considérées comme fragiles, ne soient durablement affectées. Nous avons un nouvel exemple de l’absence de réactivité collective des Européens.

Nombreux sont les responsables qui demandent une intervention des Banques centrales. La Banque centrale européenne (BCE) a, en termes de taux d’intérêt des marges de manœuvre moins importantes que celle de la FED américaine. Cette situation permet de mesurer que l’absence de sortie des politiques d’assouplissement monétaire atténue les marges de manœuvre, et complique la gestion d’une grave imprévue. La FED et la BCE auraient été en meilleure position si elles avaient respectivement poursuivi et amorcé l’atterrissage du « quantitative easing ».

Néanmoins, des mesures, tant en termes de taux que de liquidités, seront, très prochainement prises. Si elles sont indispensables pour assurer la liquidité des banques et assurances, seront-elles suffisantes pour endiguer une crise systémique ?

Á plus ou moins brève échéance, c’est l’organisation de la production et des flux qui va probablement être repensée. Va-t-on vers la fin de la politique du « zéro stock » ? Les entreprises européennes vont-elles organiser des relocalisations sur leurs bases nationales ou sur des pays plus proches que ceux asiatiques ? Elles arbitreront entre la réduction du risque de non approvisionnement et le coût entraîné par le recours à une main d’œuvre plus chère.

Le coronavirus va-t-il être plus efficace que toutes les manifestations d’alter mondialistes pour détricoter la globalisation de notre monde ? Les partisans du repli sur soi et de l’érection de barrières et frontières y voient une opportunité de « démondialisation ».

Il est fort probable que toutes les entreprises implantées de par le monde revisiteront leurs stratégies. Néanmoins les réorientations sont lentes et qu’elles sont tributaires du coût.

Allons-nous assister à un regain de l’inflation ? Les ruptures d’approvisionnement y contribueront, tout comme, à moyen terme, les perspectives de relocalisation ; le mouvement sera contrarié par l’atonie de la demande, et la faiblesse des prix des matières premières, pétrole en tête.

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