Le califat islamique aurait essayé de transformer le virus de la peste bubonique en arme : le point sur les menaces bio-terroristes<!-- --> | Atlantico.fr
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Yersinia pestis, bactérie causant le virus de la peste.
Yersinia pestis, bactérie causant le virus de la peste.
©wikipédia

Pas très bio tout ça

Un ordinateur portable, probablement appartenant à des membres de l'Etat islamique, a été retrouvé par deux journalistes américains. A l'intérieur, un document de 19 pages contenant des méthodes de réintroduction de la peste bubonique.

Olivier Lepick

Olivier Lepick

Olivier Lepick est docteur en Histoire et Politiques Internationales de l’Institut des Hautes Etudes Internationales de Genève (Université de Genève). Il est chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique (Paris) et consacre ses travaux à la question des armes chimiques et biologiques.

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Atlantico : Deux journalistes américains ont retrouvé dans un ordinateur portable appartenant à l'Etat islamique un document de 19 pages sur les méthodes pour réintroduire et utiliser en arme de guerre la peste bubonique. Cette trouvaille relance le débat du bioterrorisme. Quels sont actuellement les risques que pose le bioterrorisme ? 

Olivier Lepick : On sait depuis un certain nombre d’événements qui se sont produits au cours de ces vingt dernières années que les risques posés par le bioterrorisme sont réels. Je pense notamment à la secte Aum au Japon qui a tenté par deux fois dans les années 1990 d’utiliser des armes biologiques. Il y a d’abord eu une tentative avec le virus Ebola, puis avec de l’anthrax, avant finalement de se tourner vers des armes chimiques, beaucoup plus simple d’utilisation.

Puis au fil de l’essor du terrorisme fondamentaliste islamiste, on a pu observer un certain nombre de faits, ou du moins de l’intérêt de la part de ces mouvements terroristes pour ce type d’armes. Pendant longtemps, on a d’ailleurs cru que les lettres contenant des spores de la maladie du charbon en 2011 aux Etats-Unis étaient le fait de mouvements terroristes salafistes, bien que ce ne fût pas le cas.

Mais on sait néanmoins depuis plusieurs années que les terroristes djihadistes s’intéressent aux armes biologiques car ils pensent avoir trouvé dans ces agents pathogènes, des agents susceptibles de leur faire accéder à la destruction massive et à un retentissement international très important.

Ceci étant dit, il y a loin de la coupe aux lèvres. De nombreux signes d’intérêt se manifestent de la part d’Al-Qaïda et de mouvements annexes, mais la concrétisation opérationnelle de ces projets est très complexe aujourd’hui, et ce, même si on a retrouvé 19 pages sur le sujet venant de l’Etat islamique. Il s’agit a priori de la littérature grand public rudimentaire, voire primaire. Et il faudrait des compétences bien éloignées de ce qu’y est dit dans ce document pour perpétrer un attentat chimique.

Quelles évolutions ce secteur a-t-il connu ces dernières années ? Cette arme est-elle devenue plus accessible ? 

Cette arme devient en effet plus accessible chaque jour étant donné qu’un certain nombre de technologies réservées il y a une quarantaine d’années aux Etats sont aujourd’hui à portée de main d’entités terroristes. Mais on ne peut pas dire non plus que ces groupes terroristes sont en mesure de les fabriquer pour autant, ou du moins les preuves nous manquent. Ce qui est sûr cependant, c’est qu’il y a un intérêt constant de la part de ces mouvements pour ces armes et la destruction massive en général.

Combien cela coûte et quels sont les moyens nécessaires au bioterrorisme ? 

Les moyens sont surtout techniques et scientifiques. Il faut être capable de trouver des scientifiques maîtrisant toute la chaîne de fabrication d’une arme biologique, de l’agent pathogène – à savoir une bactérie, une toxine, un virus ou encore un champignon – à sa dissémination via l’explosion, la pulvérisation ou la dispersion. Concernant le processus précis, il est propre à chaque agent. Cela nécessite donc d’autant plus des compétences spécialisées. Concernant le coût, ce type d’armes reste tout de même plus accessible d’un point de vue matériel que les armes chimiques.

Qui aurait aujourd'hui les moyens d'utiliser le bioterrorisme ? Est-ce à la portée de l'Etat islamique ?  

Il est fort peu probable que l’Etat islamique soit en mesure de fournir de telles armes et de lancer un attentat biologique avec un retentissement important. Il est possible qu’ils essaient de le faire de manière rudimentaire mais probablement avec des effets mineures. En revanche, comme on a pu le voir en Syrie, il est tout a fait possible que l’EI utilise des agents toxiques industriels, tel que le chlore, dans le but de commettre un attentat chimique. Les moyens et les compétences sont en effet infiniment moins complexes.

Si une arme biologique venait à être constituée par l’EI, qui seraient alors les victimes potentielles ? Quel pourrait en être le nombre ? 

Répondre à cette question est très compliquée car cela dépend de l’agent utilisé, de sa qualité et de l’efficacité opérationnelle du mécanisme de dispersion. Il peut autant ne pas y avoir de victimes du tout que des dizaines ou des centaines de milliers de victimes.

N'y a-t-il pas dans ce type d'armes autant de risques pour les utilisateurs que pour les victimes ?

Il y a bien entendu un risque. On ne manipule pas des substances aussi dangereuses sans prendre de risques personnels. D’autant plus si leur manipulation se fait dans des conditions hasardeuses, bien loin des niveaux de sécurité que nous avons dans les pays occidentaux.

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