Le Brexit : un ébranlement mondial<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Le Brexit : un ébranlement mondial
©Reuters

Avenir de l'UE

L’incidence d’un Brexit déborde largement le cadre des îles britanniques. Pour éviter le risque de décrochage des populations et assurer la survie de l'Union européenne, les chefs d’Etat des 27 membres continentaux doivent acter l'impossibilité d'une Europe fédérale et introduire l'idée d'une Europe confédérale.

Pierre Haas

Pierre Haas

Pierre Haas, après avoir servi comme officier dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle, a fait carrière de 1950 à 1965 comme directeur général de Continental Grain France, puis à partir de 1963 à la Banque Paribas comme directeur des affaires financières internationales, puis président de Paribas International.

Il a été membre de nombreux conseils d’administration parmi lesquels on citera : Schneider S.A., Newmont Gold à Denver, Power Corporation du Canada et Power Financial.

Voir la bio »

Les épisodes précédents de cette chronique du Brexit, l’acronyme encapsulant la définition de son objet : un éventuel Exit des Britanniques de l’Union européenne (UE), avaient traité du schisme créé, au sein du gouvernement conservateur de David Cameron et de sa majorité parlementaire, par la nécessité de décider d’une question existentielle pour l’avenir du Royaume-Uni.

Cependant le lancement, le vendredi 15 avril, de la campagne officielle sur le référendum du 23 juin prochain ne pouvait comporter un timing plus malencontreux pour la défense du statu-quo, par son leader, le Premier ministre.

Déjà affaibli par les luttes intestines, David Cameron voit sa faiblesse accrue par la publication de la liste du nom des détenteurs de comptes dans les paradis fiscaux des Caraïbes et en particulier au Panama.

Liste qui a fait apparaitre l’omission du compte de feu son père, dans ce paradis, dans sa déclaration de patrimoine lors de sa prise de fonction.

On imagine le tintamarre déclenché dans les médias par cette découverte. David Cameron, malgré sa réticence, s’est vu dans l’obligation de dévoiler ses déclarations fiscales pour prouver qu’il était en règle avec le fisc. 

Le constat que cela n’avait pas suffit pour calmer le jeu a permis à Nigel Farage, le leader de l’UKIP, le parti populiste, d’exploiter cette situation pour créer un climat amplifiant un désenchantement favorable à un Brexit.

Dans cette ambiance, l’intervention musclée du Président Obama, en visite officielle à Londres, a transformé la campagne en cours en drame shakespearien.

Pour M. Obama, l’influence mondiale, la force économique, la puissance du Royaume-Uni se trouvent rehaussées par sa participation à l’UE qu’elle contribue à stabiliser en diminuant sa fragilité.

S’agissant des sacrifices de souveraineté comportés par cette adhésion, ils seraient selon lui comparables à ceux déjà consentis par l’acceptation des décisions du Conseil de sécurité, celles du G7 et G20 ou encore de l'OTAN.

Présentation contestable dès lors qu’elle est éloignée de ce que représente aux yeux des députés aux Communes la mise en cause de leur pouvoir de légiférer comme ils l’entendent par des lois émanant de Bruxelles. 

Observation aggravée par une déclaration que le Président a, par la suite, regrettée, selon laquelle la Grande-Bretagne serait la dernière dans la queue pour renégocier des accords commerciaux avec les Etats-Unis, dans l’hypothèse de sa sortie de l’Europe.

L’intervention du président américain, comme on pouvait s’y attendre, a été bien reçue chez les partisans du statu-quo et a provoqué la colère de leurs opposants. Autrement dit le coefficient d’incertitude sur l’issue finale n’a en rien diminué.

Comment pouvait-il en aller autrement. On savait, d’une part que toute intervention extérieure hérisserait l’amour propre des électeurs britanniques. D’autre part, Bruxelles ne communiquant jamais, ces derniers ignorent l’apport à leur niveau de vie de l’appartenance à la plus importante plate-forme mondiale de commerce internationale.

La tentative tardive du Trésor britannique de remédier à cette carence en éditant un livret bourré de chiffres et de statistiques indigestes n’y changera rien.

Le problème étant politique la réponse ne peut être que de même nature.

Elle aura pour socle le tropisme insulaire génétique des citoyens des îles britanniques, associé à leur appréciation des objectifs et méthodes de gestion de l’UE corrigée des accommodements obtenus par leur Premier ministre. 

A cet égard, si la plupart des dirigeants des 27 pays continentaux membres de la Communauté européenne sont favorables au maintien du Royaume-Uni dans l’Europe, chez les nôtres un bémol existe reflétant le déni de la réalité par nos décideurs politiques.

Bémol consistant à offrir une vision de l’avenir de l’Europe identique à celle des origines, c’est-à-dire promouvant la création d’une Europe fédérale. Cet objectif datant d’avant l’entrée du Royaume-Uni en 1973, sa sortie permettrait, selon ses protagonistes, de lui conserver son actualité.   

Curieusement cette façon de décider de l’avenir en s’appuyant sur la validité du passé correspond à celle des partisans du Brexit. Leur autonomie d’iliens ayant bien servi la grandeur de l’Empire britannique pendant des siècles. Pourquoi vouloir changer ?

Les premiers comme les seconds refusent de voir qu’ils vivent dans un monde en perpétuel changement du fait des progrès technologiques et des turbulences géopolitiques. La nécessité de s’adapter représente un impératif auquel aucune nation ne peut échapper.

En France, jusqu’à présent les élites n’ont jamais fourni une réponse à cette nécessité. Heureusement, un lanceur d’alerte vient d’apparaitre dont le cri d’alarme n’a, jusqu’à présent, suscité aucun écho dans la classe politique.

C’est l’ancien Ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, qui l’a poussé dans un entretien aux Echos des 15/16 Avril dernier, en disant : "Arrêtons de dire plus d’Europe tous les jours !".

Le moyen à ses yeux de sauver le projet européen consisterait, je cite : " à enrayer le risque de décrochage des populations". 

Pour l’éviter, ici ce n’est plus M. Védrine qui s’exprime, il convient de prendre en compte la résilience de l’idée de nation qui s’oppose à la mise en œuvre d’une Europe Fédérale.

Les chefs d’Etat des 27 membres continentaux doivent acter cette impossibilité. La reconnaitre est conforme à leur intérêt puisque cette admission priverait d’aliment la grogne populiste et son annonce constituerait un appoint utile au clan des "Remain".

Dans l’Union européenne, 70% des eurosceptiques sont favorables à la survivance d’une Europe ayant compris le besoin de réformes dont ils sont porteurs.

Satisfaire ce besoin impose au chef de l’Etat français de substituer à l’ambition fédéraliste celle de la création d’une Europe confédérale.

Un ralliement de notre Président à ce concept correspondrait à son intérêt électoral dès lors qu’annoncer une rupture révolutionnaire, vecteur d’un espoir d’avenir, lui permettrait de faire campagne sur un terrain où personne ne l’attend.

Malheureusement, en dehors du lanceur d’alerte, toutes les personnalités politiques et intellectuelles de haut niveau concentrent leur intérêt sur la seule question d’actualité, à leurs yeux, celle consistant à savoir si le Président Hollande a décidé de se représenter.

Dans ce cadre, aucune d’entre elles ne prend le temps de réfléchir sur l’avenir de l’Europe. Si on les interroge sur le sujet ils se contentent de citer les solutions catastrophiques, celles ne demandant aucun effort de réflexion.

C’est dommage, car il existe des concessions, moins révolutionnaires que celles de M. Védrine, dont la poursuite demeure indispensable, qui favoriseraient le statu-quo, si elles étaient portées à la connaissance des Britanniques.

La première venant à l’esprit, du fait de son côté pratique, concerne le principe de subsidiarité.

Obtenir de Bruxelles un usage plus libéral de ce principe et son adaptation aux traditions et différences culturelles nationales aurait une résonnance utile Outre-Manche.

Obtenir également que notre gouvernement reconsidère les allers et retours de Bruxelles à Strasbourg de l’Assemblée européenne, serait perçu comme une adaptation aux exigences économiques d’aujourd’hui.

Il en existe une autre, plus sérieuse mais dont l’exécution est exclue avant la présidentielle de mai 2017 : mettre, enfin, en œuvre les réformes structurelles qui doperaient le taux de croissance et réduiraient celui du chômage.

Le refus par la France de mesures conçues pour restituer son tonus à l’économie européenne, la laisse privée de crédibilité dans l’esprit des Allemands, qui eux-mêmes voient leur économie handicapée par la politique de création monétaire de la Banque centrale européenne qui, en portant à zéro pourcent et quelquefois moins les taux d’intérêt, met en péril la rentabilité de ses compagnies d’assurances. 

A ce handicap s’ajoute celui causé à la Chancelière par l’opposition suscitée par la générosité de sa politique d’immigration. Dans ce contexte la survenue d’un Brexit, signifiant le départ du Royaume-Uni, laisserait l’Allemagne, isolée, son duo avec la France ayant perdu toute consistance.

Duo qui, on le rappellera, est à l’origine de l’Union européenne et depuis son principal soutien.

Sans que l’Allemagne y soit pour rien, la perception, par les 26 autres membres de la Communauté européenne, d’une modification de la configuration des forces en présence sur le terrain, conduirait à leur fragmentation et inévitablement à la désagrégation de l’UE.

Que l’on en juge la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, peut-être rejoint après le second tour de sa présidentielle, par l’Autriche font déjà bande à part en prônant des mesures liberticides. Le Danemark ne semble plus attaché à l’Europe telle qu’elle fonctionne. Le constat de la divergence des Allemands et des Français ne pourrait qu’inciter d’autres pays à reconsidérer leur adhésion.

Cette énumération prouve que l’incidence d’un Brexit déborde largement le cadre des îles britanniques. La survie de la Communauté européenne devenant subordonnée à l’annonce, dans l’urgence, par les responsables politiques des membres restants qu’ils préparent un nouveau Traité créant une Europe confédérale.

Les chances de voir cette idée poursuivre son chemin sont nulles puisqu’elle n’a jamais, auparavant, été évoquée par quiconque.

En revanche le discours, d’une rare élévation, prononcé par le Président Obama, pendant son séjour à Londres, souligne que la relation spéciale entretenue par l’Amérique avec ses alliés britanniques, depuis la dernière guerre, perdrait son intérêt si l’issue du référendum était favorable au Brexit.

Cette observation nous conduit au cœur d’une stratégie américaine en totale contradiction avec celle découlant d’un statu-quo en Europe.

L’objectif prioritaire de la politique étrangère américaine est la mise en œuvre d’un pivot vers l’Asie Pacifique.

Pivot d’une importance capitale pour achever la construction d’un monde bipolaire ayant au centre comme leader et arbitre les Etats-Unis.

Pour les Américains le volet européen, celui qui existe déjà, volerait en éclat si le Royaume-Uni s’en retirait et devenait un cavalier solitaire, d’où l’intérêt qu’ils portent au statu-quo.

Les membres de l’UE ont comme stratégie d’en faire le second pôle politique et économique mondial d’un monde tripolaire, la Chine étant son troisième pilier.

Pour le moment il n’existe pas de clash entre ces deux stratégies, le projet transpacifique étant encore dans les limbes, et l’opposition déterminée des Chinois ne lui offre pas de grandes chances de réussir.

En tant qu’Européen cette ambiguïté sur les objectifs stratégiques nous convient puisqu’elle confirme que le Royaume-Uni, après avoir perdu sa dimension impériale a bénéficié d’une diplomatie qui a fait de sa présence en Europe une impérieuse nécessité comme médiateur des forces conflictuelles menaçant son équilibre.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !