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Le 36 quai des Orfèvres : un mythe parfait... devenu le temple décrépit d'une police à l'agonie
©REUTERS/Christian Hartmann

Bonnes feuilles

Tel l'Empire romain, l'institution police va être détruite après avoir vu passer à sa tête bon nombre d'empereurs dont certains n'auraient pas mérité de porter le titre de César. Mais si l'empire a encore du mal à survivre, c'est bien sa garde prétorienne qui décline et qui ne peut fournir le service de qualité qui, pourtant, s'impose. Ave César ! Cette police qui va mourir te salue ! Extrait de "Police, grandeur et décadence" de Marc La Mola, aux Editions Michalon (1/2)

Marc La Mola

Marc La Mola

Marc La Mola a exercé pendant plus de vingt-cinq ans au sein de la BAC de Marseille. Il vit à Marseille et se consacre aujourd'hui à l'écriture.

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Mythique, le 36 quai des Orfèvres !

Ils en ont presque fait un sanctuaire, ils l’ont érigé en siège des unités d’élite de la police parisienne! Comme si elle était plus respectable que celle de Lyon, de Marseille ou de Dunkerque… Comme s’il existait des infractions endémiques que seuls des enquêteurs chevronnés évoluant derrière ces vieilles pierres humides pouvaient résoudre ! Le 36 par-ci, le 36 par-là…

À les écouter ils y ont tous travaillé, ils y ont tous été affectés. Comment être flic sans être passé par le 36 ?

Aux yeux de certains journalistes il ne semble exister que ce lieu central où résideraient les meilleurs flics de France, voire du monde.

Faut-il être passé par là pour faire carrière ?

À Paris, rien ne se fait comme ailleurs, tout se fait beaucoup mieux que dans le reste de la province. Il existe même un prix du roman policier : le prix du 36 quai des Orfèvres !

Mais que cache-t-il pour être si prisé, qu’abrite-t-il pour être autant désiré ?

Des vieilles gabardines laissées par le cinéma des années 50 , des anarchistes interpellés dans les années 60, des artistes drogués des années 70, les bavures des années 80, des carrières faites et défaites dans les années 90 et enfin des saloperies dans les années 2000 !

Voilà ce que le 36 quai des Orfèvres abrite : Soixante années d’une police aujourd’hui à l’agonie.

J’évoquerai les dernières affaires impliquant des policiers du 36 dans le seul but d’étayer mon propos. Les affaires auxquelles je fais allusion sont en cours d’instruction, si abjectes et scandaleuses qu’aucun d’entre nous ne les a oubliées. Une affaire de vol de produits stupéfiants et un viol sur une touriste canadienne ne peuvent pas disparaître rapidement des mémoires des citoyens et les impacts qu’elles ont eus sur la réputation de la corporation vont laisser des traces pour de longues années.

J’aurais pu, à la manière d’un romancier, écrire une histoire courte sur cette jeune femme accompagnant les policiers d’un service prestigieux avec l’espoir de pénétrer dans l’antre du 36. J’aurais pu décrire avec minutie son sourire et même son émotion à suivre ces flics sur le lieu même de leur travail. Mais à quoi bon ? Si je m’étais laissé aller, j’aurais pu encore détailler comment, dans un bureau, ils se sont laissés aller à caresser, à embrasser avant de…

J’aurais pu décrire ce fonctionnaire de police s’introduisant dans la pièce qui renferme les scellés afin de s’emparer de quelques kilos de cocaïne, mais la bienséance m’interdit de le faire. Alors j’ai préféré écrire ce que je sais, ce que je regrette d’une police bien mal en point et à la réputation écornée.

J’ai vu cette police se transformer, à l’instar d’une société bien malade, je l’ai vue changer, se muer en une usine à gaz après avoir été une grande famille. Il y a bien longtemps que la famille a éclaté, il y a très longtemps que « le premier qui bande encule l’autre ! » selon l’expression usitée dans les commissariats. Je vous prie d’excuser ma vulgarité. Au 36, tout a changé aussi : les anciens sont partis et les nouveaux sont arrivés, avec leurs attitudes et leurs ambitions. Les anciens flics ne l’étaient pas devenus par hasard mais par vocation. Ce n’est plus toujours le cas et dans la police les vocations actuelles sont proches de celles qu’ont les jeunes à endosser la soutane ou plus simplement à respecter l’ordre, l’autorité ou la sagesse d’un aîné.

Je me suis toujours retenu de clamer haut et fort qu’avant c’était mieux mais si ce n’est pas le cas il faut malheureusement constater qu’actuellement ce n’est pas bien du tout. Alors comment expliquer sans justifier ces infractions de droit commun qualifiées pudiquement, par un ministre embarrassé, de « dérapages » ? Il faut aller chercher les réponses là où elles se trouvent, c’est-à-dire dans les rangs et dans le fonctionnement intrinsèque de l’institution.

Le 36 n’est la référence de rien, pas plus que l’évêché ou toute autre adresse abritant des services de police. Les flics sont malades d’une gestion hasardeuse obsédée par les ambitions personnelles et les gains substantiels résultant de primes au résultat, au mérite et à je ne sais quoi. J’ai hurlé ce que je sais dans ce domaine-là, je l’ai écrit sans atteindre qui que ce soit et sans faire vaciller quiconque de son piédestal. Forcément, si l’on sait qu’un directeur de cabinet d’un ministre de l’Intérieur s’octroyait des enveloppes mensuelles de plus de dix mille euros en numéraire (argent destiné aux flics de terrain), on peut mesurer l’ampleur des métastases dans le frêle corps de cette dame qu’est la police.

Mais les arcanes de la police ne regorgent pas seulement de gens fourvoyés par l’ambition et l’appât du gain. Il existe aussi de nombreux flics perdus devant les bouleversements du métier tentant de faire face tant bien que mal, en résistant à l’intronisation d’un système pervers dénaturant une magnifique et honorable fonction. Ils sont rares et en voie de disparition. 

Extrait de "Police, grandeur et décadence" de Marc La Mola, aux Editions Michalon

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