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LBO : "Le rachat à crédit d’entreprises doit être moralisé,
mais pas verrouillé"
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Rose et noir

En visite dans une usine de chariots élévateurs menacée de fermeture suite à un LBO, François Hollande a annoncé sa volonté de réserver cette procédure "aux salariés et cadres d'une entreprise". Une idée très contraignante, alors que nombre de PME peinent à trouver un repreneur.

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad est président de la commission financement des entreprises de la CGPME. Il est également président du think-tank Etienne Marcel et assureur.

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Atlantico : François Hollande a déclaré, lors d’un déplacement dans une usine menacée de fermeture suite à un rachat, qu’il souhaitait réformer le LBO (leverage buyout). Cette technique permet aux entreprises d'en racheter une autre à crédit, en remboursant l’emprunt grâce aux bénéfices de l'entreprise rachetée. François Hollande résume en disant qu’à chaque fois, « un groupe financier vient, reprend pour une somme modique les capitaux d'une entreprise, et se rémunère » grâce aux bénéfices. Pour lui, les salariés sont « des victimes » de ce système. Cette analyse du candidat socialiste est-elle celle de la CGPME ?

Bernard Cohen-Hadad : Nous avons une vision plus mitigée de cette procédure. Ce qu’on voit des LBO aujourd’hui, c’est le mauvais côté de l’iceberg. Il y a eu un certain nombre d’abus, comme à l’usine Still que Hollande a visité, où ce processus a servi à vampiriser la richesse d’entreprises. Ces abus sont condamnables et doivent être condamnés.

Vampiriser une entreprise pour faire des profits et utiliser son savoir-faire et sa R&D de manière inélégante, sans avoir de considérations sociétales, n’est pas ce que nous voulons.

Néanmoins, il ne faut pas non plus négliger le côté positif de certains LBO, qui encouragent le financement des entreprises et l’emploi. Il y a beaucoup d’exemples de LBO réussis. Il faut faire attention à ne pas diaboliser. Nous encourageons une charte éthique du LBO, qui vise à promouvoir le développement des entreprises, la R&D et les emplois de proximité. Rappelons que selon les chiffres de l’Afic, les effectifs des PME appartenant à un fond ont augmenté de 4,2% en moyenne en 2010, le double que dans l’ensemble des PME françaises.

François Hollande veut les réserver exclusivement aux salariés et aux cadres d'une entreprise. Est-ce une bonne solution ?

On ne doit pas généraliser les abus et réserver uniquement les LBO aux salariés, qui n’ont pas forcément envie d’investir. Il faut aussi encourager les entreprises et PME qui veulent investir dans d’autres PME, ce ne sont pas forcément des grands groupes ! Pourquoi se priver de cette richesse, d’entreprises locales qui peuvent avoir un intérêt au développement territorial ou régional ?

Le problème serait donc plutôt du côté de certains utilisateurs des LBO, comme les fonds de pension ?

Il faudrait pouvoir réglementer, contrôler et sanctionner ceux qui utilisent les LBO. Concrètement, il ne faut pas hésiter à limiter les déductions fiscales des entreprises qui ne respectent pas les règles. Il faut annuler les bénéfices dégagés, si l’entreprise ne respecte pas les règles prévues au départ, comme le maintien des emplois ou de l’entreprise en France.

Le LBO est couramment utilisé dans des cas de transmission de PME. François Hollande néglige-t-il la réalité de ce secteur ?

Oui, c’est surtout utilisé pour les transmissions. C’est un vrai enjeu car aujourd’hui beaucoup d’entreprises ne trouvent pas de repreneurs. Il faut donc encourager les entreprises à en reprendre d’autres. On ne doit pas attendre que les salariés le fassent, car ce n’est pas toujours leur volonté.

Je pense que François Hollande, compte tenu de la campagne, met le doigt sur un sujet important, mais sans prendre en compte la totalité des données. Oui, il faut moraliser et contrôler les LBO. Mais si on restreint uniquement aux salariés, on se prive d’un potentiel de repreneurs. S’ils le veulent, il faut encourager d’autres entreprises ou d’autres salariés à reprendre l’entreprise ! Lorsqu’il s’agit de sauver un savoir-faire, de maintenir de l’emploi et des entreprises sur le territoire, on ne peut se priver d’aucune piste. Il faut encadrer les pratiques, mais pas verrouiller le dispositif.

Le but d’un LBO est, en théorie, d’augmenter la valeur des entreprises rachetées. Les interdire, ne serait-pas pas nuire à la croissance ?

L’intérêt de l’entreprise doit venir en premier. Un LBO sert à renforcer ses fonds propres, sa capacité de se développer à l’international, sa capacité d’embaucher, de répondre à ses engagements financiers. Un investisseur veut que son entreprise vive, se développe, afin qu’il puisse récupérer son investissement. Car sinon, plus personne n’aura intérêt à investir. Une entreprise exsangue ne vit pas et ne peut qu’être cannibalisée par une entreprise plus grosse, qui récupérera son savoir-faire avant de fermer le site.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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