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"Lazzi" : L’Homme est nu… l’époque est révolue. Un vrai sujet
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De : Fabrice Melquiot Mise en scène : Fabrice Melquiot Avec : Philippe Torreton et Vincent Garanger

Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

Avant, c’était l’homme, la femme, l’amour…

Avant, c’était la passion commune… pour le cinéma, les créateurs, la vie toute simple.

Avant c’était le petit commerce, le partage, la proximité, la bienveillance.

Avant c’était la vie en rêve. Mais tout a une fin et il va bien falloir se reconstruire.

Le dernier vidéoclub du monde vient de fermer, au grand désespoir de ses deux animateurs, Vincent et Philippe (Garanger et Torreton  dans la vraie vie), qui font leurs valises (ou plutôt leurs paquets avec force sacs poubelles) dans une atmosphère lugubre. Pas un client, pas un bruit,  les cassettes invendues qui jonchent le sol. Les deux amis commencent à s’envoyer des fleurs : « Tu es sinistre, toi aussi tu es lugubre… » :  un climat de fin du monde.

D’ailleurs au-dessus de la scène plane un énorme astéroïde, qui va descendre insensiblement. Au fil des échanges on comprend qu’outre la disparition du petit commerce et de ce qui va avec, l’image de la femme disparue réunit et traumatise les deux protagonistes, l’un étant divorcé, l’autre veuf. Ambiance. Heureusement, un mince rayon de soleil filtre par instants. On évoque passionnément Godard, Orson Welles, Coppola,  Paris-TexasMulholand DriveLa Grande Illusion et d’autres monstres sacrés et chefs d’œuvres du cinéma.

Soudain survient une idée providentielle et contemporaine : portés par leur amitié indestructible, nos deux complices, véritables écorchés vifs, croient trouver leur salut dans le retour à la nature : on va bêcher, planter, regarder pousser les arbres,  prendre peur devant l’eau qui monte et qui rouille ! Mais bientôt, on frôle le drame, les animaux pourraient- ils avoir raison de l’homme ?  Le cauchemar va céder devant la forte amitié des deux hommes, aux frontières de l’amour, puisque, comme l’avoue Philippe «  [les femmes]  on les a laissées partir. Elles sont parties ». Et maintenant l’homme-roi est nu (tableau final) !

POINTS FORTS

Une leçon de cinéma qui réveille notre appétit pour le septième art et stimule notre imaginaire.

Une démarche métaphorique très actuelle : par exemple, dans la dernière partie, les moutons vengeurs qu’il va falloir sacrifier sur une sorte d’autel écologiste. Ou encore l’allusion au « plan Hamelin », le plan qui réunit tout - un cadre, une lumière, un mouvement -  (en référence à l’horrible légende  du joueur de flûte cher aux frères Grimm).

Le tableau final : une métaphore (de plus) laissée à l’interprétation de chacun ou les deux hommes dans le plus simple appareil nous mènent peut être sur le chemin du Genre.

Le jeu contrasté des protagonistes, excellents tous les deux, chacun dans un registre différent :  l’un plutôt ronchon et bourru (Philippe Torreton est monumental !), l’autre exalté et “volcanique“ selon le mot de l’auteur ; les deux comédiens portent au paroxysme l’utopie d’un « monde en liquidation ». Ils  illustrent, ensemble, ce qui apparait ici comme le comble de l’amitié, alternant émotion, humour et tendresse.

QUELQUES RÉSERVES

On ne rentre pas immédiatement dans le débat tonitruant  qui s’instaure entre les deux protagonistes, pour une grande partie dans la pénombre. On s’ennuie parfois, un peu perdus sur la scène profonde et sépulcrale des Bouffes du Nord, d’autant que la diction n’est pas parfaite au début. Attention au placement (premier ou deuxième rang recommandés) !

ENCORE UN MOT...

Osmose entre les comédiens, faits l’un pour l’autre, entre le texte et les acteurs, il a été écrit pour eux et en pensant à eux (F. Melquiot), entre la pièce et la scène des Bouffes du Nord,  avec un décati sur mesure.

Une comédie aigre-douce agrémentée de quelques salves comiques bien envoyées (cf. le titre Lazzi = quolibets, moqueries, saillies).

UNE PHRASE

Vincent : «  C’est pas un bistrot ? C’est la Capitale Mondiale de la Solitude. Par ailleurs, mon lapin, Tchekhov a dit : “Un récit sans femmes c’est comme une machine sans vapeur.“       Eh oui, il a dit ça Tchekhov ! Un jour à Moscou. Pendant qu’il discutait avec je- sais-pas-qui dans un café de Moscou. Un théâtre, une datcha peu importe. Récit sans femmes égale machine sans vapeur. Elles sont où ? Hein ? Elle est où ? Au moins une, non ? »

L'AUTEUR

Fabrice Melquiot est un auteur prolifique et protéiforme, écrivain pour le théâtre, metteur en scène, performer, poète, chorégraphe à l’occasion. Il a une soixantaine de pièces à son actif et est très joué également à l’étranger. Plutôt que les citer toutes on mettra l’accent sur la très émouvante pièce inspirée de L’Éneide (« J’ai pris mon père sur les épaules ») avec justement Philippe Torreton (au Théâtre du Rond- Point, 2019/2020). 

Il a reçu de nombreuses distinctions,  dont le prix « Jeune théâtre de l’Académie Française ».

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