Laurence Trochu : « Nous n’avons jamais eu autant besoin du conservatisme face ce progressisme qui ne pense qu’à liquider l’héritage de la société française »<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurence Trochu, présidente du Mouvement conservateur.
Laurence Trochu, présidente du Mouvement conservateur.
©JOEL SAGET / AFP

Courant d'avenir

Le Mouvement conservateur organise ce dimanche près de Paris la « Journée du conservatisme ». Parmi les invités figurent plusieurs prétendants à la primaire de la droite, ainsi qu'Eric Zemmour, des intellectuels et essayistes. L'objectif : juger la vision pour la France des possibles prétendants à l'Elysée et montrer que le conservatisme n'est pas un courant du passé.

Laurence Trochu

Laurence Trochu

Laurence Trochu est présidente du Mouvement Conservateur.

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Atlantico : Le Mouvement conservateur que vous présidez organise ce dimanche près de Paris la « Journée du conservatisme ». Quel est son objectif ?

Laurence Trochu : Cette deuxième journée – la première ayant eu lieu en 2018 – fait se rencontrer des intellectuels, des essayistes, des responsables politiques, sur une approche conservatrice de l'engagement, autour du manifeste du conservatisme que nous avons publié en début d'année. Cela avec un enjeu politique, puisque nous sommes à quelques mois de l'élection présidentielle. Nous avons toujours considéré que l'engagement politique, c'est la réflexion et l'action. Ces tables-rondes seront donc la rencontre de ceux qui pensent et ceux qui agissent

La première table-ronde est intitulée « Recevoir la France en héritage et l'aimer ». Elle aborde l'amour de la France et la nécessité de sa défense face à ce qui, aujourd'hui, représente une menace : le multiculturalisme, la cancel culture, le wokisme, etc. Cette table ronde réunira le spécialiste du sujet, Olivier Vial, de l'Observatoire de la déconstruction, Valérie Boyer, sénatrice très engagée sur ce sujet là et Frédéric Rouvillois, l'auteur du Dictionnaire du conservatisme.

La deuxième table ronde, "Protéger la France et garantir sa souveraineté", couvrira des problématiques écologiques, industrielles, économiques mais aussi juridiques. L'idée est de montrer qu'il faut une cohérence : on ne peut pas parler de souveraineté juridique si on n'en a pas les moyens politiques et économiques. Le modérateur sera Jérémie Stubbs, qui en plus d'être directeur adjoint de la rédaction de Causeur, est le président des conservateurs de l'étranger à Paris. Il nous parlera, en tant que Britannique, de son expérience du Brexit et des raisons qui ont conduit la Grande-Bretagne à faire ce choix. On aura aussi un maire du Mouvement conservateur, le docteur Jacques Chabal, car je souhaite que ces journées ne soient pas celles du yaka-fokon, mais que des intervenants disent concrètement ce qui est réaliste et réalisable à l'échelle d'un territoire.

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La troisième table ronde, "Améliorer sans détruire : le défi des bioconservateurs", abordera l'écologie sous son angle intégral, c'est à dire sous ces trois aspects : la protection de la nature comme environnement ; la protection de la nature humaine et de l'espèce humaine, tiraillée entre l'anti-spécisme d'un côté et le transhumanisme de l'autre ; et la protection des paysages, et notamment de leur esthétique - ce que Finkielkraut appelle l'écologie poétique.

La dernière table ronde thématique s'intitule "Transmettre pour que la France demeure". Nous avons voulu des regards croisés de jeunes engagés en politique, mais pas seulement. Nous aurons ainsi Guilhem Carayon, le président des Jeunes LR ; son homologue chez nous, François La Selve, le président des jeunes conservateurs ; et Alice Cordier, présidente du collectif Némésis, qui propose un féminisme débarrassé de toutes les idéologies d'indifférenciation entre les sexes.

En plus de tous ces invités, plusieurs candidats à la primaire de la droite ont annoncé leur présence à cette journée : Valérie Pécresse, Eric Ciotti et Denis Payre. Eric Zemmour, possible candidat à la présidentielle, sera aussi présent. Avez-vous le sentiment que cette élection se jouera sur le clivage conservatisme/progressisme ?

Exactement. Quand nous avons débroussaillé, déminé, le champ politique en parlant de conservatisme il y a trois ans, on nous a pris pour des fous. On nous disait que ça ne correspondait pas à l'histoire française, que ça sentait la naphtaline. Pourquoi avoir fait ce choix-là en s'appuyant d'abord sur les travaux des intellectuels ? Parce qu'on sentait qu'en fait, le travail d'Emmanuel Macron est un travail de liquéfaction et de liquidation de la société, de ses repères, de son héritage, de tout ce qui fait la richesse de la culture française. Nous nous sommes dits que le clivage gauche/droite n'est plus efficace pour comprendre ce changement, car il peut y avoir des progressistes de droite et des progressistes de gauche.

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La réponse à ce progressisme qui détruit, qui prône le changement comme progrès, alors que ce n'est pas parce que c'est nouveau que c'est mieux, c'est le conservatisme. Le conservatisme n'est pas une idéologie, c'est plutôt un regard sur la société qui tient compte de cet enracinement et de cet attachement à l'héritage que nous recevons, en vue de l'améliorer - on n'est pas contre le progrès – et de le transmettre. Nous avons pris le contre-pied du progressisme d'En marche et nous avons obligé ceux qui sont dans différents partis à s'interroger pour savoir s'ils avaient, avec Emmanuel Macron, une différence de degrés ou de nature. La différence de degrés, c'est se dire : "ce que fait Emmanuel Macron c'est bien, cela va dans le bon sens, mais à la marge, je corrigerais ceci ou cela". Nous, à l'inverse, nous sommes Macron-incompatibles car la vision que nous avons de l'homme et de la société n'est absolument pas la sienne. Il a la vision d'un homme déraciné, en faveur d'une approche multiculturaliste, transhumaniste, qui refuse toutes les limites. Nous, nous considérons que les limites sont aussi des protections de la liberté.

Nous avons fait vraiment ce travail presque philosophique, anthropologique, et partant de ces grands principes que nous avons mis au plébiscite des conservateurs, lors d'une grande consultation avec 240.000 participations. Nous avons cherché ensuite à décliner cela en projet politique avec des mesures et des propositions concrètes. Nous n'avons pas voulu les établir comme une liste à la Prévert qui aurait la prétention d'être exhaustive, mais comme la définition de priorités. En 2022, la présidentielle se jouera sur des priorités. Elle ne se jouera pas sur un catalogue infini de mesures.

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En 2020, vous aviez organisé une grande consultation sur le conservatisme. Vous organisez désormais cette journée. Quelle est la suite de votre projet ? Comptez-vous potentiellement soutenir un candidat à la présidentielle, celui qui par exemple répondrait le mieux aux priorités que vous venez de présenter ?

Tout à fait. Nous ne sommes pas un think-tank. Si nous prenons le temps de la réflexion, c'est en vue de l'action. On ne peut pas faire l'impasse sur un engagement concret dans le cadre d'une présidentielle qui est, en France, l'élection maîtresse. Nous recevons les candidats, nous les auditionnons presque, en leur posant la question : "En quoi votre projet pour la France est-il conservateur ?". Nous verrons, en dix minutes, comment ils s'en sortent. Nous sommes aujourd'hui dans une phase d'observation qui nous amènera évidemment à prendre position dans le cadre de cette présidentielle.

Un point intéressant est que, contrairement à l'image qu'on pourrait avoir du conservatisme, votre panel d'invités est relativement divers et couvre des sensibilités différentes, ce qui montre que le conservatisme n'est pas un monolithe. Comment le définissez-vous ? Quel est le « socle commun » des conservateurs ?

Le premier élément, comme le disait le philosophe britannique Rogers Scruton, c'est que le conservatisme est une philosophie de l'attachement. Nous sommes aujourd'hui dans une période de crise économique, sanitaire, sociale, etc. Dans ce contexte se développe un instinct de conservation, car chacun est capable de voir ce à quoi il est attaché, ce qu'il a envie de conserver. La présidentielle, pour moi, ne se jouera pas sur ce qu'il faudrait inventer de nouveau, mais plutôt sur ce qu'il faut absolument préserver ou restaurer. C'est pour cela qu'à mon sens, c'est un conservatisme de combat. Ce conservatisme se construit autour de la nation, une nation qui est fière d'un héritage qu'elle peut affirmer et transmettre. Des thématiques comme celles de l'immigration ou de la culture sont donc des thématiques prioritaires. C'est tout l'enjeu civilisationnel du conservatisme. C'est vraiment là dessus que se fait l'union des conservateurs. La réunion de dimanche est celle qui réunit les conservateurs sur un socle commun.

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Le deuxième point, c'est que la priorité très claire qui émerge est celle de la protection de la nature. Aussi bien la nature comme environnement que la nature humaine et la dignité du vivant. On a vu que les lois de bioéthique font assez peu de cas du respect de l'espèce humaine : on accorde aujourd'hui plus d'importance aux bébés phoques qu'aux embryons humains. On veut montrer que, par définition, l'écologie est un sujet conservateur. On parle bien de préservation du patrimoine. Notre point de vue, c'est qu'il s'agit du patrimoine culturel, d'une part, mais aussi du patrimoine naturel, environnemental et humain.

Un troisième axe fort est la souveraineté, qui est la condition de notre liberté. C'est tout le rôle de l'Etat qui est interrogé ici. C'est le rôle de la France dans sa relation à l'Europe et l'Europe dans le grand bain de la mondialisation. Voilà les trois axes que l'on veut porter dans la campagne : civilisation et identité, protection de la nature et de l'espèce humaine, et protection de la souveraineté comme condition de la liberté. Ce sont les trois axes sur lesquels on attend les candidats pour évaluer leur regard conservateur. Le piège, c'est que les politiques saucissonnent la vie politique en disant "je suis patriote sur les sujets régaliens, libéral en économie, et conservateur sur les sujets de société". Mais le conservatisme n'est pas réductible aux sujets de société. Le conservatisme permet de tout embrasser.

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