La surchauffe de l’économie américaine pourrait-elle faire refaire flamber les prix de l’énergie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"Même si les stocks sont bas, il n’y a pas d’inquiétude sur l’essence car nous sommes à la fin de la « driving season », la période de l’année – l’été – où les automobilistes américains circulent beaucoup", affirme Jean-Pierre Favennec.
"Même si les stocks sont bas, il n’y a pas d’inquiétude sur l’essence car nous sommes à la fin de la « driving season », la période de l’année – l’été – où les automobilistes américains circulent beaucoup", affirme Jean-Pierre Favennec.
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Avertissement

Les stocks de diesel raffiné et de fuel domestique sont au plus bas outre-Atlantique depuis 1982.

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Atlantico : Les stocks américains de gazole terminent la saison d'automne à leur niveau saisonnier le plus bas depuis 1982. Comment expliquer cette situation ?

Jean-Pierre Favennec : L’économie américaine a fortement rebondi après la pandémie, entrainant une reprise soutenue de la consommation de produits pétroliers (en particulier essence, gazole et fuel de chauffage). Certes la guerre en Ukraine, les tensions avec la Chine, les événements du Moyen-Orient créent des incertitudes qui agissent sur l’activité aux Etats-Unis. Mais autre globalement la situation économique américaine reste très satisfaisante, et se traduit par une consommation soutenue de pétrole et de produits pétroliers. Ceci explique que les stocks de soient actuellement faibles.

Une explication à la faiblesse des stocks tient à un taux d’utilisation des raffineries américaines relativement bas, donc à une production d’essence, de gazole et des autres produits plus faible qu’à l’ordinaire.

Quelles peuvent en être les conséquences sur le marché de l’énergie, en cas d'hiver très froid notamment ?

On se souviendra que le produit pétrolier le plus demandé aux Etats-Unis est de très loin l’essence automobile car la plupart des véhicules individuels et les véhicules utilitaires de faible capacité utilisent ce produit. Seuls les camions de grande taille utilisent du gazole. Le gazole est également utilisé comme combustible de chauffage (fuel oil domestique en France). La demande d’essence aux Etats-Unis est proche de 500 millions de tonnes par an (à titre de comparaison elle est à peine de 10 millions de tonnes en France !) et celle de gazole de l’ordre de 200 millions de tonnes par an (30 millions de tonnes en France). 

Même si les stocks sont bas, il n’y a pas d’inquiétude sur l’essence car nous sommes à la fin de la « driving season », la période de l’année – l’été – où les automobilistes américains circulent beaucoup, pendant les vacances ou à l’occasion du Thanksgiving day par exemple. La faiblesse des stocks de gazole est plus inquiétante car elle intervient au début de l’hiver au moment où les besoins en chauffage augmentent.

Inflation, difficultés sur le marché de l’emploi … Une surchauffe de l’économie américaine pourrait-elle faire flamber les prix de l’énergie ?

Les Etats-Unis, dont la population correspond à moins de 5% de la population mondiale, consomment 20 % de la production pétrolière mondiale et la consommation d’essence américaine représente … 50 % de la consommation mondiale. 

Une surchauffe de l’économie américaine aurait certainement pour conséquence une augmentation de la consommation d’énergie et sans doute de produits pétroliers. Cette augmentation pourrait être limitée par des prix qui restent élevés pour les américains (le litre d’essence est vendu pour un euro ; ce qui ferait rêver les européens, mais qui reste cher par rapport aux prix d’il y a quelques années). Autre facteur qui pèsera sur la consommation : le développement de la voiture électrique qui limite la demande de carburants. On notera enfin que pour le chauffage, le gaz naturel est très utilisé et que la production de gaz naturel aux Etats-Unis a considérablement augmenté du fait du développement des gaz de schiste.

Les risques de hausse des prix sont-ils réels, notamment au regard de la situation internationale ?

Le prix du pétrole, très élevé en 2022 après l’invasion de l’Ukraine par la Russie a diminué jusque dans les premiers mois de 2023. L’Arabie saoudite et la Russie, de loin les plus importants producteurs de pétrole hors Etats-Unis, et qui pilotent le groupe OPEP+ qui réunit 23 très importants exportateurs de pétrole, ont décidé à partir de mars de réduire leur production pour faire remonter les prix.

Ces réductions ont fini par produire leurs effets à l’été et le prix du pétrole a alors dépassé 90 dollars par baril. Récemment le prix est à nouveau parti à la baisse car la croissance chinoise était prévue faible alors que la Chine est désormais, et de très loin le principal importateur de pétrole.

Les prévisions de consommation de pétrole restent très aléatoires. Certains scénarios tablent sur une croissance dans les prochaines années, d’autres prévoient une décroissance rapide après 2030.

Si l’on ne peut pas exclure que le prix du pétrole se rapproche des 100 dollars, il est peu probable qu’un tel niveau de prix soit dépassé. La concurrence des véhicules électriques pèsera sur la demande des produits pétroliers. En outre, il n’est pas dans l’intérêt des pays producteurs que le prix augmente trop car cela accélèrerait le développement des énergies renouvelables et affaiblirait la demande de pétrole. Beaucoup d’experts considèrent qu’un prix de l’ordre de 80 dollars est l’objectif de l’Arabie saoudite et ce pays est dominant sur les marchés pétroliers.

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