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Israël Bahreïn accords de normalisation
Israël Bahreïn accords de normalisation
©MENAHEM KAHANA / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

A l'occasion des accords de normalisation entre Israël, le Bahreïn et les Emirats arabes unis, Dov Zerah revient cette semaine sur les spécificités du Bahreïn.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Il y a deux semaines, j’ai présenté certains aspects des deux accords de normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis (EAU) d’une part, et Israël et Bahreïn, d’autre part. Il m’a paru utile d’en savoir un peu plus sur ces deux États. La semaine dernière, ma chronique a porté sur les EAU. Cette semaine, il est question de Bahreïn.

La singularité de l’accord entre Bahreïn et Israël tient au fait que 65 % de la population bahreïnie est chiite. La peur de l’Iran peut-elle expliciter cette signature ? Sa proximité avec l’Arabie saoudite suffit-elle à mettre le pays dans le camp sunnite ? …

Monarchie constitutionnelle, le Royaume de Bahreïn est un archipel de 33 îles ; la principale est celle de Bahreïn signifiant « les deux mers », reliée à l’Arabie saoudite par « la chaussée du Roi Fahd », un ancien Roi du très grand voisin. En plus de l’Arabie saoudite, ses voisins sont :

  • Á deux cents km au nord, l’Iran.
  • Le Qatar dont la péninsule est séparée de Bahreïn par le golfe de même nom. Manama l’a occupé pendant un siècle de 1766 à 1867.

Avec une superficie de 765 km², Bahreïn abrite un peu plus d’un million sept cent mille personnes aux deux tiers masculines. Ce pourcentage important d’hommes tient à la présence d’immigrés pour plus de 55 % de la population.

En 628, Bahreïn est un des premiers pays à embrasser la foi musulmane. Dès l’origine, Bahreïn est chiite et devient vite un important centre d’enseignement religieux et de développement de la doctrine chiite. Ce n’est donc pas l’occupation perse durant les XVIème et XVIIème siècles qui en a fait un pays chiite ; bien au contraire, durant cette occupation les ulémas bahreïnis vont propager la foi chiite en Perse. Il convient de relever que c’est une tribu sunnite venue du centre de l’Arabie, la famille Al KHALIFA qui met fin à cette occupation en 1783, avec à sa tête Ahmed Ibn Muhammad Ibn KHALIFA. Cela n’a pas supprimé la prétention perse, aujourd’hui iranienne, sur l’Île, et la relation entre les deux voisins est, pour le moins, compliquée.

En fait, la position de Bahreïn dans le Golfe persique en fait automatiquement un objet de convoitises. Cette situation, mais également les rivalités entre tribus voisines expliquent les nombreuses évolutions géopolitiques en deux mille ans. Les envahisseurs ont été nombreux, Parthes, Sassanides, Ottomans, Portugais, Perses, et enfin Britanniques qui se retirent en 1971.

L’histoire de Bahreïn le conduit à chercher un protecteur. Il y a les Américains qui ont notamment installé le commandement de leur Vème flotte à Manama, l’Arabie saoudite, et maintenant Israël. Au-delà de ce souci de protection, l’accord s’inscrit, comme pour les EAU, dans la démarche de modernisation du pays et constitue la manifestation de la volonté d’être associé à la « start up nation ».

Même si le pétrole a été découvert en 1932, il a fallu attendre la fin du XXème pour voir le pays s’engager dans une diversification de ses activités économiques. Á l’image des Émirats arabes unis (EAU), d’Abu Dabi et de Dubaï, Bahreïn a développé les centres financiers (Bahreïn World Trade Center, Bahreïn Financial Harbour…), le tourisme de luxe…

Parallèlement, les autorités ont favorisé la reconnaissance et l’inscription de certains sites naturels ou historiques (le patrimoine perlier de l’archipel, le Qal’at al-Bahreïn, site de l'ancienne capitale de la civilisation antique de Dilmun, le patrimoine perlier de Bahreïn…) au patrimoine universel de l’humanité, promu le grand prix automobile de Bahreïn…

Malgré cette stratégie moderniste, voire avant-gardiste dans cette contrée, le pays a été marqué par le « printemps arabes ». Représentant deux-tiers de la population, les chiites et les couches défavorisées ont animé de grandes manifestations en 2011 ; avec l’aide du Conseil de coopération du Golfe et principalement de l’Arabie saoudite, elles ont été sévèrement réprimées et ont occasionné de nombreuses victimes. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les Iraniens n’ont pas cherché à protéger leurs frères chiites bahreïnis ou à saisir l’opportunité de la situation pour intervenir.

Le rapprochement avec Israël a été l’objet de nombreux signes avant-coureurs : échanges économiques informels, rencontres religieuses, déclarations de personnalités de la famille royale… et surtout l’hébergement en juin 2019 de la conférence sur le volet économique du « deal du siècle ». Le scepticisme avait accueilli cette réunion, les commentateurs avaient souligné le faible nombre de participants, et surtout l’absence des Palestiniens, les résultats plus que ténus…

Et pourtant, la suite des événements allait démontrer que nous étions au début d’un processus. En effet, sont ensuite intervenus l’annonce du plan TRUMP en présence de Benjamin NETANYAOU et des ambassadeurs des EAU et de Bahreïn, la signature des accords… Il convient de saluer que même un pays européen, en l’occurrence l’Allemagne monte dans le train lancé il y a seize mois à Manama ; Berlin accueille aujourd’hui les ministres des affaires étrangères d’Israël et des EAU pour avancer sur les différentes déclinaisons de la volonté commune de travailler ensemble. Cela dénote que cette paix ne sera pas froide et qu’elle va impliquer les sociétés civiles, à la différence de ce qui s’est passé avec l’Égypte et la Jordanie.

En conclusion, il est difficile de ne pas relever la coïncidence des dates. Il y a 47 ans, les armées égyptienne et syrienne attaquaient Israël par surprise le jour « du Yom Kippour », le jour « du Grand Pardon ». Autre temps, autre époque, même si cette dernière guerre entre l’Égypte et Israël allait ouvrir une ère de paix qui allait réussir à traverser les multiples soubresauts survenus au Proche Orient.

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