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La Russie ferme les robinets du gaz mais continue d’engranger des ressources financières considérables
©OLGA MALTSEVA / AFP

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Les grandes banques mondiales confirment que la Russie n’a jamais gagné autant d’argent. Moscou s’en réjouit mais ne dit pas que la Russie ne peut pas recycler ces ressources, d’où la dégradation de la situation économique et sociale

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L’argent gagné par la Russie en continuant de vendre très cher son gaz et son pétrole s’accumule chez Gazprom ou chez Rosneft, les deux plus gros acteurs du marché mondial de l’énergie russe, mais ces réserves en roubles se retrouvent stockées à la banque centrale, qui ne les recycle pas puisque la Russie ne peut pas acheter les produits et les services dont la population aurait besoin. D’où l’inflation interne et la dégradation de l’activité de plus de 8% depuis le début de l’année.

L’information est sortie dans le Wall street journal hier et venait de l’Institut de la Finance internationale. 

Les chiffres publiés sont impressionnants. Moscou aurait gagné 97 milliards de dollars grâce aux ventes de pétrole et de gaz entre janvier et juillet de cette année. « La Russie nage dans les liquidités » déclarait Elina Ribakova, économiste en chef adjointe à l’Institut de la finance internationale. Le mois dernier le pays a exporté 7,4 millions de barils de brut et de produits tels que le diesel et l’essence par jour, selon l’Agence internationale de l'énergie, soit une baisse de seulement environ 600 000 barils. 

Mais, en fait malgré les sanctions, les embargos et les fermetures de Moscou, si la Russie a perdu beaucoup de ses clients historiques en Europe, la hausse vertigineuse des prix ajoutée à la conquête de nouveaux débouchés a permis de compenser au-delà de ce qui était nécessaire les pertes sur les marchés historiques. 

Ce qui se passe est très simple : alors que la Russie ferme les robinets à destination de l’Europe les uns après les autres, Vladimir Poutine signe des accords de livraisons à tour de bras avec la Turquie, l’Inde ou la Chine. Ce qui est cocasse dans cette affaire, c’est que la Chine, l’inde et la Turquie achètent à bas prix le gaz et le pétrole russe, mais le revendent très cher au marché international. On va sans doute continuer de bruler du gaz et du pétrole d’origine russe sans le savoir. 

Le marché pétrolier mondial se retrouve donc dans une situation assez paradoxale avec une Russie qui ne semble pas souffrir des sanctions puisque ses ressources financières restent intactes, alors que l’Occident, et notamment l’Europe, encaisse très mal les hausses de prix de l’énergie, le monde entier est percuté par l’inflation, et surtout on risque très sérieusement des pénuries. 

A priori, Vladimir Poutine a réussi à mener sa guerre économique et c’est bien le message qu’il fait passer à Washington où on s’agace d’une telle situation.  « En gros, dit Poutine vous m’infligez des sanctions sur le commerce mondial, mais moi, j’ai l’arme du gaz dans les mains et je l’utilise pour ruiner les économies européennes ".

Pour les milieux financiers américains et les chancelleries en Europe, les ressources financières sont évidemment considérables mais Vladimir Poutine aura -t-il la possibilité de les utiliser ? Il va certes respecter les échéances financières afin d’éviter les mises en défaut de paiement. Donc il ménage l’avenir et préserve sa capacité d’emprunter sur les marchés. 

Mais au-delà, quoi faire d’un montant aussi insolent de réserves ? Plus de 600 milliards de dollars, dit-on aujourd’hui, alors qu’en 2015, au moment de la guerre en Crimée, Poutine avait moins de 300 milliards de dollars. 

Quoi faire d’un pactole, quand on est interdit bancaire dansle monde presque entier et qu’on ne peut plus importer quoi que ce soit, puisque les Occidentaux ont installé l’embargo et que le système bancaire international interdit toute transaction. 

Le problème est là. Normalement, l’économie russe a besoin d’acheter énormément de produits de grande consommation et de composants pour sa propre industrie. Toutes les grandes marques mondiales étaient installées sur le marché russe. Elles ont disparu. Toute l’industrie automobile tourne au ralenti parce que Renault ou Mercedes ne livrent plus ni moteur, ni boite de vitesse, ni composants digitaux. 

L’industrie aéronautique est à l’arrêt, le transport aérien s’arrête parce que ni Airbus, ni Boeing n’entretiennent les avions qui volaient dans le ciel russe. Seul les vieux Tupolev assurent désormais les liaisons. 

La Russie est en train de perdre ses industries de montage, ses ingénieurs et ses techniciens. D'où la hausse des prix dans les magasins, puisque les salaires et les retraites sont distribués mais les magasins ne sont pas approvisionnés. 

D’où la baisse d’activité et l’emploi, puisque les usines ne tournent plus. 

Vladimir Poutine a réussi à trouver des clients pour son gaz et son pétrole, mais il n’a pas de fournisseurs pour approvisionner ses lignes de production et ses consommateurs. 

Vladimir Poutine a même du mal désormais à entretenir son armée parce que les équipements militaires utilisent aussi des composants technologiques qui venaient d’Europe. 

La guerre économique engagée en marge de la guerre en Ukraine va donc se résumer en une course de vitesse entre une Europe qui doit s’adapter à la pénurie de gaz et un peuple de Russie qui doit supporter que les magasins soient vides.

Alors la Russie reste certes un pays très riche, mais à quoi sert cette richesse si elle est inutilisable. Dans ce cas-là, cette monnaie très abondante ressemble fort à de la monnaie de singe. 

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