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La roue rouge, le livre de Soljenitsyne sur la Russie pré-révolutionnaire qui nous en dit long sur la France d’aujourd’hui
©AFP

Russie, 1916

Dans un roman publié en 1972, Alexandre Soljénitsyne, célèbre prix nobel de la Paix et opposant à l'URSS décrit les prémices de la Révolution d'Octobre. "La Roue rouge" est une histoire toujours très instructive.

Chantal Delsol

Chantal Delsol

Chantal Delsol est journaliste, philosophe,  écrivain, et historienne des idées politiques.

 

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Atlantico : Un siècle après sa naissance, l'Institut de France et la Sorbonne consacrent un colloque, ces 18, 19 et 20 novembre à Alexandre Soljenitsyne. Quelles sont les leçons à tirer de l'oeuvre du dissident russe à propos de la France de 2018 ?

Chantal Delsol  : Oui, j’ajoute que nous venons d’inaugurer une exposition Soljenitsyne à la Mairie du 5°, qui durera un peu plus d’un mois, et où l’on peut voir l’itinéraire de l’écrivain à travers ses manuscrits. Il y a des leçons durables à tirer de l’œuvre de Soljenitsyne, parce que sa réflexion concerne l’homme de toujours, soumls à la finitude et à l’imperfection. Ce qui serait dans son œuvre le plus important à méditer aujourd’hui, parce que c’est ce dont nous manquons le plus, c’est le sens des limites. Nous sommes, en Occident et surtout en Europe occidentale, des sociétés de l’excès en toute chose. Nous sommes incapables de penser que l’accumulation des richesses ne peut être indéfinie, que la liberté doit trouver ses bornes. Si l’Europe va mal nous pensons forcément qu’il faut « plus d’Europe » parce que nous ne vivons que dans la pensée du plus-plus ; peut-être faut-il une Europe différente ou bien moins d’Europe ! Et il en va ainsi pour tout. L’application de la démocratie à tous les domaines (il faut par exemple que tout le monde ait des diplômes), produit une massification qui détruit le mérite et généralise la médiocrité : la démocratie aussi a ses limites, et il y a des raisons pour cela. Autrement dit, il ne suffit pas de crier « plus-plus ! » pour susciter une bonne société et permettre aux gens d’être heureux. Nous gagnerions à méditer ces analyses.   

Au delà de l'évident décalage, quelles sont les similarités à voir entre notre époque actuelle ce qui est décrit par Alexandre Soljenitsyne ?

Le totalitarisme est en voie de disparition, bien qu’il n’ait pas encore totalement disparu – n’oublions jamais que les Coréens du Nord connaissent aujourd’hui les mêmes goulags, les mêmes tortures, les mêmes misères que les soviétiques au temps de Soljenitsyne. Mais la démocratie libérale occidentale est celle même qu’il connaissait et qu’il décriait, sans doute encore plus excessive, encore plus démesurée dans ses désirs et prétentions (qu’aurait-il dit s’il avait connu les bébés qu’on achète sur catalogue, ou bien les incroyables écarts d’aujourd’hui entre les riches et les pauvres ? Ce qui est en train de changer (et il a contribué à ce changement), c’est la vision que nous avons de nous-mêmes. Nous sommes en train de comprendre que nous ne sommes pas le régime parfait, que toutes les sociétés devraient adopter quand elles sont enfin adultes et éduquées. Nous sommes en train de comprendre qu’il existe dans le monde toutes sortes de modèles de systèmes politiques, et que nous-mêmes souffrons aussi de défauts et de déficiences qu’il nous faudrait corriger au lieu de constamment faire sentencieusement la leçon aux autres. La sensibilité russe de Soljenitsyne a contribué à nous apprendre cela. Je dirais qu’il nous donne une leçon d’humilité. C’est probablement pourquoi il n’est ici pas très aimé. Nous nous aimons trop, nous nous admirons trop, pour accepter qu’on nous mette ainsi en garde…

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