La révolte de François-Xavier Bellamy face au duel Attal / Bardella montre que 2027 est tout sauf déjà joué (à condition que la droite sache renoncer à ses illusions…)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
François-Xavier Bellamy a marqué les esprits lors de sa participation au débat des européennes cette semaine sur France 2.
François-Xavier Bellamy a marqué les esprits lors de sa participation au débat des européennes cette semaine sur France 2.
©ALAIN JOCARD / AFP

Espoir pour la droite

En l’état, le clivage semble se résumer au camp du « ça ne peut pas continuer comme ça » à celui « attention à ce que ça ne soit pas pire ». Il y a pourtant bien plus de politique à réinjecter dans le débat public que ce que le nouveau monde macronien a voulu en retenir.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

Voir la bio »

Atlantico : Sur le plateau de France 2, François-Xavier Bellamy a récemment créé la surprise en refusant de commenter le débat Attal-Bardella, tenant notamment tête à Caroline Roux. Sa "révolte" a beaucoup été relayée sur les réseaux sociaux. Que faut-il retenir, selon vous, de cette séquence télévisuelle ? Peut-on légitimement penser, désormais, que la droite est en mesure de surprendre d’ici 2027 ?

Luc Rouban : Cette séquence, très courte, a constitué une surprise et sans doute le meilleur moment de l’émission. On a eu le sentiment d’un courant d’air frais dans une atmosphère pesante après un débat sans intérêt où s’était affrontés deux professionnels de la politique maîtrisant les techniques de communication mais n’ayant pas su insuffler cet esprit de rupture ou de décalage qui fait la force des grands débats historiques comme celui qui avait opposé François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing en 1974 pour le second tour de l’élection présidentielle. L’intervention de François-Xavier Bellamy a permis de jeter un regard distancié sur un débat qui en disait long sur la co-construction par certains médias de l’espace politique. C’est sans doute ici que se pose une question cruciale car ces médias ne sont plus dans la communication de faits vérifiés ni dans le commentaire ou l’analyse mais dans l’organisation même du champ politique comme si tout devait se réduire à un affrontement entre le RN et Renaissance et comme si, dans le fond, les élections européennes n’avaient guère d’importance car il fallait déjà anticiper le débat supposé de 2027. Il y a là une véritable interrogation déontologique. La réaction de la journaliste en dit d’ailleurs assez long sur l’autorité que certain(e)s s’octroient sur la définition du débat démocratique. La distanciation de François-Xavier Bellamy a montré qu’il y avait peut-être encore d’autres hypothèses d’avenir, LR à droite, le PS à gauche. On a eu le sentiment qu’on sortait de la séquence macroniste et que sa succession était clairement ouverte désormais. 

Comment la droite classique française (à l’intérieur ou à l’extérieur des seules frontières LR) peut-elle encore réinstaller un rapport de force en sa faveur d’ici 2027 ?

Pour réinstaller un nouveau rapport de force, il faut casser la logique dans laquelle on est enfermé depuis 2017 et qui ne peut déboucher que sur des affrontements de communication pour retrouver le sens des réalités. Les réalités sont constituées aujourd’hui de deux enjeux principaux : réarticuler le projet national avec le projet européen et sauver l’État du déclin. Ni Renaissance ni le RN n’offrent de solution pour articuler le projet national et le projet européen. Tout a d’ailleurs été clairement exposé lors du débat entre Jordan Bardella et Gabriel Attal. Le premier ignore le besoin de puissance dans le monde nouveau et replie tout sur la sphère nationale ; le second transfère le politique à Bruxelles et Strasbourg. Dans le premier cas, au mieux, on aura du Meloni, dans le second, la crise démocratique va perdurer au risque de violences sans fin. Il faut donc envisager un retour aux pratiques gaullistes : retour à la France arbitre des grands conflits internationaux et non pas vassale de l’OTAN, référendums pour donner la parole aux citoyens, courage politique de l’honnêteté qui reste le cœur du respect international, en écartant tous les personnages au passé un peu trop chargé, par exemple. Quant au déclin de l’État, il est urgent de définir une nouvelle politique de l’outre-mer, de la décentralisation, de l’action simple sans bureaucratie inutile, de l’immigration, de la haute fonction publique. Le chantier est immense, l’État est actuellement en ruines.

Historiquement, la droite a su s’imposer quand elle a fait l’union des sensibilités qui la composent, des souverainistes aux libéraux en passant par les conservateurs et les tenants d’une droite sociale. Qui, aujourd’hui, peut encore prétendre faire une telle union ? Autour de quelle ligne ?

François-Xavier Bellamy pourrait très bien prendre le leadership de cette union des droites, son intervention l’a clairement fait émerger comme leader potentiel ayant d’ailleurs eu l’élégance de parler aussi de Raphaël Glucksmann. Quant à la ligne, elle se déduit de ce que ni Renaissance ni le RN ne sont capables de proposer : l’efficacité. Le macronisme arrivé au pouvoir au nom de l’efficacité est toujours en train de courir derrière la dernière catastrophe, découvrant la misère du terrain après tout le monde. Son bilan sera accablant, de la disparition des services publics à l’explosion de la dette publique, des émeutes de juillet 2023 à la crise en Nouvelle-Calédonie. Le RN manque de savoir-faire et d’expertise, ses leaders sont mal conseillés et il n’a pas la maîtrise des dossiers, on le voit à chaque débat. Les deux camps censés verrouiller le débat politique ne sont pas ou plus très crédibles, les élections européennes ne doivent pas faire illusion. Mais cette ligne doit aussi prendre en considération les aspirations d’une majorité de Français : faciliter l’autonomie dans les carrières, par la création d’entreprises, mais laisser tomber le néolibéralisme à la Fillon qui a coûté si cher sur le plan électoral à la droite. 

Faut-il penser que l’union des droites doit nécessairement ressembler à celle régulièrement théorisée dans la presse (du RN à LR en passant à Reconquête) ou peut-on supposer qu’elle peut se faire sur une autre base, plus similaire à une alliance UDF-RPR ? Dans ce cas de figure, quid du centre Macron-Bayrouiste ?

L’histoire politique française nous apprend que le centre penche toujours à droite. La droitisation de l’opinion, au moins sur le terrain de l’immigration ou de la politique pénale, est indéniable. La décomposition de l’électorat macroniste favorise l’émergence d’une droite sociale qui pourra concurrencer celle que propose le RN. L’avenir n’est plus aux jeux d’appareils et aux petits arrangements d’arrière-salle de bistrot comme celle qui a vu se former l’alliance de François Bayrou et d’Emmanuel Macron alors que le premier ne cessait de dénigrer le second. Il faut un vrai projet politique qui parle directement aux électeurs et non pas le produit d’accords entre partis en qui les électeurs n’ont plus confiance.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !