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La réalité virtuelle bientôt implantée directement dans votre cerveau ?
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Science-fiction

En jouant avec le code neuronal, une équipe de neuroscientifiques américain nous fait rêver d'une simulation de réalité virtuelle depuis notre cerveau.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Une équipe de neuroscientifiques, dirigée par Nancy Kanwisher du MIT, étudie la zone dite fusiforme du visage, qui est spécialisée dans la reconnaissance faciale. L’équipe s’est alors posé la question suivante ; « en activant intentionnellement cette zone, que verrait
l'homme ? » Quel est l’intérêt de ces recherches ?

Laurent Alexandre : L'ensemble des recherches sur les interfaces cerveau-machine ont plusieurs intérêts, le premier est d'aider les paralysés à agir sur le milieu extérieur, par l'intermédiaire de bras robotisés, ou bien les aider à mieux marcher et à contrôler les exosquelettes. Le deuxième, c'est la capture des ondes cérébrales, à fin de mieux comprendre le fonctionnement cérébral, et faire des travaux en neurologie, pour pouvoir mieux analyser les corrélations entre l'activité électrique du cerveau et notre pensée. Derrière, nous avons d'autres utilisés : comprendre le cerveau pour mieux l'espionner. Par exemple, déterminer si quelqu'un est coupable ou non d'avoir commis un crime en analysant son contenu cérébral, ou de faire parler quelqu'un, notamment pour savoir si c'est un espion, etc. Ce sont des technologies qui peuvent être utilisées à terme pour faire mieux que les détecteurs de mensonge.

Nous avons d'autres utilisations plus futuristes, comme par exemple le fait d'injecter des souvenirs, ou de permettre aux individus non malades d'interragir avec le Métavers ou avec les ordinateurs. Neuralink par exemple, permet d'échanger des informations entre le cerveau humain et des dispositifs électroniques par l'intermédiaire de puces qu'Elon Musk développe dans sa société Neuralink. Dans l'autre sens, lorsque nous avons des dispositifs électroniques dans le cerveau, on peut injecter des faux-souvenirs ou de fausses expériences dans le cerveau. Ce dispositif comporte soit des dispositifs non-invasifs dans lesquels on analyse les ondes avec des casques sur le crâne, mais sans mettre de matériel électronique dans le cerveau. Soit des dispositifs plus ou moins invasifs, comme Neuralink qui en est un exemple.

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La simulation d’une réalité virtuelle dans notre esprit, tient-elle plutôt de la science-fiction ou du monde de demain ?

Si nous arrivons à comprendre le code neuronal, nous pourrons faire deux choses : lire dans le cerveau des gens et modifier leurs souvenirs et leurs expériences pour créer des hallucinations. Ces dernières peuvent être créées soit pour jouer, dans le cadre d'un jeu-vidéo ou d'une expérience ludique, soit elles peuvent être créées à des fins de manipulation (policière, espionnage, criminelle). Ces technologies peuvent être utilisées à plusieurs fins, qui peuvent être voulues par l'individu, comme dans l'exemple d'un jeu vidéo en réalité virtuelle, qui serait très réaliste. Mais ça peut aussi être la façon de faire croire à quelqu'un qu'il a commis un acte, à des fins politico-criminelles.

Disposons-nous actuellement de technologies capables de stimuler certaines aires très spécifiques du cerveau ? Comment marchent-elles ?

Oui, on commence à savoir comment stimuler le cerveau, notamment avec des ondes électromagnétiques, on espère que cela puisse augmenter la mémoire, et certains espèrent que l'on puisse l'utiliser dans l'Alzheimer, mais les résultats sont aujourd'hui très préliminaires, sans preuve que ce soit efficace. Dans les décennies qui viennent, nous arriverons probablement à le faire, et nous nous retrouverons avec des questions éthiques importantes. Dans le très vaste territoire de la neuro-éthique, qui est au moins aussi vaste que la bio-éthique. Qu'allons-nous lire dans le cerveau de quelqu'un ? Un Juge, a-t-il le droit de lire dans le cerveau de quelqu'un ? L'administration fiscale, a-t-elle le droit de lire dans le cerveau d'individus pour savoir s'ils ont

fraudé ou non ? A-t-on le droit de modifier la conscience de quelqu'un, que ce soit par des méthodes invasives ou non ? Peut-on utiliser ces technologies pour que des criminels le deviennent plus ? Peut-on traiter les malades psychiatriques grâce à ces technologies ?
Nous avons des milliers de questions éthiques qui se posent. Ces interfaces peuvent autant servir dans le sens cerveau vers machine que machine vers cerveau.

Pourrions-nous voir apparaître cette technologie dans nos sociétés ?

Utiliser ces interfaces pour commander les machines et éteindre la lumière par la pensée, on y arrivera très vite. Pour utiliser ces technologies pour se mouvoir dans le Métavers de Facebook, on y arrivera très vite aussi. Et d'ailleurs, Mark Zuckerberg a comme projet un casque, qui par l'analyse des ondes cérébrales permettrait d'interagir avec les ordinateurs. Ces technologies devraient être opérationnelles dans les trois à sept années qui viennent.

Après, il y a les technologies qui permettent de changer notre cerveau, c'est-à-dire de vivre des expériences, de transférer des informations des machines vers le cerveau. C'est Neuralink, c'est aussi le projet des micro-implants cérébraux, et ça pose des problèmes plus difficiles. Le risque de manipulation est énorme, et la technologie est encore un peu immature.

Quel est le problème que posent les implants cérébraux ?

Imaginez que les implants cérébraux abîment définitivement le cerveau au bout de cinq à sept ans, et qu'on l'a implanté sur des adolescents en 2040. Le scandale de l'amiante serait une minuscule péripétie à côté. On a le même problème que l'on a eu avec les prothèses de hanche. Quand nous en greffions, nous ne savions pas comment elles allaient se comporter, il a fallu des années pour savoir que nous pourrions avoir une prothèse de hanche et que ça n'aurait pas de conséquences pour l'organisme. Au début, nous ne pourrons pas connaître les conséquences des implants cérébraux, en dehors de leurs intérêts thérapeutiques ou ludiques. Il faudra des années pour savoir si ça a de mauvaises conséquences. C'est la raison pour laquelle Neuralink va commencer par traiter des malades neurologiques, par exemple.

Les neurotechnologies sont les technologies les plus importantes du XXIe siècle, et la régulation éthique et politique des technologiques du cerveau va occuper les juristes et les politiciens pendant de très nombreuses décennies.

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