La politique économique française est devenue tellement complexe et imprévisible que la baisse d'impôt annoncée par le gouvernement n'aura aucun impact positif (et c’est un keynésien qui le dit)<!-- --> | Atlantico.fr
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La politique économique française est de plus en plus complexe.
La politique économique française est de plus en plus complexe.
©Pixabay

Effort annihilé

Baisser les impôts pour enclencher une relance est une bonne chose sur le principe. A condition que les agents économiques aient confiance dans la politique menée. Chose qui est loin d'être le cas avec les annonces de François Hollande.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Sur son blog, l'économiste keynésien Simon Wren-Lewis s'inquiète de l'instabilité de la politique économique de François Hollande. En effet, les nombreux changements de cap empêchent la redistribution de se transformer en consommation, les agents ne croyant pas que les dispositifs de relance vont durer préférant épargner. De quel niveau de stabilité réel les politiques de redistribution d'inspiration keynésienne ont-elles besoin pour être efficaces ?  

Nicolas Goetzmann : Le fait d’être incapable de tracer une ligne claire n’est pas une nécessité que pour les keynésiens. Cela est vrai pour toutes les politiques. Il est bien sur possible de ne pas être d’accord avec les Keynésiens, de vouloir argumenter contre eux, mais il faut au moins reconnaitre qu’il s’agit d’une pensée. Ce qui est déjà un énorme avantage par rapport à ce qui est délivré par l’exécutif en France. Hausse des impôts, baisse des impôts, hausse des dépenses, baisse des dépenses, tout se succède sans aucune espèce de cohérence, sans aucune espèce d’attention par rapport aux effets, aux dégâts qui peuvent être causés. Au-delà d’une ligne économique, c’est le brouillard qui domine. Et lorsque l’on sait qu’une économie est guidée en priorité par les anticipations des acteurs économiques, on ne peut que constater l’évident désastre actuel. François Hollande se rend-il compte que la production industrielle s’est effondrée de 4,2% au mois de mai par rapport à l’année précédente ? Se rend il compte que le chômage ne cesse de progresser ? Se rend il compte que son action brouillonne est la cause même, non pas du déclin parce que l’euro joue le rôle moteur, mais de l’affaiblissement économique de la France relativement aux autre pays européens ? Apparemment non.

L'économiste se félicitait du choix français fait en 2012 d'augmenter les taxes pour réduire le déficit, indiquant que même cet effet positif allait être annihilé. Les réductions d'impôts de François Hollande vont-elles donc accroître le déficit sans impacter la consommation et la croissance ? Allons-nous n'avoir que les "effets négatifs" ? 

Simon Wren Lewis se base sur un constat qui en a surpris quelques-uns, mais qui est pourtant réel. Les hausses d’impôts ont un caractère récessif, cela est vrai, mais moins prononcé qu’une baisse des dépenses publiques. Cette situation nouvelle s’explique par la croissance 0, ou même la récession. Lorsqu’une économie est en croissance, les baisses de dépenses peuvent être totalement neutralisées, tout comme les baisses d’impôts peuvent servir de soutien au développement du potentiel d’un pays. Mais dans une configuration dépressive, les modèles sont bousculés. Et le constat est clair, les baisses de dépenses ont pu avoir des effets très lourds. Il a pu notamment être mesuré qu’en cas de baisse de dépenses de 1 euro, l’impact récessif pouvait atteindre 2,6 euros. Ce qui est une forme de suicide. Les hausses d’impôts sont tout aussi néfastes, mais dans des proportions moins élevées. La conclusion est simple. Avant de vouloir réduire ses déficits et sa dette, il faut s’attaquer à la croissance, sinon, cela devient une course perpétuelle que l’on est à peu près sûr de perdre.

Alors que l'OCDE prévoit une timide reprise de la croissance, l'économiste pointe du doigt le risque d'un nouveau dérapage budgétaire qui pourrait annihiler ce timide rebond. François Hollande a-t-il tué les risques de reprises en usant d'une politique dont il pensait qu'elle la relancerait ?

Le constat de Wren-Lewis me semble cohérent. L’austérité budgétaire a des effets récessifs qui ont pour le moment toujours été sous-estimés. Ce sera également sans doute le cas des fameux 50 milliards de baisse de dépenses promis par François Hollande qui vont peser sur le développement économique du pays. L’année prochaine, lorsque les effets réels seront intégrés, il sera alors nécessaire de recommencer une nouvelle vague de baisse des dépenses pour venir compenser les effets récessifs "inattendus" de la première. C’est un petit jeu qui est joué depuis plusieurs années en Grèce ou en Espagne, un jeu un peu lassant.

Les baisses d’impôts, pour être efficaces, doivent être considérées comme permanentes par les personnes concernées. Or, ces personnes ne s’attendent pas à ce caractère permanent et ont plutôt tendance à anticiper une nouvelle contraction du budget de l’Etat. Dans un tel contexte, il n’y a aucune raison de se laisser aller à l’optimisme, à la consommation, ou à l’investissement.

Comment mettre en place dans la situation actuelle les éléments d'une politique keynésienne qui puisse être efficace dans un contexte où tout ce qui peut se rajouter est vu comme une couche de complexité, peu durable de surcroît ? François Hollande est-il condamné à ne plus pouvoir être "keynésien" ? 

Mais je ne crois pas que François Hollande soit keynésien. S’il l’était, il ne ferait aucun effort sur la dette et relancerait massivement l’économie par la voie budgétaire, par des dépenses d’investissement, d’infrastructure etc…Mais François Hollande ne suit aucune doctrine, il improvise. C’est bien ce que lui reprochent les keynésiens d’ailleurs. A mon sens, s’il suivait une telle ligne, cela serait une erreur, mais au moins les agents économiques pourraient s’en tenir à quelque chose. Cela n’est même pas le cas.

Je reconnais la validité de nombreux principes keynésiens, mais une relance budgétaire est à mon sens condamnée par avance. Une telle relance a pour objectif de soutenir la demande, mais la demande est sous contrôle exclusif de la BCE. Si un plan keynésien est mis en place, la BCE se fera un plaisir de venir anéantir ce qui a été fait. C’est le destin qu’a connu le plan de relance européen mis en place en 2010, qui a été brisé par la hausse des taux de la BCE en avril 2011. Les effets sont donc nuls pour la demande, par contre la dette existe toujours et doit être remboursée. La réalité est que c’est bien le pouvoir monétaire qui fixe le niveau de demande, le pouvoir budgétaire est neutre sur ce point. A partir de là, le problème de demande en Europe ne pourra être résolu que par la BCE.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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