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La nage en eau froide pourrait-elle fournir une piste pour les traitements contre la démence sénile ?
©Arnulf Stoffel / dpa / AFP

Bienfaits

Selon les travaux de chercheurs de l’Université de Cambridge, la natation en eau froide pourrait protéger le cerveau des maladies dégénératives comme la démence. Quelles sont les perspectives pour les traitements ou pour l’accompagnement des malades ?

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico.fr : Des chercheurs de l’Université de Cambridge ont découvert que la natation en eau froide peut protéger le cerveau des maladies dégénératives comme la démence. Est-ce vraiment possible ?

Christophe de Jaeger : L’hypothèse que défendent les chercheurs de l’Université de Cambridge au Royaume Uni et en particulier le Pr Giovanna Mallucci et son groupe du UK Dementia Research Institute est basée sur plusieurs constats.

D’une part, l’hypothermie relative ralentit le métabolisme cellulaire et ainsi va protéger le cerveau ou tout autre organe contre des agressions comme la réduction de débit sanguin cérébral, quelle qu’en soit la cause. Il faut savoir que lorsque le débit sanguin diminue dans un organe (cerveau, foie, rein…), s’enclenche alors toute une série de réactions biochimiques (stress oxydant…) qui vont rapidement détériorer la population cellulaire de l’organe qui perd alors sa viabilité. La technique de l’hypothermie contrôlée est ainsi régulièrement utilisée dans des blocs opératoires dans certaines indications, comme la chirurgie cardiaque, mais également pour le transport des greffons dans le cadre des transplantations d’organes.

D’autre part, l’observation de l’hibernation chez les mammifères montre qu’il existe une sécrétion d’une protéine appelée RBM3 qui a un rôle protecteur propre sur les cellules cérébrales et sur les connections inter neuronales.

Enfin, expérimentalement la mise en hypothermie (35 ° C) de souris va favoriser la sécrétion d’une protéine appelée RBM3 pour Rna Binding Protéine 3. L’expression du gène codant pour cette protéine est déclenchée par une exposition brutale au froid et une diminution de la saturation en oxygène dans le sang. Cette protéine est présente dans l’ensemble des tissus humains dans la cellule. C’est également un marqueur tumoral dont l’augmentation est un élément favorable dans le cancer du côlon métastasé. Dans le cas de l’expérimentation, le Pr Giovanna Mallucci a montré que les souris sans pathologie étaient capables de régénérer leur cerveau lorsque l’on remonte leur température, alors que les autres groupes de souris avec des cerveaux lésés par la maladie d’Alzheimer ou par des infections à Prions, n’avaient perdu cette capacité de régénération. La protéine RBM3 semblerait être au cœur de cette régénération.

La synthèse de ces données montre effectivement que cette protéine RBM3 a certainement un rôle protecteur et peut être curative sur le cerveau. Ce qui compte tenu du nombre croissant de personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives dans nos pays occidentaux, est une piste passionnante qui peut déboucher sur une thérapie préventive et / ou curative à travers une molécule naturelle. Mais il reste encore un travail phénoménal à accomplir avant de pouvoir valider ce type de thérapie que cela soit directement par la prise d’une molécule ou par la stimulation externe, par exemple, par cryothérapie.

Quelles sont les maladies que l’eau froide peut protéger ?

Ce n’est pas l’eau froide en elle-même qui est intéressante, c’est la molécule RBM3 dont la sécrétion est augmentée par l’exposition au froid. Les maladies neuro-dégénératives comme la maladie d’Alzheimer sont évidemment au premier plan de part l’importance du nombre de malades et les coûts humains et sociétaux que cette pathologie implique. Beaucoup pensent que les pathologies neurodégénératives seront le fléau de notre siècle. Si nous pourrions découvrir des traitements simples, peu coûteux et efficaces en prévention et en curatif, cela serait un soulagement considérable pour les malades, leurs familles et les soignants.

Mais le « froid » peut également soulager bien d’autres pathologies. Il est utilisé en médecine du sport sur les pathologies inflammatoires avec succès. Il est également utilisé en médecine vétérinaire.

Quelles sont les perspectives pour les traitements ou pour l’accompagnement des malades ?

Les maladies neuro dégénératives sont en progression constante du fait de l’augmentation du nombre de personnes âgées et que le principal facteur de risque de ces pathologies est l’âge. Il n’existe pas aujourd’hui de traitement satisfaisant curatif de ces pathologies, dont l’évolution va naturellement vers la perte d’autonomie. Pouvoir réduire le nombre de malade grâce à la prévention et / ou réduire la gravité des symptômes grâce à l’usage d’une molécule, au demeurant physiologique, serait évidemment fabuleux.

Quelles sont les précautions à prendre de se baigner en eau froide ?

Que le froid, dans certaines circonstances contrôlées et j’insiste sur le contrôlé, puisse avoir des effets protecteurs sur le cerveau en ralentissant notre métabolisme cellulaire est certain. Affirmer que se baigner en eau froide est une prévention à recommander pour lutter contre les maladies neuro dégénératives est certainement aujourd’hui un pas qu’il ne faut pas franchir. D’ailleurs, les travaux du Pr Giovanna Mallucci vont dans le sens d’utiliser les propriétés de la protéine RBM3 pour favoriser la régénération des connexions entre les cellules cérébrales. Encore faut il que les cellules cérébrales soient présentes et dans la maladie d’Alzheimer, le principal problème est la dégénérescence et la mort des neurones et non pas seulement une raréfaction de leurs interconnexions.

On peut bénéficier du froid dans certains centres qui proposent des séances de « cryothérapie ». Vous êtes alors enfermé dans une cabine (mais la tête reste à l’extérieur) et votre organisme est refroidi pendant une à plusieurs minutes. Les bienfaits décrits sont un regain d’énergie, une diminution des douleurs, de l’inflammation, un meilleur sommeil. Certains sportifs de haut niveau en sont des adeptes et ces séances peuvent entrer dans leurs programmes de préparation physique.

Mais d’autres préférons probablement une vision plus naturelle et se baigner en eau froide est une expérience que certains auront envie de tenter. Certains y voient une stimulation de tout leur organisme. Mais ce n’est évidemment pas sans danger.

Un bain en eau froide va déclencher une multitude de réactions physiologiques dont l’objectif sera de maintenir la température de notre corps le plus proche possible des 37 ° C. En premier lieu des réactions cardiovasculaires avec une augmentation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle pouvant bien évidemment déstabiliser certaines pathologies cardio vasculaires ou encore, les révéler (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral). Il est donc absolument indispensable d’avoir un bilan médical avec votre médecin avant de se lancer dans une telle aventure.

Si le bain se prolonge alors, le risque d’hypothermie est majeur avec des signes de torpeur, des confusions… qui représentent une vraie urgence médicale et qui implique l’appel des secours en urgence. Cela souligne qu’il est impératif de ne jamais tenter ce genre d’expérience seul. Si vous êtes témoin, il faut impérativement sortir la victime de l’eau, la déshabiller si elle l’est, la sécher et l’habiller avec des vêtements secs en multipliant les couches de vêtements.

À mon sens, les travaux du Pr Giovanna Mallucci et de son équipe sont particulièrement intéressants, car issus d’observations de physiologie. La physiologie étant la science du fonctionnement humain normal, en complémentarité de la physio-pathologie ou de la pathologie. Ils mettent en valeur les enseignements de la physiologie trop souvent oubliés au profit de la pathologie et des médicaments. La physiologie est une discipline au cœur de la santé et de sa préservation et devrait revenir au centre de nos préoccupations en termes de prévention.

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