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La modernisation de la flotte australienne de sous-marins : un enjeu géopolitique pour la France
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Contrat

Le groupe français Naval Group a remporté un marché décisif face à l’Allemand TKMS et aux Japonais Mitsubishi et Kawasaki pour la mise en oeuvre d'un contrat prévoyant la fourniture à l'Australie de douze sous-marins dérivés du Barracuda. Le renouvellement de la flotte de sous-marins d’attaque de l’Australie s’inscrit dans une perspective géopolitique.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Alors que l’Australie fait face à une catastrophe écologique sans précédent, la presse australienne s’est faite l’écho au cours des dernières semaines d’une autre actualité, moins visible, mais cependant d’importance. Plusieurs médias australiens se sont en effet inquiétés, suite à la parution d’un rapport de l’Australian National Audit Office (ANAO), homologue de la Cour des comptes françaises, de la bonne mise en œuvre du contrat prévoyant la fourniture à l’Australie de 12 sous-marins dérivés du Barracuda. Ce contrat, parfois qualifié de contrat militaire du siècle, a pour principal chef de file le français Naval Group, après que ce dernier a remporté la compétition qui l’opposait à l’Allemand TKMS et aux Japonais Mitsubishi et Kawasaki.

Disons-le tout net : si l’importance du sujet justifie une attention serrée, la résonnance et les interprétations données au rapport de l’ANAO ne sont sans doute pas désintéressées. Quoi qu’il en soit, la réalité, c’est bien l’essentiel, est que le contrat se déroule comme prévu. Le Premier ministre australien l’a lui-même confirmé officiellement au Parlement national. A ce stade, les quelques semaines de décalage observées durant la phase de conception ne modifient en rien le calendrier prévu, pas plus d’ailleurs que le budget arrêté. La livraison du premier sous-marin de la classe Attack reste bien prévue pour 2032. A partir de ce moment, les chantiers navals construits à cet effet dans les environs d’Adelaïde fourniront tous les deux ans un nouveau sous-marin.

Les interrogations soulevées ont le mérite de rappeler l’importance du sujet. Au plan industriel à l’évidence. Car ce contrat est d’importance majeure pour la Base industrielle et technologique de défense (BITD française), à l’heure où le marché mondial des sous-marins est en pleine évolution, et la concurrence de plus en plus féroce. Que l’on songe aux difficultés de l’Allemand TKMS, ainsi qu’à la (re)montée en puissance de nouveaux acteurs asiatiques. Peu de pays sont capables d’aligner sur le temps long la maîtrise des technologies de pointe et les compétences indispensables à la réalisation d’un tel chantier. Encore moins nombreux sont ceux capables de transmettre ce savoir-faire à un autre pays.

Plus encore, le renouvellement de la flotte de sous-marins d’attaque de l’Australie s’inscrit dans une perspective géopolitique dont il faut prendre la mesure. 

Songeons d’abord aux intérêts de la France dans la région, en tant qu’Etat riverain de la zone Asie-Pacifique. La France est non seulement présente au sud de l’Océan Indien avec les îles de Mayotte et de La Réunion, les îles Éparses et les terres australes et antarctiques françaises. Elle l’est aussi dans le Pacifique avec ses territoires en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et à Clipperton, soit, au total, de l’ordre de 1,5 millions de ressortissants. Sa zone économique exclusive y représente quant à elle 9 millions de kilomètres carrés.

Plus encore, cette région du monde est traversée par des tensions maritimes de plus en plus fortes, en particulier, mais non exclusivement, en Mer de Chine. La montée en puissance de la marine de guerre chinoise est un fait majeur, qui s’est déjà traduit par une succession d’incidents, appelés dans doute à se poursuivre au cours des années prochaines. Elle est un test permanent pour le principe fondamental de liberté des mers, tel que rappelé par la Convention de MontegoBay de 1982. Le Président de la République, lors de son voyage en Australie, s’était d’ailleurs prononcé en faveur de la constitution d’un axe indo-pacifique, face à ce qu’il a qualifié de risque « d’hégémonie » de la part de la Chine. Emmanuel Macron avait estimé que la France et l’Australie, conjointement avec l’Inde, partageaient à ce titre une responsabilité particulière au titre du maintien de la bonne entente sur les mers. Dans un tel contexte, la modernisation par l’Australie de sa flotte de sous-marins d’attaque, qui plus est avec le soutien de la France, est un facteur essentiel de consolidation de la paix sur les mers, qu’il s’agisse de l’Océan indien, du Pacifique, et au sein de ce dernier de la Mer de Chine. 

C’est dire, en définitive, combien, après des années de relations difficiles, l’octroi par l’Australie à la France de la responsabilité de moderniser sa flotte de sous-marins a des répercussions qui excèdent largement les questions industrielles. Sa bonne mise en œuvre est une pièce maîtresse de la paix dans la région indo-pacifique, qui ne doit pas se résumer à un tête à tête dangereux entre les États-Unis et la Chine. 

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