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La Guerre idéologique : les règles d’un enjeu civilisationnel 
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Idée

Les mots, les images, les idées…la guerre civilisationnelle peut revêtir de nombreux visages avant de prendre les armes.

Jean-Pierre Marongiu

Jean-Pierre Marongiu

Jean-Pierre Marongiu est écrivain, conférencier, ingénieur, expert en Management et Directeur général et fondateur du thinktank GRES : Groupe de Réflexions sur les Enjeux Sociétaux.Perpetuel voyageur professionnel, il a parcouru la planète avant de devenir entrepreneur au Qatar où il a été injustement emprisonné près de 6 ans, sans procès. Il a publié plusieurs romans et témoignages dont : Le Châtiment des Elites, Qaptif, InQarcéré, Même à terre, restez debout ! Aujourd'hui conférencier et analyste societal, il met son expérience géopolitique au service d'une approche libérale-souverainiste de la démocratie.

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Le combat des idées est majeur, essentiel et vital à toute démocratie puisqu’aucune des parties ne peut durablement vaincre. C’est du débat, de ce mouvement salutaire de la pensée que naît le progrès, lequel ne signifie pas nécessairement une amélioration.

En France, la gauche incarne le débat idéologique depuis des années, mais sans parvenir à un ancrage réel de ces valeurs dans l’ADN populaire, elle n’a jamais réussi à pérenniser son orientation sociétale au-delà de la ponctualité d’une élection. La droite ne lui a succédé que pour réaliser des réformes structurelles inévitables auxquelles elle n’a pas survécu.

 Il aura fallu deux ans à François Mitterrand pour faire le choix du libéralisme contre l’humanisme et à peine davantage pour qu’Emmanuel Macron accomplisse son chemin de Damas du libéralisme vers le keynésianisme. 

Pour autant, l’idéologie progressiste domine le débat médiatique depuis une quarantaine d’années en dépit d’une population farouchement attachée à ses valeurs traditionnelles en totale rupture avec le discours officiel.

Alors que la majorité des médias ont fait le choix des minorités contre la citoyenneté, de l’individu contre la collectivité, de l’émotion contre l’intérêt national, si l’on s’appuie sur de récents sondages la France des régions se radicalise et se recroqueville sur les valeurs traditionnelles de son héritage révolutionnaire. 

Les pourcentages indiqués ci-dessous sont issus de divers sondages Ipsos et Ifop parus en 2020.

En matière d’immigration :

  • 78% souhaitent une immigration choisie et non pas subie. 
  • 55% sont favorables à la suppression du regroupement familial. 
  • 58% souhaitent l’instauration du droit du sang.

En matière de sécurité

- 55% sont favorables au rétablissement de la peine de mort.

- 70% sont favorables à une suppression de l'espace Schengen, et à un retour du contrôle des frontières du pays. 

- 55 % des sondés veulent le maintien de la fermeture des frontières après la crise sanitaire.

- 60% font confiance à la police en dépit des débats concernant les bavures policières.

- 89 % se disent favorables à la déchéance de nationalité pour les personnes les binationaux ayant commis des délits.

En matière de modèle politique.

  • 39 % à se déclarent être de Droite et 13 % de Gauche.  
  • 48 % ne se sentent pas appartenir à un camp ou à un autre compte tenu de l’offre politique en ce qui concerne le modèle économique 

En matière de modèle économique

- 54% des Français se déclarent en faveur d’un positionnement souverainiste plutôt que mondialiste.

- 80 % sont favorable aux circuits courts et à la relocalisation de la production industrielle en matière de santé, d’alimentation. 62% en ce concerne la technologie.

Au cœur d’une guerre idéologique particulièrement âpre et incertaine, le clivage droite/gauche n’existe plus, pas davantage qu’il n’existe d’extrême gauche ou d’extrême droite. Les cartes ont été rebattues à l’aulne d’un nouveau clivage : mondialisation ou nationalisation, libéralisme ou souverainisme.

Un fossé idéologique s’est creusé entre la capitale et les régions, la voix des médias est devenue celle d’une élite minoritaire et dominatrice qui confisque la parole à une majorité pourtant de moins en moins silencieuse.

L’article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale a suscité un déchaînement des médias et des associations progressistes d’une violence extrême alors que cet article, bien que redondant et inutile, est approuvé par 58% des Français. Pourtant, le gouvernement recule, préférant la paix sociale avec une minorité à l’application des règles de toute démocratie favorisant la majorité. 

La dérive autocratique du gouvernement Macron s’accroît alors que la défiance de la population à son égard s’amplifie. Semant les germes d’une escalade idéologique.

La nouvelle guerre froide ne met plus en présence comme après la Deuxième Guerre mondiale, deux systèmes, le communisme et le capitalisme qui ont fini par s’autodétruire, mais de deux civilisations.

Entre utopie et dystopie, celle des paradis communautaristes et de l’obsolescence programmée de la planète par les chocs climatique et démographique, traditionalisme et progressisme s’affrontent en une guerre idéologique d’une violence inégalée.

Les démocraties, par leur nature permissive, ne sont pas préparées pour lutter contre les idéologies meurtrières. Les avancées matérialistes supposées proposer une vie meilleure ne font que creuser le fossé entre nantis et exclus, alors que les idéologies religieuses dépourvues de tout fondement naturel ou rationnel regagnent du terrain. Il s’agit d’un système de vases communicants perpétuel.

Comme toute guerre, il s’agit de conquérir des territoires : la sécurité et la protection de l’identité nationale par l’autorité du peuple pour les uns et davantage de libéralisme économique et sociétal, d’ouverture au monde, de droits individuels et communautaires pour les autres.  

Les guerres attisent les phobies et radicalisent les idées :  les traditionalistes vivent dans la colère, ils  assistent impuissants à la disparition de leur monde. Les progressistes vivent dans la peur que les populistes ne les violentent.

Une guerre idéologique répond à certaines règles. 

Généralement quand deux idéologies s’opposent, l’une est majoritairement dominante s’appuyant sur les pouvoirs régaliens et institutionnels, l’église, l’école, les médias, et l’autre se positionne en réaction. 

L’avènement du contre-pouvoir des réseaux sociaux, que l’on peut rapprocher de l’invention de l’imprimerie en 1454 qui a donné naissance au protestantisme, a changé les règles. Des courants d’idées se sont propagés, donnant la parole à des élites critiques, à des médias minoritaires, de nouvelles mœurs ont eu pignon sur rue, une contre-culture hostile à toute autorité est devenue hégémonique en représentant la mosaïque majoritaire de l’opinion.

La parole populaire libérée a contesté, à tort ou à raison, la représentation officielle, mais aussi la prédominance moralisatrice des bobos de gauche. Cette force incontrôlée et incontrôlable, à moins d’un changement drastique de société, parvient à influer sur les résultats d’élections et obtient une visibilité grandissante. Cela inquiète la sphère médiatique de l’élite, laquelle réagit, en dénonçant les idées haineuses, les stéréotypes, le complotisme, les fakes, l’archaïsme…

La force de propagation d’une idéologie est fonction des intérêts de classe ou de l’éducation de qui la professe, mais aussi des dimensions morales et esthétiques, que partagent spontanément les gens qui se ressemblent. Le pouvoir d’influence d’une idéologie réside en sa capacité d’imposer le silence ou le ridicule à l’adversaire. La pression psychologique, la menace administrative, la censure et idéalement l’autocensure sont les armes des guerres idéologiques. La vérité compte moins que l’émotion, le choc des mots et des images prévalent sur la réalité.

Dans les deux camps, la guerre idéologique possède ses théoriciens et ses stratèges, Sartre incarnait l’intellectuel généraliste, il indiquait la démarche révolutionnaire individuelle et politique pour guider le peuple. Foucault incitait l’intellectuel spécifique, à savoir l’expert, à démonter les mécanismes du pouvoir donc l’idéologie qui les dissimulait. 

Attali et Minc sélectionnent et éduquent les incarnations d’une idéologie de pouvoir tandis que Zemmour et Onfray déstructurent par l’analyse, l’histoire et la philosophie les manipulations médiatiques.

Les nouveaux prêtres progressistes de la bonne conscience médiatique sont chargés d’indiquer les lignes à ne pas franchir et les indignations à partager. À l’inverse, le contradicteur traditionaliste a pour fonction de résister à la pression conformisante, notamment du langage, de mettre en évidence les faits et défendre une identité commune. 

L’influence idéologique ne connaît pas de frontières. 

Longtemps l’internationale communiste relayée par des idéalistes locaux a essaimé les idées révolutionnaires. De l’autre côté de l’atlantique, le soft Power américain a inondé le monde répandant marchandises et images idéalisées d’un modèle mondial unique.  Le déclin de l’URSS ne marqua pas la victoire du capitalisme américain, mais la naissance du progressisme humaniste et de la mondialisation.

L’influence internationale est désormais liée à la technologie numérique. Internet qui devait soustraire les populations d’une idéologie dominante en donnant la parole au peuple, sans contrainte ni censure, voit son territoire se réduire progressivement. Déjà, la Chine contrôle la circulation des idées par la surveillance numérique. Dans les pays occidentaux, les opérateurs éliminent via des algorithmes les discours supposément haineux, taxés de désinformation ou non appropriés.

Personne, à moins de vivre en reclus, ne peut se soustraire à la guerre idéologique. Pour autant, on peut repérer les mécanismes idéologiques des divers camps. Car la guerre idéologique ne met plus en scène deux camps, mais une multitude d’intervenants nouant et dénouant des alliances en fonction de leurs intérêts. Ainsi des écologistes font la propagande pour la GMA et la PMA, des féministes défilent avec des islamistes ou des dirigeants de la France Insoumise admettent la suprématie des religions sur les lois républicaines.

Un observateur soucieux de son libre arbitre devra dissocier les passions présentées comme les valeurs que chaque idéologie dissimule. Que l’individu soit partisan ou pas, militant ou pas, son choix, voire son absence de choix, sera de toute manière récupéré.

Le mécanisme de récupération est généralement identique, une idéologie définit l’orientation de pensée en fournissant à chaque question une explication unique, crédible et seule autorisée. 

Il est important de s’interroger sur les catégories dans lesquelles nous classent nos convictions, et quels adversaires les idéologies nous désignent.

On peut partager des constats sur un instantané sociétal sans adhérer au même but : ainsi, être d’accord avec une mesure d’un texte de loi sans valider un programme gouvernemental. Pour autant, cela nous fera osciller d’un camp à l’autre, la neutralité n’existant pas en matière de guerre idéologique. 

Dans ce combat interminable, il est une constante :  personne ne remporte durablement la guerre des idées.

La guerre, c’est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées.

Victor Hugo.

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