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La génétique serait-elle la raison pour laquelle certains ne font jamais contaminés par le Covid ?
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Protection innée

Les scientifiques savent depuis des décennies que certaines personnes peuvent être résistantes à l'infection par le VIH. Pourquoi pas le coronavirus aussi ?

Eric Billy

Eric Billy

Eric Billy est chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg. Il est membre du collectif Du côté de la science.

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Atlantico : La génétique est-elle l’une des explications pour lesquelles certaines personnes ont eu l’impression de ne jamais avoir été contaminées par la Covid-19 ? 

Eric Billy : En France, 35 millions de personnes au minimum ont été infectées au moins une fois par la Covid-19. De là à dire que des mutations génétiques et des prédispositions permettraient de se protéger… C’est possible mais cela n’a pas été démontré à l’heure actuelle. Des études génétiques très poussées sont nécessaires. D’autres raisons peuvent expliquer le fait que certaines personnes aient l’impression de ne jamais avoir été infectées. Elles ont pu être infectées dans un laps de temps assez proche de leur vaccination ou d’un rappel. Si vous n’êtes pas très attentifs ou si l’accès à des tests antigéniques n’est pas facilité, la contamination au Covid-19 n’a pas pu être établie ou mise en évidence. La perception de ne pas avoir été infecté rime souvent avec l’absence de test positif. 

Certaines personnes en fonction de leur activité professionnelle ou qui vivent dans une région où il y a une densité de population très basse et où il y a de faibles interactions sociales sont beaucoup moins exposées également. 

Des patients font aussi des formes très peu symptomatiques (paucisymptomatiques). Ils ont eu de légers symptômes, mais ils ne les ont pas associés à une infection et donc ne vont pas faire de tests et considèrent donc qu’ils n’ont jamais croisé le virus. En cas d'infection quelques semaines après un rappel vaccinal la réponse immunitaire liée au rappel va avoir une telle efficacité que le virus va entrer au niveau des muqueuses mais aura une diffusion systémique réduite. La personne ne développera pas de symptômes significatifs. 

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Autre possibilité, le décalage entre l'apparition des symptômes et la positivation du test antigénique. Avec omicron il y a souvent un décalage de 1-2 jours après l'apparition des symptômes évocateurs et un test antigénique positif. On peut donc si réalisé pas dans la bonne fenêtre conclure à une non infection par le virus (d'où l'interet des test PCR plus sensible pour ce genre de conditions) .

Dernière explication, même si malgré de nombreuses expérimentations, elle n'a pas encore été formellement validé:  l'existence d'une immunité croisée. Certaines personnes auraient pu croiser d’autres coronavirus dans le passé et auraient gardé une immunité cellulaire un peu spécifique qui leur permettrait de faire des formes beaucoup moins sévères et marquées lorsqu’elles sont exposées au Sars-CoV-2.

Avoir été asymptomatique est donc très rare. 

Ces éléments sont primordiaux à étudier avant de se pencher sur le polymorphisme génétique qui pourrait expliquer une meilleure protection vis-à-vis du coronavirus.

Il n’existe à l’heure actuelle que trois virus qui peuvent être bloqués en fonction d'un polymorphisme génétique et c'est loin de pouvoir protéger une proportion importante de la population. 

Sur quoi se base la probabilité d’une immunité génétique ? 

Celà est issu de la découverte dans le cas du VIH d'une mutation (par délétion) dans le récepteur CCR5 qui rend ces personnes réfractaires à une infection par le virus. Ce cas est exceptionnel puisque c'est lors de la transplantation, chez un patient VIH positif, des cellules souche d'un donneur qui portait une mutation homozygote CCR5 delta32 qu'on s'est aperçu que le patient receveur allait devenir séronégatif et le rester. L'implication du récepteur CCR5 dans le mécanisme d'infection du VIH était alors mise en lumière pour la première fois.

Dans ce cas particulier, la mutation n'empêchait pas du tout le fonctionnement normal du récepteur et la liaison des cytokines, mais il empêchait le VIH de pouvoir entrer dans les lymphocytes CD4, et ainsi de se multiplier ou de s'y integrer. 

Cette découverte a également conduit à la mise en place de projet de recherche pour modifier les CCR5 chez les personnes VIH+ afin d'empêcher les virus circulant (charge virale) de continuer à infecter les C4 de patients. 

Si une mutation génétique protégeait du Covid-19, serait-elle capable de protéger contre les mutations génétiques du Covid également ? 

Pas nécessairement. Si jamais il y avait une mutation, ce qui reste un cas rare, si un polymorphisme donnait une protection, il est tout à fait possible que cette protection disparaisse en fonction de l’évolution du virus. S’il s’agit d’une mutation qui protège par rapport à la liaison de Spike sur le récepteur ACE2, il est possible qu’au bout d’un moment, une évolution ou des mutations successives dans la protéine Spike de divers variants (voire même au sein du même individu infecté) conduisent à faire sauter cette protection. Le virus serait alors capable de rentrer même chez les individus qui auraient ce type de polymorphisme. Cela s'appelle une sélection par gain de fonction.

Pour le coronavirus, il y a un tel nombre de personnes infectées que rapidement une sélection des variants s'opère. Le virus est alors capable d’infecter un maximum de cellules et de manière la plus optimale. Les variants émergent ainsi. Les variants les plus contagieux, sans nécessairement être les plus virulents au niveau symptomatique (ça peut être le cas mais ce n'est pas systémique), sont ceux qui vont être sélectionnés car présentant des avantages de contagiosité (charge virale plus haute, facilité pour rentrer dans les cellules, un tropisme plus large: un plus large panel de cellules pouvant être infectées, etc.). Ils vont être capables d’infecter un maximum de personnes en un minimum de temps.

Même s’il devait y avoir une mutation génétique, le virus aurait pu trouver la clé pour infecter plus de monde… 

Au regard du nombre de personnes infectées et avec les fréquences de mutations du SARS-CoV-2, il est aussi possible qu’un tel événement génétique s'il a existé, qu’une telle protection ait pu avoir lieu mais qu’on ne l’ait jamais détectée car elle n’a été que temporaire. 

Ce polymorphisme est potentiellement un cas très rare. Cela ne permettra pas à la moitié de la population mondiale d’être protégée pour autant.     

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