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La genèse méconnue du Front national : comment une extrême-droite française en morceaux au lendemain de l’Occupation a pu sortir de la marginalité
©REUTERS / Yves Herman

Bonnes feuilles

Bloqué par un "plafond de verre" ou... aux portes du pouvoir ? Parti politique "comme les autres" ou force politique à part ? Acteur incontournable du paysage électoral comme du jeu partisan, le FN est à la croisée des chemins. Joël Gombin revient sur quatre décennies d'histoire du Front, et propose un état des lieux sans concession du parti : tensions internes, positionnement hésitant dans le paysage politique, ressorts électoraux, stratégies et scénarios pour 2017. Extrait de "Le Front National" de Joël Gombin, aux Editions Eyrolles (1/2).

Joël Gombin

Joël Gombin

Joël Gombin est doctorant en science politique au CURAPP (Université de Picardie-Jules Verne – CNRS).

Ses travaux portent  notamment sur le vote en faveur du Front national et sur les comportements politiques des mondes agricoles.

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L’histoire du Front national est une longue histoire de dédiabolisation, plus ou moins contrariée. Aux origines de ce parti, on trouve des militants et des groupes qui ont en commun de se penser comme les perdants de l’Histoire, les réprouvés, ceux que le récit écrit par les vainqueurs – les Alliés, les gaullistes, les communistes… – voue aux poubelles de l’Histoire. Cette marginalité, subjective mais aussi objective, est essentielle pour comprendre la manière dont on fait de la politique à l’extrême-droite et en particulier au FN.

Une entreprise de dédiabolisation, déjà

À la fin des années 1960, l’extrême-droite française est en morceaux. La période de l’Occupation l’a largement décrédibilisée et marginalisée. La guerre d’Algérie a permis la résurgence d’une extrême-droite putschiste, des barricades d’Alger le 13 mai 1958 à la subversion des généraux et de l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Mais le camp nationaliste sort très affaibli de la période. Le score respectable (5,2%) réalisé par Jean-Louis Tixier-Vignancour, le candidat de l’Algérie française, lors de l’élection présidentielle de 1965 n’a été qu’un feu de paille. Surtout, l’après-1968 est marqué par l’interdiction des organisations les plus en pointe du camp nationaliste, à l’instar d’Occident, dissoute en octobre 1968 .

Ordre nouveau et le passage à la politique institutionnelle

À la fin de l’année 1969, Ordre nouveau (ON) est créé par des anciens d’Occident, autour notamment d’Alain Robert, en s’appuyant sur un certain nombre d’organisations nées de sa dissolution, tel le Groupe union défense (Gud), célèbre pour sa présence militante à la faculté de droit de la rue d’Assas. Bien que les créateurs d’Ordre nouveau prétendent atteindre une certaine forme de sérieux politique, "la provocation est le moteur-même du lancement d’ON", comme l’écrivent Nicolas Lebourg et ses collègues. La violence appartient au registre d’action ordinaire de ce mouvement, comme en témoignent les affrontements réguliers avec les "gauchistes", et François Duprat – un cadre d’Ordre nouveau qui jouera par la suite un rôle essentiel au Front national  – exagère l’ancrage néofasciste, voire néonazi du groupuscule dans sa propagande afin d’obtenir une large publicité, fût-elle négative. La manœuvre rencontre un certain succès, puisqu'Ordre nouveau parvient à accréditer l’idée qu’il réalise l’union des nationalistes, bien que celle-ci soit en réalité parfaitement factice. Cela permet d’impulser une dynamique dans le camp de l’extrême-droite et d’ouvrir des perspectives. Cependant, la menace de la dissolution administrative pèse sur le groupe. ON se doit donc de préparer une parade en cas de dissolution effective.

D’ailleurs, ses dirigeants souhaitent sortir de la marginalité et investir le champ politique institutionnel. Leur modèle – et soutien logistique – est le Movimento sociale italiano (MSI), parti italien qui s’inscrit dans la lignée mussolinienne et bénéficie d’une certaine audience dans la péninsule italienne. En tant qu’organisation néofasciste, Ordre nouveau entend articuler la formation d’une élite politique et le soutien des masses. La question d’investir le champ électoral se pose donc. Elle est d’ailleurs soulevée, à l’extrême-droite, dès 1966, au lendemain de la candidature de Tixier-Vignancour. Il s’agit alors de constituer une troisième force politique pour peser face aux gaullistes et à la gauche. Avec Occident, Alain Robert veut déjà impulser ce "Front national" – sans que cela soit alors concrétisé.

Extrait de "Le Front National" de Joël Gombin, publié aux Editions Eyrolles. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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