La France une fois de plus humiliée à Bruxelles <!-- --> | Atlantico.fr
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La Commission européenne vient de nouveau de flanquer la France au fond de la classe de la zone euro.
La Commission européenne vient de nouveau de flanquer la France au fond de la classe de la zone euro.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

La Commission européenne vient de nouveau de flanquer la France au fond de la classe de la zone euro, pour ses performances économiques encore dégradées et surtout à cause de son manque d’efforts pour se redresser. Mario Draghi ne pourra pas résoudre les problèmes que la France elle-même ne veut pas reconnaître.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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En clair, la France se comporte comme le plus mauvais des élèves. Elle multiplie les mauvaises notes, et en plus,  elle ne travaille pas pour s’améliorer. Pire, elle donne le sentiment de se moquer des avertissements. Et même d’accuser ses petits camarades de ne pas l’aider… Quand ce n’est pas le président de la Banque centrale européennes qu’elle critique et accuse de jouer contre nous avec un euro trop fort. 

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Cette fois-ci, la Commission de Bruxelles ne rigole plus et vient de placer la France sous surveillance. C’est l’antichambre des sanctions.  Pour mauvaise conduite…

"Pour une raison très simple, disent nos partenaires européens. Si la France ne se redresse pas, elle met en péril  non seulement son économie mais celle de toute la zone euro. La France est potentiellement contagieuse."

Les avertissements sont clairs et précis.

Premièrement, les déficits publics et sociaux ne baissent pas. Ils seront de 4% du PIB. C’est moins bien que ce qu’avait espéré et promis le gouvernement. La Cour des comptes à Paris a pourtant sonné l’alerte plusieurs fois en affirmant que l’effort de réduction des déficits s’appuyait essentiellement sur les hausses d’impôts et que ça ne pouvait pas marcher. Ça n’a pas marché.

Deuxièmement, les impôts ne sont pas rentrés comme prévus en 2013. La hausse des taux de prélèvements a stérilisé les contribuables. La croissance très faible a anéantie l’activité, et, par conséquent, les rentrées fiscales. Il  manquerait aujourd’hui 13 milliards d’euros.

Troisièmement, le chômage ne baisse pas. Fin 2013, il dépasse les 10,8%... Les experts pensent qu'il progressera encore à 11% en 2014. La réaction aux efforts de redressement est très ambigüe. A priori, si les entreprises françaises dégagent des gains de productivité, elles consacreront ces gains à la restauration de leurs marges qui ont complètent disparu, et non à l’emploi. Si l’emploi marchand ne s’améliore pas, c’est l’emploi aidé qui augmentera donc les dépenses sociales.

Quatrièmement, le pacte de responsabilité n’aura que peu d’effets à court terme sur l’emploi. Contreparties ou pas. Le transfert de ressources au bénéfice des entreprises ne sera pas assez massif et assez rapide. Si le CICE, le crédit d'impôt compétitivité et emploi, combiné à la baisse des cotisations familiales, entraîne la création de 300.000 emplois, il faudra s’estimer satisfait.

Cinquièmement, l’effet des 50 milliards d’économie de dépenses publiques sera très amorti si l’État parvient à les trouver ; ce qui n’est pas gagné. 50 milliards d’économies sur 2015, 2016, et 2017, c’est donc moins de 20 milliards par an. Mais cela implique de toucher aux effectifs de la Fonction publique, ou alors aux rémunérations, ou alors aux retraites, ou alors au périmètre de l’État. Bref, on touche au cœur du réacteur de l’électorat de gauche en France. Pas facile pour un gouvernement de gauche de se tirer ainsi une balle dans le pied.

Pour Bruxelles, qui reprend là l’analyse très sévère de l’agence de notation Moody’s. La situation socio-politique rendue nerveuse par le chômage empêche toute réforme libérale qui passerait par un désengagement de l’état, pourtant nécessaire.

L’exécutif français, et notamment Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve, ont réfuté la sévérité du diagnostic en précisant que le gouvernement poursuivait "les efforts de redressement des comptes publics jusqu’à la fin du quinquennat… Et les encouragements à l’offre productive."

Cet avertissement sévère de Bruxelles sera évidemment examiné avec attention par le conseil de la Banque centrale européenne, mais il entraîne la BCE sur des analyses contradictoires et gênées :

Premier point, l’Europe risque la déflation. Mario Draghi est très conscient de cette perspective. Il le dit chaque premier jeudi du mois. Il serait donc prêt, si la situation se détériorait, à dégainer l’arme monétaire et à distribuer des liquidités pour permettre à certains États de se désendetter. Dans ce cas, la BCE prendrait le chemin de la FED américaine. Cette décision conviendrait parfaitement à la France qui considère qu’une de ses difficultés se cache dans le rapport de change. Le problème, c’est que l’ensemble des autres pays de la zone euro ne le réclame pas.

Second point, la banque centrale restera donc extrêmement prudente sur injonction de l’ensemble des pays de la zone euro. Pourquoi ? Tout simplement parce que le seul avantage d’une dépréciation de l’euro serait de venir en aide aux canards boiteux et à tous ceux qui ne veulent pas regarder en face la réalité des réformes à engager. Pour quelle raison l’Europe du Nord, et même l’Espagne et l’Italie, viendraient offrir à la France de payer un modèle franco-français trop cher ? Pour quelle raison viendraient-ils exonérer Paris de faire preuve d’un peu de courage  politique ? Pour quelle raison accepteraient-ils pour les autres ce qu’on leur a refusé ?

Un économiste de Bruxelles affirmait hier que "si la France avait fait l’effort de redresser ses finances publiques et d’assouplir son modèle économique, comme les allemands l’ont fait ou les espagnols l’ont accepté, il n’y aurait plus de problème monétaire pour la France, et surtout, moins de chômage."

En réclamant le bénéfice de l’exception, la France perturbe l’ensemble de la zone euro, et, du coup, se marginalise. Cela fait le jeu des extrémismes, mais ça ne sert guère nos performances économiques et sociales. 

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